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Quelques pages d'un autre livre ouvert...

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24 novembre 2013

Le moment captif d'un dimanche : qui se ressemble...

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"La culture est un truc qui rassemble les gens, qui abat les différences." [Public Enemy]

Un arrêt imprévu à Sainte-Flavie.  Une vision inattendue. Je ne connais pas. Mais je suis attirée irrémédiablement. Je sais que je vais entrer m'informer, je suis comme ça. Curieuse. Mais pour le moment, je ne veux rien savoir. Je me fous du qui, du quoi, du comment et  du pourquoi. Je regarde. Tout simplement.

Ils arrivent. Ils envahissent. Ils sortent de la mer. Sans raison. Une procession interminable. Un cortège sans fin. Une multitude d'âmes issues de l'eau et se répandant sur la terre.

Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Je ne peux rien deviner. Leurs visages sont de bois ? Sont de marbre ? Sont de ciment ? Leurs visages sont impassibles. Je ne veux rien deviner. Je me laisse submerger simplement par cette vague de silhouettes. Une foule d'images, de mots, de fantômes inondent mes pensées, mon corps, mon ombre. Je me vois, multipliée. Ils me ressemblent.

Et puis, je me suis retournée. J'ai été apprendre et connaître. Intéressant. Mais je n'oublierai jamais cette première rencontre. Je ne veux pas oublier cet envahissement obsessionnel de mes démons personnels. Et je serai éternellement  hantée par ce rassemblement de mes peurs, de mes joies, de mes rêves et de mes cauchemars.

"La mer est sans routes, la mer est sans explications" [Alessandro Barrico]

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17 novembre 2013

Moment captif d'un dimanche : provisions provisoires

02

Moment captif d'un dimanche : provisions provisoires

"Les écureuils, dit-on, amassent leur nourriture dans des cachettes qu'ensuite ils ne savent plus retrouver. Un tel oubli me semble lumineux et mystérieusement sage" [Christian Bobin]

Vite, vite, le temps file. Tu auras besoin de beaucoup de vivres pour survivre à l'hiver. Il te faut faire des provisions. Il ne suffit pas de cacher ses victuailles, il faut aussi les accumuler sans son gros bedon.

Un chat au loin. Il ne t'a pas vu. Mais tu t'en fous, toi, tu manges. Un raton-laveur t'observe tranquillement de son trou en haut du saule. Mais tu t'en fous, toi, tu manges. Certains paressent, toi, tu manges, d'autres s'amusent, toi, tu manges. Ton ventre devient de plus en plus gros. Il le faut. L'hiver sera sûrement difficile. Tu sais ce que tu dois faire. 

Tu deviens une petite boule de poils toute ronde. Mais tu t'en fous, toi, tu manges. Tout le temps. Enfin, maintenant. L'hiver approche et tu as si peu de temps pour te préparer. Alors, tu travailles fort pour bien remplir ta panse. Il faut faire des provisions. Et se protéger du froid qui s'annonce. Peut-être la dame de la maison là, t'offrira quelques noix à l'occasion, mais tu ne peux te fier à la générosité occasionnelle des bêtes à deux pattes qui hantent les alentours. Il faut faire tes propres réserves. Et fouiller, sans arrêt,  parmi les feuilles mortes. Alors, tu besognes, tu farfouines partout, et tu grignotes. Petite boule de poils toute ronde et ébouriffée dans le soleil d'automne.

"Un écureuil, sur la bruyère, Se lave avec de la lumière. Une feuille morte descend, Doucement portée par le vent." [Maurice Carême]

13 novembre 2013

Abbaye de Valmagne - Un peu d'histoire...

(Note : L'histoire de l'abbaye de Valmagne est longue et mouvementée. Je ne prétends pas ici présenter son historique complet. Les sources proposées plus bas, le font très bien. Voici juste un petit aperçu tout personnel. - Voir aussi : Abbaye de Valmagne - Réflexions).

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Un peu d'histoire...

  • Nom : Abbaye Sainte-Marie de Valmagne
  • Fondation : 1138
  • Localisation : Villeveyrac  au Languedoc  (près de Mèze)
  • Congrégations : Ordre de Saint-Benoît (1138 à 1145) / Ordre cistercien (1145 à 1791)

L’abbaye est officiellement fondée en 1138. Les religieux qui la fondèrent venaient de l’abbaye Notre-Dame d’Ardorel  et suivaient la règle bénédictine. Le terrain leur fut donné par les seigneurs de Cabrières. Cette donation fut confirmée par Raymond Trencavel, Vicomte de Béziers. L’endroit était idéal à cause de la proximité d’une source et de la protection naturelle contre les vents offerte par les rochers. Le lieu était aussi près de l’ancienne Via Domitia. Le territoire était connu sous le nom de Vallis Magna ou encore Villa Magna. L’évêque d’Agde sanctionne en 1139 la donation.

L’abbaye se rattacha à l’Ordre de Saint-Benoît jusqu’en 1144 alors que le second Abbé voulut l’incorporer à l’Ordre cistercien qui était très fort à cette époque. L’abbaye fut donc rattachée à l’abbaye de Bonnevaux. Malgré certaines oppositions, l’abbaye devient cistercienne et suit une règle plus stricte fortement influencée par Saint Bernard de Clairvaux. L’architecture de Valmagne est donc aussi pensée afin de favoriser la prière et le recueillement : simplicité, dépouillement,… Ce rattachement, confirmé par le pape Adrien IV en 1159, permis également la construction de moulins, de granges, d’un jardin, d’un vignoble, …

La vie à l’abbaye exige un travail manuel. Les moines travailleront donc comme forgerons et tisserands, certains seront copistes. Les moines, qui ont fait vœu de silence, vivent cependant principalement pour la contemplation et la prière. Ce sont les frères convers, qui sont des religieux et non des moines, qui vont travailler aux champs, vignobles, etc.

Les richesses de Valmagne s’accumulent rapidement au fil des ans. On remplace en 1257, la simple église romane par une église gothique. Le cloître est aussi remplacé. Des bâtiments s’ajoutent au fur et à mesure des donations. L’abbaye de Valmagne devient rapidement très riche et puissante. Elle est également intimement liée à l’Histoire et on retrouve son nom ou celui de plusieurs de ses abbés mentionnés à plusieurs reprises.

