Un crime littéraire - Désorde classifié
Je ne crois pas que c'est vraiment un crime. Mais je me sens tout de même coupable. C'est inévitable. "C'est dans ma nature" comme dirait une certaine fable. Je suis comme ça... complètement conflictuelle et souvent culpabilisée par des choses sans importance. En apparence ! Je mélange les traits contradictoires et je m'assume. Même si je tente parfois de changer les choses. Mais cela ne m'empêche pas de me sentir aussi coupable. Car même si j'aime l'ordre, je suis parfois complètement désordonnée...
J'ai longtemps voulu "faire" plusieurs choses. J'ai finalement fait certains choix et même si parfois je rêve de ce que j'aurais pu faire, je suis complètement satisfaite avec mes choix. Je suis bibliothécaire. Je suis archiviste. (Et bien sûr, je suis toutes les appellations qui existent: spécialiste de l'information, professionnelle de la gestion des documents, et ba be bi bo bu.)
Plusieurs raisons existent expliquant mon choix d'études et de professions. J'en parlerai peut-être un jour. Mais je dois avouer que deux raisons se placent tout en haut: j'aime les mots et l'information (sous toutes ces formes, formats et supports) et j'aime les organiser pour les rendre disponibles... Des bibliothèques, des archives, des bureaux remplis de documents... mes lieux de travail. Que j'organise et gère.
Donc, ce fut normal pour moi d'essayer de donner un ordre à mes livres (et à mes archives, mais ça c'est malheureusement un autre crime). Avant même d'avoir étudié en bibliothéconomie, j'avais tenté de donner un ordre à mes livres... par sujet, par pays, par ordre alphabétique, par grandeur... ce fut toujours un désastre total. Les genres difficiles à parfois se distinguer. Les auteurs se plaçant facilement, mais ma fibre esthétique se rebellant contre les livres de différentes grandeurs se plaçant un après l'autre dans un désordre dimensionnel. Et l'ordre alphabétique prit donc rapidement un tour personnel: l'alphabet est contrebalancé par le nombre de centimètres d'un livre.
Quand Dewey, LC et autres codes et cadres de classification croisèrent mon chemin, je crus être sauvée ! Mais c'était sans compter avec ces méchants centimètres et ma volonté de partager certains lieux et à rassembler certains genres ! Et il ne faut pas oublier l'espace. Ce cruel manque d'espace... des livres partout... dans toutes les pièces, parfois même cachés derrière d'autres livres - et ne respectant donc pas l'ordre du moment - d'autres perdus dans des boîtes... Et je passe rapidement sur l'esthétisme: les couleurs, l'espace, le besoin de respirer de certains livres... et l'envahissement par les objets qui exigent leur place dans les bibliothèques. Tout ce monde se chamaillent dans une joyeuse composition cacophonique.
Je vis aujourd'hui un peu dans un désordre ordonné que je réorganise périodiquement selon un nouvel ordre que je trouve plus adéquat, mais qui n'est, je le sais trop bien, que temporaire. Et je rêve du moment où l'ordre parfait me fera un clin d'oeil. Qu'il se révélera miraculeusement à moi. Parfois, je passe devant mes bibliothèques, éparpillées partout dans mon logis, et je me dis que mes livres ne sont peut-être pas heureux de leur présente localisation et aimeraient probablement côtoyer un autre livre; un copain qui le comprendrait sûrement mieux ! Cela me semble un bordel injustifiable. Et cela exaspère la bibliothécaire en moi. Cela horripile la passionnée d'organisation que je suis.
Je culpabilise. Encore. Et j'essaie alors de réfléchir à un nouveau type de classement... Qui sera la solution magique à mon anarchique désordre littéraire.