Le parfum de la tubéreuse / Élise Turcotte. – Québec (Québec) : Alto, [2015]. – 114 p. ; 21 cm. – ISBN 978-2-89694-228-2
Quatrième de couverture
Professeure de littérature dans un collège de Montréal, Irène retourne enseigner après un long congé de maladie. Le désir de faire voir à ses étudiants le pouvoir de résistance qu’exerce la poésie est toujours là. Et ni un contexte politique assez sombre, ni Théa, sa perfide alliée, ni même la mort n’arrivent à l’éteindre. C’est qu’à l’horizon le printemps rougit, et bientôt l’engagement d’Irène dans la révolte grandissante la forcera à renoncer à son travail. Mais ce n’est pas fini pour elle, car la voici ensuite obligée de donner ses leçons devant une bien étrange assemblée.
Avec cette fable où les sucs vénéneux se mêlent aux parfums les plus enivrants, Élise Turcotte signe un envoûtant plaidoyer pour la littérature qui est une arme contre le vacarme des lâches.
L’auteur
Élise Turcotte est née en 1957 à Sorel au Québec. Elle étudie à l'Université du Québec à Montréal en études littéraires et elle obtient sa maîtrise en 1984. Elle poursuit ensuite ses études en création littéraire à l'Université de Sherbrooke et obtient son doctorat en 1991.
Elle commence à écrire et publie son premier texte en 1980. Elle commence à enseigner la littérature au Cégep du Vieux-Montréal en 1986. Elle reçoit de nombreux prix dont deux fois le Prix Emile-Nelligan. Son roman La maison étrangère, publié en 2002, recevra le Prix du Gouverneur Général. En plus d'écrire de la poésie, des nouvelles et des romans pour adultes, elle écrit aussi pour la jeunesse.
Bibliographie
- La mer à boire (1980)
- Dans le delta de la nuit (poésie) (1982)
- Navires de guerre (poésie) (1984)
- La catastrophe (poésie) (avec Louise Desjardins) (1985)
- La voix de Carla (poésie) (1987)
- Le bruit des choses vivantes (1991)
- Caravane (nouvelles) (1994)
- L’île de la Merci (1997)
- Les cahiers d’Annette (roman jeunessse) (1998)
- La leçon d’Annette (roman jeunessse) (1999)
- Annette et le vol de nuit (roman jeunessse) (2000)
- La maison étrangère (2002)
- Sombre ménagerie (poésie) (2002)
- Voyages autour de mon lit (poésie jeunessse) (2002)
- La terre est ici (poésie) (2003)
- Piano mélancolique (poésie) (2005)
- Le meilleur ennemi d’Annette (roman jeunessse) (2006)
- Pourquoi faire une maison avec ses morts (2007)
- Rose, derrière le rideau de la folie (poésie jeunessse) (2009)
- Ce qu’elle voit (poésie) (2010)
- Guyana (2011)
- Autobiographie de l’esprit (2013)
- Le parfum de la tubéreuse (2015)
Mes commentaires
Mais quelle couverture ! Non ? Lorsque j'ai vu le livre pour la première fois, j'ai été complètement séduite par cette couverture. Puis le titre m'a charmée. Et puis la quatrième de couverture a achevé de me convaincre. Je devais lire le livre. Et je n'ai pas été déçu ! Oh quel charmant et envoûtant livre. Quel livre étrange et déroutant aussi.
J'ai vraiment beaucoup aimé, mais je peux comprendre qu'on ait pu être surpris par le texte. Si on lit rapidement la quatrième de couverture et qu'on passe à côté du mot "mort" et "d'étrange assemblée", on peut s'attendre à un texte plus traditionnel. Mais Élise Turcotte nous offre ici un roman poétique et lyrique. Et pas nécessairement facile à lire. C'est à la limite un peu "littératuré" et certains le trouveront peut-être un peu verbeux, mais personnellement, une fois les premières pages lues et acceptées, j'étais conquise. Je n'aurais pas voulu d'un autre texte.