Mais les temps d’opulence vont arriver à une fin. Les famines au début du XIVe siècle, la Guerre de Cent Ans débutant en 1337, l’effroyable épidémie de

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peste noire de 1348 vont transformer l’abbaye. Plusieurs bâtiments disparaissent, le nombre de moines et de frères diminuent et les difficultés ne font que croître. En effet, les abbés avaient toujours été élus par les moines, mais en 1477 l’abbaye fut mise en commende, c’est-à-dire que les abbés sont maintenant nommés par le Roi. Ceux-ci sont choisis au bénéfice des familles nobles de la région et beaucoup d’abus sont commis. Les guerres de religion viennent s’ajouter au tableau et Valmagne est à l’agonie. Il n’y a plus vraiment d’abbé à partir de 1571. Le dernier abbé s’étant réformé au protestantisme. En 1575, plusieurs moines et des catholiques s’étant réfugiés à l’abbaye sont massacrés par les troupes de l’abbé, l’église est saccagée. L’abbaye est abandonnée et est la cible de brigands.

Un siècle plus tard, les moines tentent de revenir à Valmagne et à reconstruire ce qu’ils pouvaient. Ils tentent de redonner sa splendeur passée à l’église mais ne peuvent tout restaurer. Ils devront par exemple, murer les fenêtres ne pouvant refaire les vitraux. Quelques familles nobles de la région contribuent à la restauration mais ce n’est que vers 1680 que Valmagne retrouve un peu de sa splendeur. En effet, le Cardinal Pierre de Bonzi administre l’abbaye et veut faire de celle-ci un palais épiscopal. La richesse revient à Valmagne et on y vit une vie aux allures royales. Les moines ne vivent plus vraiment selon la règle cistercienne.

Les travaux ont cependant ralenti car l’abbaye est fortement endettée. La Révolution française va clore cette période faste. En 1790, les quelques moines encore sur place s’enfuient. L’abbaye est envahie et détruite par les paysans. Elle devient un bien national et est vendue. Le nouveau propriétaire qui acheté le domaine principalement pour le vignoble, transforme l’église en cave à vin. L’abbaye évite ainsi la destruction complète.

À la mort du propriétaire, le domaine est encore une fois mis en vente. Il est racheté par le comte de Turenne en 1838 et appartient toujours à cette famille. De nombreuses restaurations furent entreprises par le comte puis par ces descendants. Depuis 1997, l’ensemble de l’abbaye est classé aux monuments historiques. Le vignoble fonctionne toujours et les vins qui y sont produits sont réputés. On peut visiter le domaine et de nombreux concerts ont lieu dans l’abbaye.

Quelques sources à consulter...

  • Abbaye de Valmagne. -- [Colmar : S.A.E.P, 1989]. -- 39 p. : photogr. certaines en coul. ; 25 cm. -- Comprend une bibliogr.
11 novembre 2013

Abbaye de Valmagne - Réflexions

Val1Il y a de ces endroits qui nous volent une partie de notre coeur. Le château de Quéribus est un de ces endroits. Et l'Abbaye de Valmagne en est un autre. J'ai ainsi un morceau de mon coeur dans divers pays. Mais les lieux qui m'ont vraiment troublée, il y en a peu. Quéribus fait cependant encore partie de la liste... ainsi que Valmagne.

Ah Valmagne... Juste dire ton nom me fait soupirer. Le pire est que j'ai si peu de photos de toi de notre première rencontre. Il faut dire que la première fois que je t'ai visité j'avais mon premier appareil numérique et j'avais encore des réflexes anciens... on ne prenait vraiment pas beaucoup de photos dans ce temps-là. Et les photos intérieures... ouf, on n'en parle même pas... floues, floues, floues. Mais d'autres visites eurent lieues. Et là, je t'ai pris sous toutes tes coutures... intérieures et extérieures. Le moindre recoin de tes bâtiments, de tes jardins, fut capturé. Et donc moi aussi j'ai des morceaux de toi.

Je suis allée à Valmagne une dizaine de fois. Je l'ai visité en entier deux fois seulement. La première fois, ce fut une visite guidée incroyablement intéressante où notre guide nous a raconté Valmagne. La deuxième fois, c'était un 26 décembre, alors que nous revenions de fêter Noël chez des amis à Montpellier. Arrêt obligatoire à Valmagne. Pas de tour guidé, nous dit-on à la boutique. Mais nous pouvions tout de même aller à l'intérieur avec des informations dans un cahier et un plan. Nous étions seuls. Il faisait froid, humide. C'était inoubliable. J'adore ces visites à des dates improbables qui nous permettent de découvrir ces lieux en solitaire. valmagne2

Les autres fois nous n'avons fait que passer rapidement. L'abbaye était sur notre chemin et nous ne pouvions pas ne pas nous arrêter. Parfois un simple arrêt devant pour l'observer. Parfois, un tour rapide des jardins. Souvent - très souvent - une simple visite à la boutique pour faire le plein de bons produits et de livres. Ah la boutique... Pour moi, elle est aussi magique que l'abbaye. Remplie de tentations littéraires, culinaires et viticoles. Et les gens sont si souriants et accueillants.

C'était un arrêt obligatoire... nécessaire. Et habituel. Je m'ennuie de ne plus pouvoir dire lorsque nous sommes sur la route : "on arrête à Valmagne?". Valmagne est loin maintenant. J'y rêve parfois. Lorsque nous retournons voir mon père en Espagne, nous faisons toujours un saut en France. Et en octobre 2012, nous n'avons pas trahi notre tradition. Et un saut à plusieurs de nos endroits préférés fut fait. Valmagne fut évidemment obligatoire.

Un peu d'histoire...

Note : L’histoire de l’abbaye de Valmagne est longue et mouvementée. Je ne prétends pas ici présenter son historique complet. Les sources proposées plus bas, le font très bien. Voici juste un petit aperçu tout personnel. Cliquez ici.

Quelques sources à consulter...

31 octobre 2013

Une journée de frayeur

"Halloween! Halloween! Halloween! Halloween!
In this town we call home
Everyone hail to the pumpkin song"

 

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Il est venu le temps de se déguiser, de se transformer...

Il est là le moment de laisser ses peurs s'exorciser et nous ensorceler.

Laissons les citrouilles contrôler nos rêves.

Joyeuses Halloween à tous !!!

 

 

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27 octobre 2013

Le moment captif d'un dimanche : sac d'os

001"Fantômes : Signe extérieur évident, d'une frayeur interne." [Ambrose Bierce]

Un "bag of bones" et des fantômes illuminés. Voilà ce qui manquait au décor. Et voilà qui complète la décoration. Un "bag of bones", "bag of bones", "bag of bones", c'est comme un litanie. C'est plus horrifiant et chantant que "sac d'os".

