Quelques cendres sur mon front
Cela faisait des années que je n’avais pas « pensé » à
cette journée. Le mercredi des cendres n’a pas traversé ma vie depuis un bon
moment. Mais depuis que je vis à Barcelone, je ne peux m’empêcher de penser à
cette journée. Parce que l’Espagne est encore très près de sa religion
catholique. Parce que l’Espagne célèbre encore les fêtes religieuses les plus
obscures. Parce que l’Espagne aime fêter tout simplement. Et le Carnaval est
une fête très importante. C’est même la principale occasion de se déguiser et
de fêter pendant près d’une semaine. Et on peut voir des défilés, les enfants
se déguisent et reçoivent des bonbons, les grands se déguisent et sortent dans
les bars, les boutiques de costumes font fortunes… jusqu’au mardi gras.
Évidemment, ce qui est étrange pour moi, qui n’ai
jamais vécu auparavant de Carnaval, c’est que chaque année, celui-ci n’a jamais
lieu exactement à la même période. Les Carnavals et les Mardi gras de ma
connaissance ont soit eu lieu dans le passé ou dans des villes lointaines… le
Mardi Gras de la Nouvelle Orléans, le Carnaval de Rio de Janeiro ou de Venise,
les Carnavals médiévaux… Je n’avais aucune idée que le Carnaval ou le Mardi
Gras pouvaient se célébrer aujourd’hui en Espagne. Et pourtant c’est une
période très, très, très importante ici. La fin de semaine dernière, il y avait
pleins d’enfants de déguiser… tout mignon…
Mais évidemment, pour l’ancienne très pratiquante,
religieuse que je suis, après le mardi gras, vient le mercredi des cendres qui
débute le carême… jusqu’à Pâques… enfin jusqu’à la Pâque chrétienne. Parce que
pour tenir ces fameux 40 jours de carêmes, il faut d’abord s’assurer de faire
un mardi gras… et se laisser aller à tous les excès – bon, surtout alimentaires
et alcooliques – avant de se lancer dans ces 40 jours de jeûne et contrition…
Et cette première journée de Carême est maquée par ce
mercredi… des cendres. Les cendres représentant le péché et surtout la
fragilité de la vie… poussières, tu retourneras en poussières… En célébrant ce
mercredi, en acceptant qu’on mette des cendres sur son front, l’homme reconnaît
non seulement ses fautes et sa nature éphémère, fragile, mortelle. C’est un
rappel à l’humilité que nous devons avoir… Évidemment, tout ça est très
religieux et très ancré dans la foi d’un dieu – chrétien.
À l’origine, uniquement les gens qui avaient commis de
graves fautes recevaient les cendres – ils devaient être publiquement
recouverts de cendres. Ils devaient également revêtir un sac – afin de bien
marquer leur pénitence. Et puis, la tradition fut étendue à tous les croyants…
et évidemment, on en est venu à une simple marque sur le front lors de la messe
du mercredi des cendres, en prononçant les versets suivants provenant de la
Genèse : Memento, homo, quod pulvis es, et in pulverem reverteris – histoire
de bien se souvenir qu’on est poussière et qu’on redeviendra poussière… on est
rien et on redeviendra pas grand-chose… enfin… toujours l’humilité… hum… Et
puis, tout cela vient de vieilles traditions juives… d’Adam qui n’est que poussière,
de l’Ancien Testament et de l’utilisation des cendres comme pénitences, Samuel,
Jonas, Judith, les Maccabées… et ensuite des 40 jours du Christ dans le désert…
enfn… les références sont nombreuses.
En principe, les cendres viennent des rameaux bénis
l’année précédente (recueillis lors du dimanche des rameaux) et réduits en
cendres. Oui, je sais cela… ai-je dis que je fus un jour très très religieuse?
D’ailleurs… c’est à cela que je pensais ce mercredi
quand j’ai réalisé que c’était le mercredi des cendres. Mon copain me disait
que le Carnaval était terminé puisque le Mardi Gras venait d’avoir lieu et moi
de répondre, « oui, je sais, c’est le mercredi des cendres aujourd’hui ». Et
comme toujours, lui de s’étonner que je sache ce genre de chose… Je ne peux
m’empêcher de me rappeler ces heures de cours que j’ai manqué au secondaire –
alors que j’allais au Collège Reine-Marie qui possédait sa propre chapelle, son
propre prêtre et bien sûr les religieuses de la Présentation de Marie… Car de
Carnaval et de Mardi Gras, je n’avais jamais entendu parlé, mais le Mercredi
des Cendres était très important. Toute la journée était consacrée à cet
événement. L’avant-midi nous allions à la confesse… pendant les cours… une
après l’autre… (l’idée étant de confesser le plus de péchés possibles afin
d’avoir le plus de prières à faire à la chapelle en pénitence, afin de manque
le plus de cours possible)… puis dans l’après-midi, nous manquions toute une
période pour assister à la messe du Mercredi des Cendres. Moment important, car
pour cette occasion, nous n’allions pas à la chapelle des étudiantes, mais nous
allions dans la partie – plus grande – des religieuses…
Mais je dois avouer, que même si c’était surtout
l’occasion de manquer des cours et de rigoler doucement entre nous… quand nous
devions faire la file devant le prêtre et quand celui-ci nous faisait une croix
de cendres sur le front, nous nous taisions toutes… C’était définitivement
étrange cette cendre… un peu morbide. Cela me semblait si proche de la mort… Et
pendant quelques moments, on ne pouvait s’empêcher d’être touché… sentir une
certaine énergie au rituel… On ne peut dire le contraire, se faire mettre une
croix de cendres est plus marquant qu’une croix d’eau – peu importe qu’elle
soit supposément bénite !!!
Il y a sûrement beaucoup à étudier sur ce rituel… mais
bon… je trouve simplement étrange, aujourd’hui, de me souvenir du mercredi des
cendres…
Quelques sources à consulter :
- http://evangile.eglisejura.com/?p=419
- http://www.newadvent.org/cathen/01775b.htm
- http://www.catholic.org/clife/lent/ashwed.php
- http://www.americancatholic.org/Newsletters/CU/ac0204.asp
- http://www.ash-wednesday.org/