Daddy Love : roman / Joyce Carol Oates ; traduit de l'anglais (États-Unis) par Claude Seban. — Paris : P.Rey, c2016 – 266 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-84876-510-5
Quatrième de couverture
Avec Daddy Love, Joyce Carol Oates plonge son lecteur dans l'horreur. Une horreur qui commence au centre commercial où Robbie Whitcomb, cinq ans, est enlevé sous les yeux de sa mère.
Le ravisseur, un technicien du kidnapping, collectionne les petits garçons sont il se débarrasse dès qu'ils atteignent la puberté. Devenu "Gideon", Robbie va ainsi passer sept ans à obéir à Daddy Love. Mais qui est Daddy Love ? Un homme charmant du nom de Chet Cash. Pasteur itinérant de l'Église de l'Espoir éternel, dont les prêches subjuguent l'assistance, c'est aussi un citoyen actif du village de Kittatinny Falls, un artiste admiré faisant commerce d'objets en macramé, un homme que les femmes trouvent irrésistible. Tandis qu'il continue allègrement d'"éduquer" ses proies.
Approchant de l'âge "limite", alors que Daddy Love est déjà reparti en chasse, que va-t-il advenir de Gideon ? Sera-t-il éliminé comme ses prédécesseurs ? Parviendra-t-il à retrouver sa liberté ? Mais surtout, le souhaite-t-il ? Joyce Carol Oates nous fait vivre toute la complexité de cette captivité, et le lecteur ne manquera pas de se poser la question : que devient-on après des années d'intimité avec un monstre ?
L’auteur
Joyce Carol Oates est née en 1938 à Lockport dans l'État de New York aux États-Unis. Elle aime la littérature dès l'enfance et commence à écrire vers l'âge de 14 ans. Elle fréquente le Williamsville South High School où elle travaille pour le journal d'école et termine ses études secondaires en 1956.
Elle poursuit ses études à l'Université de Syracuse où elle continue à écrire. En 1957, elle remporte un prix offert par le magazine Mademoiselle pour une nouvelle. Elle gradue en 1960 et poursuit ses études à l'Université du Wisconsin-Madison où elle obtient une maîtrise en 1961. La même année, elle épouse Raymond Smith. Elle commence un doctorat à l'Université Rice, mais décide d'abandonner pour écrire et enseigner.
Elle enseigne tout d'abord au Texas puis à l'Université de Détroit puis elle déménage au Canada pour enseigner à l'Université de Windsor. En 1974, elle fonde et est est co-éditrice avec son époux de la publication The Ontario Review. En 1978, elle revient aux États-Unis et enseigne à l'Université Princeton. Elle prend sa retraite en 2014.
Elle publie son premier roman, With Shuddering Fall en 1967. Elle ne cesse ensuite jamais d'écrire, publiant plus de 40 romans, de nombreuses nouvelles, pièces de théâtres, recueils de poésie et essais. Elle utilise parfois différents pseudonymes pour écrire, tels Rosamond Smith et Lauren Kelly. Elle remporte de nombreux prix littéraires, dont le National Book Award for Fiction, Bram Stoker Award for Novel, Prix Femina Étranger.
Compte Twitter de l'auteure
Bibliographie (incomplète : voir Bibliographie complète sur Wikipedia (anglais) )
Romans (56)
- With Shuddering Fall (1964)
- Them (1969)
- Wonderland (1971)
- Bellefleur (1980)
- Lives of the Twins (1987) (sous le nom de Rosamond Smith)
- Foxfire : Confessions of a Girl Gang (1993)
- Zombie (1995)
- We were the Mulvaneys (1996)
- Blonde (2000)
- The Barrens (2001) (sous le nom de Rosamond Smith)
- The Tattooed Girl (2003)
- Take me with you (2003) (sous le nom de Lauren Kelly)
- The Gravedigger's Daughter (2007)
- Daddy Love (2013)
- The Accursed (2013)
- Jack of Spades (2015)
- The Man Without a Shadow (2016)
- A Book of American Martyrs (2017)
De nombreux recueils de nouvelles et poésies, des novellas, des romans pour la jeunesse et pour enfants, des pièces de théâtre, des essais.