Je ne peux m'empêcher de le répéter dans ma tête. C'est une obsession. Je place chaque os avec soin. Et puis je les entoure d'une ribambelle de fantômes. Les fantômes éclaireront les os. Toujours en répétant "bag of bones", "bag of bones", "bag of bones". C'est une obsession, je dis.

Je suis bien fière de mes ossements et de mes fantômes. Ils seront effrayant pour les enfants qui viendront chercher des bonbons. "Bag of bones", "bag of bones", "bag of bones".

Je vais me coucher. Les fantômes encore illuminés. Ils s'éteindront plus tard... le minuteur est bien programmé. Je m'endors doucement. Mes rêves sont remplis de brouillard. Des lumières envahissent le brouillard. Des lumières blanches qui dansent parmi des ossements. C'est une danse macabre euphorique. C'est artistique et horrifique. J'essaie de les chasser, mais je leur ai donné une vie, je dois les accepter. Je les rejoins donc en chantant joyeusement : "bag of bones", "bag of bones", "bag of bones".

"Les fantasmes sont comme les fantômes : ils n'obsèdent et hantent que celui qui leur donne naissance." [Maxime Chattam]

20 octobre 2013

Le moment captif d'un dimanche : d'os et d'eau fraîche

2013-10-28"Combien de ce que nous sommes est inscrit dans notre chair et nos os, mais caché aux yeux du monde par notre vêture" [Théodore Roszak]

On peut visiter une ville de nombreuses fois et toujours y découvrir de nouvelles choses. C'est ce qui fait qu'une ville est unique et magique.

Mais parfois, on peut être arrogant et dire irrespectueusement qu'on la connait cette ville, que c'est la 6e fois qu'on la visite. Que les musées, on les a fait, que l'Union Square et la Statue de la Liberté, ce n'est pas nécessaire d'y retourner, on connait, mais que bon, on peut bien y retourner encore une fois, juste pour dire.

Et puis, une nouvelle visite est planifiée. Comme on travaille en bibliothèque, on se dit, qu'on va prendre un livre sur la ville, histoire de découvrir de nouveaux restaurants, peut-être. Et puis, au détour d'une page, au détour d'une rue, une découverte.

Il nous appelle dès qu'on approche, cet aimable paquet d'os, reflet de notre vie intérieure. Il nous demande de jeter un coup d'oeil dans la vitrine. Il nous connaît. Étonnement, hésitation, curiosité, on ne peut qu'entrer. Nous ne sommes pas les seuls. Je peux même affirmer que nous ne sommes pas les seuls curieux. Il y a même sûrement plus de voyeurs que d'acheteurs. Mais je suppose que les propriétaires le savent. Comment ne pourrait-il pas y avoir de curieux avec tous ses insectes, animaux naturalisés, squelettes vrais et reproduits, fossiles, reptiles en bocaux et j'en passe. Oh, il y a aussi des bijoux et objets de décorations, mais toujours avec cette touche bien particulière de The Evolution Store.

On ressort de la boutique/musée avec un sentiment d'avoir tout vu... ou presque... On ne peut s'empêcher d'être troublé, de se sentir légèrement indécent d'avoir succombé à cette curiosité morbide et vaguement déçu de n'avoir rien acheté !

En place depuis 1993, à New York,  The Evolution Store continue de présenter et vendre les objets les plus déroutants. 

"Une suite d'os s'accrochant et s'emboîtant bizarrement les uns dans les autres, une suite de vieux ustensiles grançants et cliquetants, voilà ce qu'était un squelette. " [Claude Simon]

 

15 octobre 2013

L'invitation de Pairolí

DSC_4225L'invitation / Miquel Pairolí ; traduit du catalan par Anne Charlon. --[Paris] : Éditions Autrement, [c 2011]. -- 166 p. ; 19 cm. -- ISBN 978-2-7467-1531-8. -- (Coll. Littératures - tinta blava ; créée et dirigée par Llibert Tarragó)

Quatrième de couverture

Nous sommes en 1939. Pour sauver leur fils condamné à mort par les franquistes, M. et Mme Forest sont prêts à tout. D'abord intrigués par l'invitation à dîner du commissaire Carpentier, ils décident de saisir leur chance.

Récital d'opéra, domestiques impassibles, conversations saugrenues : les Forest sont désarçonnés. Vont-ils enfin pouvoir parler de leur fils ? Sans compter cette interminable succession de mets au goût férocement épicé...

L'auteur

Miquel Pairolí i Sarrà est né en 1955 à Quart dans la province de Girona (Gérone) en Espagne. Ses parents sont des agriculteurs. Il fait ses études primaires et secondaires à Gérone. Dans les années '70, il étudie en langue et littérature hispanique (philologie hispanique) en se concentrant sur l'aspect catalan, d'abord au collège universitaire de Gérone puis à l'université autonome de Barcelone. En 1976, il commence à travailler comme journaliste et

mp1collabore à la revue Presència. Les années suivantes, il écrit dans les pages littéraires de Avui et puis dans Punt Diairi. Après son service militaire, il continue dans la voie journalistique mais donne également des cours de catalan aux adultes.

Ce n'est qu'à partir de 1987, qu'il se consacre au journalisme ainsi qu'à son oeuvre littéraire. Il écrit plusieurs romans, ainsi que des essais, des biographies, une pièce pour le théâtre et un scénario pour la télévision. Il fait également quelques traductions. Son oeuvre a été primée à quelques reprises, notamment son roman Cera.

Il décède le le 6 juillet 2011 à Salt, tout près de Girona.

Le site de l'auteur en catalan.

Bibliographie sommaire (romans)

  • El camp de l'Ombra (1995)
  • El convit (1998) (L'invitation, 2001)
  • El manuscrit de Virgili (2004)
  • Cera (2008)

Bibliographie complète sur le site de l'auteur.

Commentaires personnels

L'invitation de Miquel Pairolí est un roman qui m'a beaucoup troublé. Je l'ai lu d'un seul souffle et même si j'avais partiellement deviné la fin, j'ai tourné la dernière page en tremblant. Comment un roman si bref pouvait-il contenir tant de cruauté sans pourtant en dire beaucoup ?

L'histoire est simple en somme. L'auteur nous raconte l'histoire d'un repas. Un repas rempli d'ambiguïtés, de sous-entendus, de menaces, mais surtout de haine et mépris. Tout le roman se passe en huis clos lors de ce repas. Enfin, sauf une première scène qui nous présente l'exécution d'un prisonnier de guerre.

