Le moment captif d'un dimanche : perspective
"Icebergs, icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel." [Henri Michaux]
D'immenses falaises de neige ont envahi ma terrasse. Je m'enveloppe de mon manteau et je sors pour déneiger un peu. Il y a tant de neige que je dois sortir par en avant et faire le tour de la maison pour me rendre en arrière.
J'approche des marches en me creusant un chemin. C'est qu'il y a beaucoup de neige dans la cour. J'approche des marches pour monter à la terrasse. Je commence à pelleter les premières marches. Je lève la tête pour regarder la terrasse et j'ai soudainement l'impression de me retrouver dans une chaîne de montagnes enneigées. La neige accumulée sur les rebords ressemble à des falaises immenses entourant une plaine blanche immaculée.
Je me sens devenir minuscule. Je commence à marcher dans l'immensité de ce paysage hivernal. Il fait froid, il y a de la neige à perte de vue. C'est calme. On n'entend que le vent qui soulève des nuages de neige à intervalles irréguliers. Je m'approche d'une falaise. Elle est immense. Elle semble glacée, brutale et si fragile. Je continue à marcher dans la neige. J'essaie d'être le plus légère possible. On ne sait jamais avec la neige. J'ai l'impression que je suis au bout du monde. La vie m'apparaît infinie et si courte. J'entends ma respiration. Je la vois aussi dans le froid qui m'entoure. Je me sens si petite dans ce paysage glacé.
Un mouvement attire mon attention. Mon chat me regarde par la fenêtre. Il semble se demander ce que fait dans les marches, la pelle dans une main, immobile. Je retrouve ma grandeur normale et je commence à détruire les falaises et la plaine enneigées.
"Il faut sans cesse se jeter du haut d'une falaise et se doter d'ailes durant la chute." [Ray Bradbury]