Mes commentaires
Lorsque chaque page nous captive mais que chaque mot nous horrifie, cela devient difficile de livrer nos impressions sur notre lecture. La quatrième de couverture semble tout dire. Oui, en quelque sorte. Nous avons bien ici le récit d’un enlèvement d’un jeune garçon par un pédophile qui élève et abuse de ses proies jusqu’à ce qu’ils atteignent la puberté, puis qui les tue lorsqu’il s’en lasse. Pour recommencer. Mais bien que la quatrième de couverture révèle toute l’histoire, nous ne savons rien.
Oui, nous savons que le ravisseur est un pasteur charmant ; oui, nous savons que le temps va passer et que Robbie, devenu Gideon, va grandir auprès de ce monstre ; oui, nous savons que bientôt Gideon sera trop vieux et que Daddy love voudra le remplacer ; oui, nous savons que Gideon aura peut-être la possibilité de retrouver la liberté, mais que ces années de captivité l’empêchera peut-être de la vouloir. Oui, nous savons tout cela juste en lisant le dos du livre.
Mais ne pas lire le livre pour cette raison serait passé à côté de beaucoup de choses. Ce serait ne pas lire un roman intense, abominable, sombre, captivant et terriblement humain.
Le roman nous livre l'amour et le désespoir d'une mère et d'un père. Nous serons témoins de leurs vies complètement brisées. Principalement, celle de la mère qui ne vit plus que pouce ce moment où elle a lâché la main de son fils. Son corps et son esprit ont été fracassés par le kidnappeur.
Mais le roman d'Oates nous livre aussi les pensées et désirs du kidnappeur, Daddy Love aussi connu comme prédicateur au nom de Chet Cash. On découvre un homme qui semble normal aux yeux des autres, un père aimant, pieux, discret. Mais nous connaissons ses secrets, ses méthodes, ses envies qui sont pour lui tout à fait normaux, sensés, justifiés.
Puis, il y a l'enfant. Nous apprendrons à connaître ses souffrances, ses peurs, ses espoirs. Mais surtout nous pouvons voir comment il apprend à vivre avec ce monstre qu'il appelle son père.
Tous ces points de vue se succèdent et nous offrent un roman multiple, dense, riche en émotions. L'auteure nous parle de pédophilie bien sûr, du syndrôme de Stockholm également, du sentiment de culpabilité des parents, mais aussi du puritanisme américain, de l'hypocrisie de la société et de l'aveuglement volontaire des gens qui ne voient pas ce qui est pourtant sous leurs yeux.
Joyce Carol Oates a choisi un sujet difficile qu'elle traite avec froideur et précision. Elle ne nous épargne aucun détail tout en restant subtile dans ses descriptions des traitements que subit Robbie. Ce qui n'empêche pas ces passages d'être extrêmement dérangeants et révoltants.
J'ai commencé mon commentaire en disant que j'avais de la difficulté à livrer me impressions sur ma lecture. On ne dirait pas à voir les paragraphes qui s'accumulent mais j'ai en effet de la difficulté à vous dire si j'ai adoré ou détesté le roman. Les deux je crois. Je lisais puis je m'arrêtais car je trouvais que cela n'avançait pas. Je trouvais mille et uns clichés et émotions convenues. Puis, je ne pouvais plus poser le livre et je lisais et lisais. Puis, je le déposais, dégoûtée par ce que je lisais. Je soupirais parfois car il me semblait avoir déjà lu - et vu - cette histoire des centaines de fois. Puis, je retenais mon souffle pour savoir ce qui allait arriver.
Puis j'ai sauté de joie par ce que je croyais être la fin tout en étant un peu déçue qu'elle soit si conventionnelle, avant de jeter le livre très loin enragée par la fin qui n'était pas celle que je croyais et qui était très décourageante. Lecture conflictuelle, much !
Les mots de l’auteur
« Ce qui la frappa sembla s'abattre verticalement, d'une hauteur au-dessus de sa tête. Elle crut voir (cela se passait beaucoup plus vite qu'elle ne pouvait l'enregistrer) un grand oiseau battant des ailes, un oiseau féroce, tel l'oiseau dévorant le foie de Prométhée, et aussitôt après elle tombait, les doigts de Robbie étaient arrachés aux siens, et l'enfant hurla : Maman ! » [p. 32]
« Et quand l'enfant obéirait et serait un vrai fils pour Daddy Love, il serait immédiatement récompensé par de la nourriture, de l'eau, le réconfort des bras puissants de Daddy Love et les douces intonations de sa voix. Celui-ci est mon fils bien-aimé qui a toute ma faveur. » p. 24
Pour en savoir un peu plus…