Nous sommes en Espagne, plus précisément en Catalogne en 1939. La Guerre Civile est officiellement terminée et Franco a gagné. La guerre fut difficile partout. Les franquistes sont au pouvoir et exercent une impitoyable répression. Les émotions sont à fleur de peau. Ceux qui ont gagné, ceux qui ont perdu. La haine, la rancune, la soif de vengeance, le désir de régler de vieux comptes. Certains ont maintenant un nouveau pouvoir qu'ils comptent bien exercer. Il leur est possible de faire payer d'anciennes humiliations, de se venger des affronts dont on ne se souvient même pas, dont on n'est même pas conscients avoir faits.

Le fils adoptif des Forest a été arrêté et emprisonné. C'est un rebelle et il est condamné à mort. Il sera exécuté. Dans un dernier effort pour le sauver, les Forest demande l'aide du nouveau commissaire de police, Carpentier. Devant leur supplication, Carpentier, étrangement, leur envoie une invitation pour un dîner chez lui. Pourquoi les inviter chez lui ? On s'interroge sur ses motivations dès le début. Il aurait pu les rencontrer à son bureau ou même rendre sa décision sans même les rencontrer... On se doute donc qu'il a ses propres motivations. Et on sent déjà la malveillance dans cette invitation.

Le texte nous présente tout d'abord la famille Carpentier. Nous les voyons attendre l'arrivée des Forest. Je ne peux que souligner le texte de Pairolí qui est tout en subtilité mais qui nous enveloppe totalement dans un brouillard malsain. Puis les Forest arrivent et le repas commence. La façon dont le repas se déroule, les propos futiles et l'arrogance du clan Carpentier, les mouvements des serviteurs, la frustation, l'espoir, le désespoir et le dégoût des Forest... tout est malaise. Un malaise qui commence doucement mais qui devient visqueux. On ne peut que voir un danger se propager, mais bizarrement, on sait que les Forest ne sont pas menacés physiquement. Ce sera pire que ça.

On devine tout de suite que Carpentier veut se venger des Forest et qu'il fera payer cher la vie de leur fils. Cette invitation est remplie de mépris. Mais le mépris appelle le mépris et cette invitation n'est pas innocente. Les invitations qui ne furent jamais faites sont aujourd'hui payées. Et le repas ne pourra jamais être digéré. Et j'en dis trop.

Les personnages principaux sont beaucoup plus complexes qu'on ne le croit. Et chaque parole, chaque action, et surtout chaque description est nécessaire et horrible. Les apparences sont parfois trompeuses, les épices cachant la vérité.

Miquel Pairolí est un artiste, il excelle à masquer l'évidence dans le banal... une chanson, une histoire, une fable, un conte. Comme tout conte, on ne peut que se questionner... a-t-on le droit de punir une injustice et un affront par autant de monstruosité... aussi subtile soit-elle.

Les mots de l'auteur sont efficaces et précis. Il y a tant de brutalité dans les phrases mais jamais de vulgarité. Dans ces quelques pages, on sent toute la rancoeur des nouveaux dirigeants, on sent le ressentiment et l'incompréhension entre les classes sociales... mais on ne peut comprendre les moyens incroyables, extrêmes et immoraux qu'on peut prendre pour se venger d'anciennes injustices. Le roman est tout en malaise et humiliation, chaque parole, chaque geste est chargé intensité.

J'ai l'impression que je ne fais que souligner l'incroyable densité et intensité du texte de Pairolí. Mais je dois aussi dire à quel point les mots de l'auteur sont précis et efficaces. On lit le texte facilement. On se laisse prendre et envelopper par son style et la lourdeur du propos ne touche jamais le texte. Le suspense reste jusqu'à la fin, même si on devine une partie de la réalité de ce repas. Et on sent que la folie n'est jamais loin.

Oh... et si ce n'est pas clair... c'est un coup de coeur total ! C'est un roman incroyablement troublant...

L'avis de Clara

Extraits

"Le rire de Carpentier se fit alors presque insultant, un rire gras, franc, qui dégénéra en une quinte de toux bronchitique. Rubèn était parfois tellement naïf ! [...] -- Ils ne savent rien ? -- Évidemment ! Qu'est-ce que tu t'imagines ? Tu sais, mon petit, cette soirée promet d'être très, très amusante. Je te recommande donc de prendre tout cela comme un jeu. Si tu le fais, tu vas passer un excellent moment, vraiment excellent." p.16-17.

"Forest hésita un instant. Il aurait voulu ériger un monument à la vérité. Dire d'une voix claire, sur un ton cynique, quelques mots bien sentis, se lever et partir. Mais ils ne pouvaient pas, dans leur situation, s'offrir ce plaisir. C'est pourquoi Forest ravala tout ce qu'il aurait voulu dire, comme il avait avalé tous ces plats qui leur avaient été servis, et il ne put que mâchonner une réponse polie, qu'il voulut stricte et brève." p. 96

À consulter

13 octobre 2013

Le moment captif d'un dimanche : hululer

2013-10"Sans remuer ils se tiendront -- Jusqu'à l'heure mélancolique -- Où, poussant le soleil oblique, -- Les ténèbres s'établiront." [Baudelaire]

Il est là. Silencieux. Il attend le moment parfait pour se fondre à la nuit. Il surveille le soleil qui se perd de l'autre côté de l'horizon. Il est vigilant mais il ne m'a pas vu. Je suis triste qu'il ait fait cette erreur. Il doit tout savoir, il devrait tout voir.

J'essaie de rester immobile. Je ne fais pas un son. Mais je sais qu'il ne peut pas ne pas m'entendre même s'il semble ne pas se rendre compte de ma présence.

Car il porte en lui la connaissance de la nuit. Il contrôle les ombres des ténèbres. Il est magique et méthodique. Il est lumière sombre, l'étincelle de l'obscurité. Sans lui, la nuit nous envahit. Sans lui nous serions perdus dans le noir.

Il regarde le soleil mourir. Et lorsque le soleil meurt, il commence à chanter. Il nous dit enfin qu'il est vivant, plein de vie, plein de nuit. Il sait tout, il nous protège de nos peurs, des fausses terreurs que la nuit amène. Il chasse le froid et nous dévoile la beauté du ciel sans étoile, du brouillard envoûtant et la nuit noire et sans lumière.

"Quand le hibou chante, la nuit est silence"[Charles de Leusse]

6 octobre 2013

Le moment captif d'un dimanche : volez, volez....

