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14 mai 2009

Le Monde irrémédiablement désert de Garneau

Le Monde irrémédiablement désert
(Hector de Saint-Denys Garneau, Les Solitudes)

Dans ma main
Le bout cassé de tous les chemins

Quand est-ce qu'on a laissé tomber les amarres
Comment est-ce qu'on a perdu tous les chemins

La distance infranchissable
Ponts rompus
Chemins perdus

Dans le bas du ciel, cent visages

Impossibles à voir
La lumière interrompue d'ici là
Un grand couteau d'ombre
Passe au milieu de mes regards

De ce lieu délié
Quel appel de bras tendus
Se perd dans l'air infranchissable

La mémoire qu'on interroge
A de lourd rideaux aux fenêtres
Pourquoi lui demander rien?
L'ombre des absents est sans voix
Et se confond maintenant avec les murs
De la chambre vide.

Où sont les ponts les chemins les portes
Les paroles ne portent pas
La voix ne porte pas

Vais-je m'élancer sur un fil incertain
Sur un fil imaginaire tendu dans l'ombre
Trouver peut-être les visages tournés
Et me heurter d'un grand coup sourd
Contre l'absence

Les ponts rompus
Chemins coupés
Le commencement de toutes présences
Le premier pas de toute compagnie
Gît cassé dans ma main.


deserertCommentaires personnels

Triste. Vide. Éloignement. Solitude. Abandon. Absence. Une impossibilité de rejoindre la vie qui le fuit. Aucune volonté de la rejoindre mais peur de disparaître. Rejet des autres, mais peur d'être seul. Impossibilité d'être avec les autres, impossibilité d'être seul. Et encore : peur atroce du rejet, mais rejet des autres. Que de tristesse et de contradictions dans ces vers. Un mélange aussi de fragilité et de rage silencieuse.

C'est une impuissance de communiquer que je lis dans ces mots. Incapable de se faire comprendre par les autres, il cherche aussi à se comprendre lui-même. Il semble pourtant abandonner... semble prêt à s'enfermer dans le mutisme et le rejet qui caractérisent les derniers moments de sa vie. Il semble s'enfermer dans un malaise profond d'où il ne peut plus que contempler les brisures de son âme.

On sent également qu'il abandonne. Et qu'il sent que tous ont abandonné. Surpris de cet abandon, qu'il n'a pas vu survenir... il se questionne sur quand c'est produit cet abandon, quand les rêves furent perdus, oubliés... un profond désarroi s'emparre de lui. Il ne sait que faire ; a peur de se qu'il devrait peut-être faire. Et s'il faisait ce qu'il devrait peut-être faire... cela servira-t-il à quelque chose ? cela en vaut-il la peine ? Toute tentative n'est-elle pas voué à l'échec ? On lit un découragement certain, mais aussi un manque de courage - à la limite de la lâcheté. Désarroi, tristesse... mais aussi une sorte d'apitoiement sur soi-même... Et une forte envie de le secouer m'étreint à la lecture de ces vers que je trouve pourtant si beaux. Le secouer, oui, mais surtout de lui parler et de le faire parler... la mort semble lui parler cependant et il semble malheureusement qu'il l'a écouté.

Dans ces vers, il y a un renoncement triste, vaguement cynique, quoique définitivement naïf.

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