Ces oursons que je cache
Dans un coin de ma chambre, il y a un panier. En face de mon lit. Ce panier est la résidence de quelques oursons de peluche. Ces oursons appartiennent à différentes époques et le plus vieux a le même âge que moi, à quelques jours de différence. Le plus récent a à peine quelques semaines.
Ces oursons se serrent un sur l'autres. Par obligation, car je ne sais si cela serait leur choix. Ils ont tous un nom, mais je ne le dis pas à beaucoup de gens. Certains noms semblent étranges. Ils ne furent jamais renommés. Ils ont tous le nom qui leur fut donné à leur arrivée chez moi. La plupart sont Montréalais, d'autres Français, il y a un Berlinois.. Ils sont tous des espagnols présentement. Pour la plupart des gens qui observent le panier, c'est simplement un rassemblement d'oursons - amalgame de souvenirs d'enfance, de cadeaux et d'une certaine affinité pour les oursons.
J'ai un autre panier avec d'autres animaux en peluche. Il est un peu plus caché. Ils semblent un peu oubliés, mais ils sont aussi importants. Je les évoquerai peut-être un autre jour. C'est que les oursons sont différents. Il est vrai que ce sont une représentation de souvenirs d'enfance... de cadeaux que j'ai reçus au fil des années... et d'un attrait pour les ours en peluche...
Mais pour ceux qui se penchent un peu plus, qui approchent leur
oreille du panier, ils pourront peut-être percevoir ces murmures que
j'entends parfois. Des échos de ce qu'ils ont entendus, des réponses
chuchotées. Ils ont une force extraordinaire qu'il n'est pas possible
de voir si on accepte pas l'imaginaire.
Toujours
aimé, les animaux de peluches, de toutes sortes et de toutes
couleurs. Comme tant d'enfants... Ces animaux appelés indistinctement
"nounours", encore aujourd'hui, ont peuplé ma chambre pendant tant
d'années. Quelques uns furent donnés, mais certains ne m'ont jamais
quittés... Certains savent tout de moi. D'autres que quelques épisodes.
C'est classique. Qui n'a pas raconté sa vie à ses êtres de peluche ?
Probablement beaucoup de gens... mais beaucoup d'autres ont laissé
leurs émotions coulées sur leurs peluches. Des larmes, des rires,
parfois même des coups... ils ont servi à éloigner les fantômes, permis
d'être en mesure de faire comme si tout allait bien, car ils gardaient
pour eux ce qui n'allait pas...
Mais les oursons de ma chambre ont appris à comprendre et à entendre sans qu'on leur demande. Et parfois, c'est uniquement une question de goût pour les oursons en peluche... une histoire de collection, un rêve d'avoir ces objets magnifiques et peut-être un jour un authentique antique teddy bear... mais il serait enfantin de ne pas avouer que ces présences ont une importance impossible.
Ce soir... je suis en colère. Ce soir... je me sens blessée... et je n'ai pas honte de parler de ces objets. Mais ces objets possèdent une vie que je ne peux décrire. Je n'ai pas toujours la force de me laisser aller. Mais ils n'ont pas besoin que je m'ouvre... ils viennent à moi sans que j'ai besoin de les appeler. Évidemment, c'est une illusion. Évidemment, je suis une adulte qui n'a pas besoin de ces objets pour se lever et marcher. Mais parfois dans le noir de mes rêves, je laisse l'imaginaire me parler tout doucement et me raconter de belles histoires... Il était une fois...