DSC_0887a"Si les singes savaient s'ennuyer, ils pourraient devenir des hommes" [Johann Wolfgang von Goethe]

Ils sont là-haut... Sur le haut de l'édifice le plus haut et ils s'occupent à comploter. Quand vous ne trouvez plus vos clés, quand le lait a tourné, lorsque le temps semble manquer ou lorsque rien ne semble fonctionner, c'est la faute aux singes volants. Simplement la faute de ces singes qui veulent s'envoler.

Mais c'est une erreur de croire qu'ils sont méchants ces singes volants. C'est la faute de la méchante sorcière de l'Est... elle les a ensorcelés, ils n'y peuvent rien.

Ils sont là-haut... sur le haut de cet édifice sur Main Street... bien loin de Oz. Encore une fois, ils n'ont pas eu le choix. De Oz à Burlington, mes pauvres amis, vous n'avez rien pu dire. Le jour, on les voit, on les pointe du doigt, sur le haut de leur station. On rigole, on cite faussement "fly my pretties, fly"... mais ils s'en moquent. Ils vous laissent croire n'importe quoi, ils vous laissent les juger. Car ils complotent, vous voyez. Ils préparent leur évasion. Et ils savent qu'un jour, ils partiront loin, loin... aux pays des singes volants.

"On apprend pas aux vieux singes à faire des grimaces" [Proverbe français]

1 octobre 2013

Et voici octobre

Et revoici octobre qui arrive tout doucementDSC_9651

dans la chaleur trop estivale.

Mais il est enfin là.

 

Mes octobres sont précieux.

Chaque année, je m’enveloppe

de feuilles colorées, de citrouilles,

de vents et de frissons.

 

Et je me remplie de promesses

et d’espoirs…

 

Je veux oublier les journées épuisantes,

les obligations, les listes interminables

de choses à faire…

Je veux lire, me promener sans but, et

surtout écrire, écrire, écrire.

Je veux retrouver le temps qui m’échappe.

Et octobre m’inspire tant…

29 septembre 2013

Le moment captif d'un dimanche : seul sur le sable

01"Un mot est un oiseau au milieu d'une page. C'est l'infini" [Antonio Soler]

Il marche sur le soleil. Ce sont les premiers mots qui me sont venus à l'esprit quand je l'ai vu. Ses pattes laissent une écriture fine sur le sable et il m'a semblé qu'il resterait là pour l'éternité.

Puis il a commencé à courir de plus en plus vite. Arrête ! que je me suis dit, tu vas perdre ton ombre. Mais il ne m'écoutait pas vraiment. Comment pouvait-il m'entendre de toute façon puisque je me parlais à moi-même.

Je le regardais se mouiller du soleil couchant et je sus qu'il partirait à ce moment. Il devait bien finir par partir.  Il ne pouvait rester sur le sable uniquement parce que je voulais le regarder encore un peu. Je n'avais pas vraiment le droit de l'obliger à rester. Il le savait et je le savais. Alors, je l'ai regardé s'envoler. Sur le sable, le soleil illumine encore la trace de son passage. Le soleil se couchera bientôt. Les vagues viendront bientôt effacer ses pas sur le sable. Mais ils ne s'effaceront pas de ma mémoire.

"Les adieux ressemblent à des oiseaux qui apprennent à voler" [Dominique Sampiero]

8 septembre 2013

Elle nous a quitté aussi

BeFunky_null_3Elle est partie au début de ce mois de septembre. Elle a vécu 99 ans. Mais il semblerait, selon ses médecins,  qu'elle aurait pu vivre encore plusieurs années si ce n'était de cette tumeur qui l'avait prise par surprise à ses 98 ans. Et pourtant, elle l'avait combattue. Et elle avait fêté ses 99 ans après deux opérations (à la jambe et au sein). Elle riait encore, elle nous racontait une tonne d'histoire. Elle marchait doucement avec sa marchette. Elle s'installait avec sa couverte sur le balcon pendant des heures pour regarder son lac. Et elle nous chicanait même encore quand on lui cachait des choses. Il faut dire que cela ne donnait rien de lui cacher les choses puisqu'elle les devinait immanquablement. Elle savait tout ma grand-mère. Tout ce qui était important. Il suffisait qu'on se demande "hum, devrait-on appeler grand-maman pour lui dire" pour que le téléphone sonne 2012-12et qu'on entende sa voix nous demander "bon qu'est-ce qui se passe là". Comment elle faisait pour tout savoir ? Je crois que c'est l'amour infini qu'elle avait pour sa famille et ses amis. Son coeur nous entendait toujours.

Quelques jours avant qu'elle nous quitte, j'étais à l'hôpital avec elle. Cette tumeur était en train de gagner et il avait fallu l'amener aux soins palliatifs. Elle y était depuis deux jours et on lui donnait de la morphine pour apaiser la douleur. Malgré tout, elle parlait et nous reconnaissait sans problème. Elle se plaignait même du manque de diversité dans les repas.

Je me suis retrouvée seule avec elle pendant quelques minutes. Elle avait les yeux fermés et elle semblait dormir. Je lui tenais la main. J'étais un peu triste. Sereine avec son départ imminent - à 99 ans, elle avait eu une vie incroyable et belle, et elle n'était très malade que depuis quelques jours -  mais triste tout de même. Toujours certaine qu'elle dormait, j'ai dit doucement "je vous aime grand-maman". Elle a ouvert les yeux, m'a regardée et a dit d'un ton légèrement exaspéré "j'le sais !". Je n'ai pu m'empêcher de rire. Elle savait tout ma grand-mère !

4 août 2013

Moment captif d'un dimanche : céphalée migratoire

BeFunky_DSC_8164"C'est que j'ai mal à la tête ce matin -- Ce qui me cause, ce qui me cause -- C'est que j'ai mal à la tête ce matin -- Ce qui me cause bien du chagrin"

Toc toc toc !!!  Chut, silence, pas un bruit... TOC TOC TOC !!! Mais qui est là ? Qui cogne si fort sur ma tête ? Qui cherche à entrer et foutre encore plus le bordel ? Mais c'est moi, ma chérie, celle qui aime bien envahir ta tête et s'y installer confortablement. Je ne veux pas de toi, vilaine. Quand tu viens chez moi, tu prends toute la place, tu ne me laisses plus une minute pour penser. Quand tu es là, je ne comprends plus rien. Je n'ouvrirai pas la porte.

Tu n'as pas le choix ma jolie. Quand tu me sens frapper à ta porte c'est que je suis déjà là. Et je suis là pour rester. Je m'installe et tu n'as rien à dire. Tu peux bien essayer tous tes trucs, toutes tes potions magiques, toutes tes incantations, j'y suis, j'y reste.