C'est d'abord un roman sur la littérature, sur l'enseignement et sur la poésie dans nos vies. Mais c'est aussi un roman revendicateur, un cri de colère contre le système qui empêche l'enseignement, la littérature et la poésie.
Le roman nous permet de rencontrer Irène qui enseigne la littérature française. Nous la suivons dans sa vie et dans sa mort. Et le roman fait ainsi des allers-retours entre la vie d'Irène, passionnée par son métier et par l'enseignement et sa mort, alors qu'elle se voit condamnée à continuer d'enseigner dans un univers inquiétant.
Après être revenue d'un congé de maladie, Irène veut se consacrer à l'enseignement de la littérature. Elle fait la rencontre d'une autre professeure, Théa, qui va bientôt envahir sa vie. Mais Irène est avant tout une amoureuse de la littérature et de l'enseignement. Alors que les étudiants se dirigent vers un printemps rouge de revendications et de contestations, Irène les supporte et par la littérature, la poésie et par ses gestes les accompagne dans la rue. Elle en paiera le prix. Elle doit quitter l'enseignement. Et elle meurt.
Et dans cette mort, dans un lieu qui semble être un purgatoire, Irène doit continuer à enseigner. Elle doit faire découvrir la beauté des mots à une classe d'étudiants étranges vraisemblablement morts eux aussi. Et elle n'a pour toute aide qu'un seul livre, Dialogues en paradis de l'auteure Can Xue, qu'elle a pu étrangement amener avec elle dans la mort. Elle semble d'abord perdue, mais une étudiante, le livre de Can Xue, un chat noir et les parfums lui permettront de se libérer. Même le retour de son amie toxique Théa ne peut l'empêcher de vivre une mort heureuse dans la poésie et la littérature.
Le roman est court et ne nous donne que l'essentiel. Et cette fabuleuse métaphore sur l'enseignement m'a littéralement ensorcelée. Liberté d'expression, liberté de s'opposer, de désobéir... littérature, poésie, parfums... amour des mots, amour des idées... tous mes sens ont été sollicités. Même la relation avec l'amie vénéneuse m'a troublée car elle m'a rappelé une certaine personne que j'ai pu heureusement rayée de ma vie. Et oui, les relations d'amitié peuvent être empoisonnées.
L'auteur balance entre le réel et l'imaginaire. Entre le possible et l'inconnu. Élise Turcotte a voulu nous raconter une histoire, son histoire, sa révolte et sa passion. Enfin, je crois. Elle a choisi de se perdre dans la fable et c'est très bien ainsi.
Finalement, il y a juste un petit détail qui me chipote. Je sais que la couverture est une oeuvre de l'artiste argentin Júan Gatti qui fait partie de sa série Ciencias naturales (Sciences naturelles), et je sais que c'est sans importance... et je le répète l'oeuvre est tout simplement magnifique.... mais ça m'achale que ce soit des gloires du matin et non pas des tubéreuses... bon, je l'ai dit... et on oublie ça ! Car j'adore la couverture !
Les mots de l’auteur
"Quand je lis avec assez de patience, les mots déposent un nouveau parfum sur ma peau. Peu de livres le font ; transformer le boisé en chypré, le floral en hespéridé. Mais j'en ai connu." p. 7
"Je me réveille à l'aube dans l'encre d'un rêve. La respiration de tous les élèves s'est unifiée et c'est cette masse orchestrale qui m'a secouée. Je suis envahie." p. 51
"Les livres que vous allez lire ne sont pas tellement drôles, ils sont durs comme des pierres précieuses, et c'est pourquoi je les aime !" p. 80
"Certains ont ouvert une main, espérant attraper mon souvenir, mais dans le parfum, la fleur elle-même reste invisible, seule le récit peut se transmettre." p.80
Pour en savoir un peu plus
Vous pouvez également lire un excellent article de Mario Cloutier sur le roman dans La Presse+, mais je suis incapable d'insérer le lien ici.