Méchante migraine. Sournoise parasite. Je vais te combattre avec toutes les armes possibles. Les conventionnelles, les fantaisistes, les traditionnelles et les nouvelles. Tu partiras car je ne veux pas de toi.

Je partirai. Oui. Parfois, je te laisserai gagner rapidement. Parfois, je te ferai souffrir aussi longtemps que possible. Je fais à ma tête. Et c'est tout. Mais je promets de partir. Mais pour l'instant, je frappe. Je frappe un peu partout... sur les murs de ta tête, sur les parois de ton cerveau, sur les idées de ton imaginaire. Toc, toc, toc.

"La poésie est une maladie du cerveau" [Alfred de Vigny]

23 juillet 2013

Le goût des pépins de pomme de Katharina Hagena

Pepin1Le goût des pépins de pommes / Katharina Hagena ; traduit de l'allemand par Bernard Kreiss. -- [Paris] : Éditions Anne Carrière, 2010. -- 285 p. ; 18 cm. -- ISBN 978-2-253-15705-2. -- (Coll. Livre de poche ; 32131).

Quatrième de couverture

À la mort de Bertha, ses trois filles et sa petite-fille, Iris, la narratrice, se retrouvent dans leur mainson de famille, à Bootshaven, dans le nord de l'Allemagne, pour la lecture du testament. À sa grande surprise, Iris hérite de la maison. Bibliothécaire à Fribourg, elle n'envisage pas, dans un premier temps, de la conserver. Mais à mesure qu'elle redécouvre chaque pièce, chaque parcelle du merveilleux jardin, ses souvenirs font resurgir l'histoire émouvante et tragique de trois générations de femmes. Un grand roman sur le souvenir et l'oubli.

L'auteur

Katharina Hagena est née en 1967 à Karlsruche. Elle fit des études en littérature allemande et anglaise à Marbourg,

Fribourd-en-Brisgau et Zurich. Elle passera deux ans à Dublin pour y rédiger une thèse sur James Joyce qu'elle présente en 1995.

Elle commence à enseigner la littérature en 1995, tout d'abord au Trinity College à Dublin Pepin2puis à l'Université d'Hambourg et à celle de Lünebourg. Elle occupera ces postes jusqu'en 2002. Elle vit aujourd'hui à Hambourg avec sa famille et travaille comme pigiste. Elle publie également des romans pour adultes et pour enfants.

Site de l'auteur (en allemand)

Bibliographie sommaire

  • Der Gerschmack von Apfelkernen (Le goût des pépins de pommes) (2008)
  • Grausi schaut unter den Stein (pour enfants) (2008)
  • Albert Albatros albert (pour enfants) (2010)
  • Vom Schlafen und Verschwinden (L'envol du héron) (2012)

Commentaires personnels... (bon...disons plutôt expérience de lecture !)

Je ne sais si j'aurais lu ce livre s'il n'était pas arrivé sur mon chariot de dons à évaluer. Le titre et la couverture auraient sûrement attiré mon regard, mais comme le livre date de 2008, je ne pense pas que j'aurais croisé son chemin. Il était donc sur mon chariot de dons. Petit livre de poche pas tout neuf. Nous ne gardons que rarement les livres de poche, ils vieillissent malheureusement trop mal. Ils vont donc directement dans la vente de livres (s'ils sont encore présentables, on s'entend). 

J'ai donc pris le livre pour le mettre de côté et c'est alors qu'il a attiré mon attention. Le titre bien sûr que je trouve magnifique. Surtout que les pépins de pomme sont toxiques. Bon, il faudrait en manger beaucoup pour que cela cause des problèmes, mais le titre m'a tout de suite intrigué. La couverture est bien jolie, je lis donc le quatrième de couverture. Là, bon, c'est ok. Il ne m'attire pas particulièrement mais n'est pas non plus inintéressant. Ce n'est pas habituellement, le genre de livre qui m'intéresse. Et le fait que le personnage principal soit bibliothécaire me fait hésiter... je n'ai pas trop eu de chance avec les bibliothécaires dans la littérature. Mais le titre... le titre m'envoûte littéralement ! Alors, je décide de l'acheter et de le lire.

Disons-le tout de suite, le titre ne fut pas le seul à m'envoûter ! Et quand j'adore un livre, soit je le lis en un respire, soit je le savoure à petites doses. Et c'est ce que j'ai fait avec le roman de Katharina Hagena. J'ai mis un temps fou à lire les 285 pages. Quand je lisais plus de 20 pages à la fois, je m'obligeais à le reposer. Pour que jamais il ne se termine.

Je vous préviens tout de suite cependant... ce n'est pas un grand roman. Rien de renversant. Et les avis (fort nombreux sur Babelio et sur la blogosphère) sont partagés. Mais moi... il m'a touchée.

L'histoire ? Une vieille dame, souffrant d'Alzheimer depuis de nombreuses années, décède. Ses filles et son unique petite-fille se réunissent pour les obsèques. Et c'est Iris, la petite-fille, qui hérite de la maison familiale. Va-t-elle la garder ? Elle ne croit pas mais elle emménage quelques jours pour y réfléchir et pour se décider. Le récit se partage ensuite inégalement entre le quotidien d'Iris pour les quelques jours qui suivent et les souvenirs. Le passé prend la majeure partie du texte. Nous revivons la vie des différentes femmes qui ont laissé leurs parfums à la maison. Trois générations. Il y a bien quelques traces des hommes aussi. Mais si peu. Les souvenirs sont parfois ceux d'Iris, réels ou devinés, parfois ceux d'autres personnages. On sent bien qu'il y a une part de vérités et une part de mensonges dans ses souvenirs d'événements passés. Mais se souvenir n'est-il pas souvent travestir la réalité ? On embellit, on amplifie, on diminue. On tricote des souvenirs sur ce qu'on nous a raconté. On s'approprie les souvenirs des autres. Et on oublie la plupart des moments passés.

Il y a beaucoup de souvenirs dans ce roman. Et beaucoup de secrets. Beaucoup de larmes aussi. Et quelques rires. Beaucoup d'improbabilités aussi, surtout dans le présent, mais contrairement à certains, cela ne m'a pas dérangé. Comme les souvenirs, la mémoire altère parfois aussi le présent et c'est ainsi que j'ai lu les moments "actuels" du roman. Et les robes anciennes, les rencontres fortuites et fréquentes, les pics-nics improbables et les jardins impossibles ne m'ont pas causé de soucis dans ma lecture.

L'écriture de Hagena est douce, remplie de descriptions charmantes et souvent invraisemblables. Et les figures de style sont innombrables. Je me demande à quoi le roman ressemble en allemand. Dans cette traduction française, il m'a paru rempli de musique, de saveurs et d'odeurs. Je n'aime habituellement pas les longues descriptions et les figures de style qui se multiplient, mais ici j'ai tout simplement adoré.

Et à chaque fois que j'ai refermé le livre, je n'ai pu m'empêcher de plonger moi aussi dans mes souvenirs. Et de les voir autrement. Les magnifier, les romancer, les transformer, les diminuer... Et à les revivre et les raconter dans ma tête, ils m'ont semblés nouveaux.

(Note: Et la bibliothécaire dans tout cela ? Et bien, pour moi, c'est la seule petite contrariété du roman... quand lirais-je une description réaliste d'un bibliothécaire ? Je ne l'espère plus vraiment !)

Extraits

"Tante Anna est morte à seize ans d'une pneumonie qui n'a pas guéri parce que la malade avait le coeur brisé et qu'on ne connaissait pas encore la pénicilline." p. 9

"Bertha commençait par croquer rapidement un large anneau autour du ventre de la pomme, puis elle grignotait prudemment le bas autour de la fleur, ensuite le haut entourant le pédoncule, quant au coeur, elle le jetait au loin par-desus son épaule. Anna mangeait lentement et consciencieuement, de bas en ahut - tout. Les pépins, elle les mâchonnait durant des heures. Lorsque Bertha lui disait  que les pépins étaient empoisonnés, Anna répliquait qu'ils avaient un goût de massepain. Elle ne recrachait que la queue. C'est Bertha qui m'a raconté cela un jour en constatant que je mangeais les pommes exactement comme elle." p.71

"Les billets se sont multipliés. Lorsque nous étions à Bootshaven, il en voltigeait de toutes parts. Comme il y avait toujours du courant d'air, les papiers flottaient lentement à travers la cuisine comme les grandes feuilles des tilleuls en automne, dehors, dans la cour." p.161

À consulter

 

1 juillet 2013

Dans ma tête, je m'imagine...

Dans ma tête, je m'imagine...
des envolées de plumes...

Oiseaux

...des ailes imaginaires ont poussé dans mon dos,
des ailes pour m'aider à m'envoler vers le ciel...

Bien sûr, les oiseaux ne veulent pas de moi.
Pourquoi voudraient-ils d'une imposteure ?
Je vole de plus en plus haut.
Je m'envole solitaire.
Je rêve.

Je n'ai pas peur des oiseaux qui m'envahissent
et m'accusent de voler leur ciel.
Je bats des ailes et ferme les yeux.
Je fonce vers le bout du monde.


J'ouvre les yeux.
Je suis couchée dans l'herbe, je regarde le ciel.
Des oiseaux sur une branche me chantent une chanson.
Ils me pardonnent mes rêves fous d'ailes et de plumes.

29 juin 2013

Quelques mots...

Très connue, mais qui me fait toujours plaisir à lire... Oh que je pourrais la répéter sans arrêt !!!

Google can bring you back 100,000 answers, a librarian can bring you back the right one.” [Neil Gaiman]

Oh que oui !!! :D

27 juin 2013

Dans la nature... le Parc Oméga

01On va souvent chercher très loin ce qui se trouve tout proche. J'aime beaucoup les animaux. Et quand j'étais petite, voir des animaux se résumait au Zoo de Granby et au Parc Safari. Avec les années, j'ai continué à visiter les zoos, tout en étant de plus en plus triste, la plupart du temps, des conditions dans lesquelles on gardait les animaux. Mais c'est plus fort que moi, je vais presque toujours dans les zoos des villes que je visite.

Quand j'étais jeune, j'avais une nette préférence pour le Parc Safari. L'idée que nous nous promenions en voiture parmi les animaux était pour moi incroyable et excitante même si les autruches me faisaient terriblement peur... Puis j'ai vieilli. Et j'ai été attiré par les parcs du même genre mais présentant principalement (mais pas uniquement) des animaux "locaux". J'ai planifié avec impatience mon voyage au zoo sauvage de Saint Félicien. Ce n'était quand même pas à la porte ! Quelle belle expérience ! Et l'idée que nous nous promenions "en cage" alors que les animaux étaient "libres" (dans le parc, on s'entend) m'a beaucoup plu.

Puis, en Espagne, j'ai multiplié les visites à ce genre de parcs... Réserve africaine de Sigean, Parc animalier de Casteil, le merveilleux Parc des singes Jigokudani au Japon ... et je ne parle pas des zoos, fermettes, etc. Je ne peux m'empêcher de chercher les animaux.

Quand je suis revenue au Québec, j'ai acheté des livres sur le Canada et le Québec. En effet, je me suis aperçue que je connaissais plus l'Espagne et la France que le Québec ! Et je découvre, découvre, découvre, une tonne d'endroits... l’Ecomuseum, par exemple (dont je reparlerai) ou encore le Parc Omega.

Quelques informations pratiques…

Le Parc Omega, qui existe depuis au moins 23 ans, est situé en Outaouais, à environ une heure de Montréal. Bien que l’on donne habituellement la 04municipalité de Montebello comme adresse, le parc animalier est réellement situé au nord de celle-ci à Notre-Dame-de-Bonsecours.

Le parc a une superficie de 1800 acres (environ 7200 km²) et possède 12 km de circuit routier et 6 km de sentiers pédestres.

Lorsqu’on entre sur le site du parc, on nous invite à syntoniser la station de radio FM 90,1 (pour le français). Tout le long du trajet en voiture, on peut ainsi entendre de l’information sur les animaux que l’on peut voir.

À l’entrée il est aussi possible d’acheter des sacs de carottes. On peut également en acheter plus loin au besoin. On peut offrir ces carottes sans problèmes aux divers animaux qu’on va rencontrer – enfin, ceux qui aiment les carottes, bien entendu !

Sur le circuit routier on croisera différents animaux locaux et d’autres pays. On peut voir des animaux des prairies, forêts, montagnes… Wapitis, cerfs, orignaux, daims, caribous, bouquetins, bisons, coyotes, renards roux, sangliers, loups gris, ratons laveurs, porcs-épics, ours noirs, castors, de nombreux oiseaux et beaucoup d’autres. (Ici, je tiens à préciser que les animaux même avides principalement de carottes - ce qui veut dire qu’ils viennent directement à votre fenêtre - demeurent des animaux. Nos visites furent incroyables et impeccables, mais je connais des gens qui ont des « traces indélébiles » des cerfs, daim, etc. sur leur voiture ! Les bois de ces cervidés peuvent être très impressionnants ! Et il ne faut jamais oublier les consignes de sécurité !)

La plupart de ces animaux peuvent se voir sur le circuit routier. On peut également observer plus longuement et de plus près les loups et les ours grâce à une passerelle d’un des sentiers pédestres.

03Sur le sentier pédestre se rendant à une vieille Ferme datant de 1847, on peut encore voir différents cervidés, toujours attirés par les carottes ! Puis on arrive à la ferme. Plusieurs animaux de ferme se promènent et les enfants seront bien heureux. Pour se rendre à la ferme, on emprunte les sentiers pédestres mais une carriole s’y rend également, ou on peut louer une voiturette.

Le propriétaire, Olivier Fabre, un français originaire de Mulhouse, cherche continuellement à diversifier son parc : des expositions dans le bâtiment d’accueil ou au sous-sol de la ferme. Un sentier des premières nations fut inauguré en 2011. Et selon un article de la Presse, un ancien poste de traite serait maintenant en place, un labyrinthe de bottes de foin et possiblement des cabanes perchées dans les arbres pour y passer la nuit. Mais je n’ai pas pu confirmer ces dernières informations. Ce qui me reste de mes visites, c’est que le Parc Oméga cherche continuellement à se renouveler et a à cœur de présenter les animaux dans un milieu le plus naturel possible. Et pour ceux qui aiment visiter les parcs animaliers, c’est un détour obligatoire.

Quelques liens à consulter

24 juin 2013

Le moment captif d'un dimanche : le souhait du lundi

04"On en vient à aimer son désir et non plus l'objet de son désir." [Friedrich Nietzsche]

J'aime la pluie. J'aime les gouttes qui dégouttent sur mon toit. J'aime les gouttelettes qui tombent doucement sur ma terrasse. J’aime l’odeur de la pluie d’été.

Il y a quelques jours c’était une pluie de printemps. Trop froide. Aujourd’hui, c’est une pluie d’été. Trop humide.

J’aime la pluie. Mais trop de pluie me fait soupirer. Les fleurs brunissent. Les tomates restent désespérément vertes. Et mes yeux s’ensommeillent.

Ma tête est lourde ; mes gestes pesants ; mes idées paresseuses. Je suis sans mouvement.

C’est alors que l’oiseau s’est posé sur mon balcon. Il m’a regardé doucement. Il m’a promis de faire revenir le soleil. Mais il m’a aussi dit de faire attention que le soleil pouvait avoir le même effet.  J’ai répondu que j’en avais assez de la pluie. Je voulais du soleil et de la chaleur. L’oiseau a acquiescé et s’est envolé.

Aujourd’hui, il fait soleil. Un soleil puissant produisant une chaleur étouffante. La pluie de hier a disparu. L’humidité a pris sa place. Il fait beau, il fait chaud. Et le soleil brille.

J’aime le soleil. Mais trop de soleil me fait transpirer. Les fleurs sont molles. Les feuilles jaunissent et ramollissent. Et mes yeux s’ensommeillent.

Ma tête est lourde ; mes gestes pesants ; mes idées paresseuses. Je suis sans mouvement.

L’oiseau me regarde d’une branche à l’ombre. Il me demande si je suis contente, il a tenu sa promesse. Je lui réponds que je suis contente. Il me regarde en soupirant, il sait bien que je lui mens. Il fallait faire attention à ton souhait, me dit-il. Il se moque de moi. Et il a bien raison. La prochaine fois, je prendrai garde à bien réfléchir avant de souhaiter…  

17 juin 2013

Les archives de Pauline : cherchez la fleur

02Devant ma maison, il y a une multitude de tulipes. Presque toutes rouges, mais certaines roses, d'autres violettes. Et puis, il y a aussi des jonquilles. Toutes jaunes, elles sont les jonquilles, comme toutes les jonquilles.

Il y a presque trois ans, nous revenions d'Espagne. Nous aménagions dans notre nouvelle maison. C'était le mois d'octobre. Et j'ai couru acheter des bulbes de tulipes. C'était pratiquement une obsession. J'ai acheté des sacs et des sacs de tulipes. Il commençait à faire froid et j'ai tout planté très rapidement, découvrant au fil des trous que je creusais d'autres bulbes déjà cachés.

Alors qu'il y avait un million de choses à faire, un million de choses à acheter, je ne pensais qu'au besoin impératif d'acheter des tulipes qui bouillait en moi. Pour le printemps. C'est à peu près tout ce que je savais. Il faut planter les bulbes de tulipes l'automne pour qu'elles fleurissent au printemps. Et au printemps, fleurir, elles le firent. À ma grande surprise. Je n'en revenais tout simplement pas ! J'avais voulu des tulipes, j'avais planté n'importe comment des tulipes et maintenant j'avais des tulipes !

Des tulipes, des tulipes, des tulipes, partout autour de ma maison. Et l'année suivante et encore une fois cette année. Des tulipes, partout des tulipes. Mais il me fallut faire lire un peu aussi. Car des tulipes, je n'en avais jamais fait pousser. C'est relativement simple, quand même. Juste un peu long après la floraison. Vous savez, il faut laisser se faner les feuilles et tout.DSC_0680

Mais c'est si simple. On plante les bulbes à l'automne. Peut-être un peu d'engrais, un peu de farine de sang pour éloigner les écureuils, les ratons laveurs, les mouffettes, les lapins et les marmottes. Et puis, pouf, au printemps on a tout plein de tulipes.

C'est si simple. Trop simple. Et je me demande pourquoi je croyais que c'était si compliqué. Que c'était presque une tâche impossible. Enfin, c'est ce que j'ai toujours cru. Car ma mère a toujours voulu avoir des tulipes. Et jamais elle n'en a eu.

Chaque printemps, mes parents allaient au marché et de belles fleurs annuelles ils achetaient. Malgré son amour des fleurs, ma mère n'était pas trop jardinière. À genoux sur le sol à planter des fleurs, jamais je ne l'ai vue. Même l'entretien des plantes de la maison n'était pas son fort. Ses violettes africaines n'ont jamais fleuri. Pas le pouce vert, ma maman. C'est donc mon père qui s'occupait des fleurs extérieures. Mon père lui ce sont les mains complètes qui sont vertes. Il est incroyable avec le jardinage. Mais mon père, lui, les fleurs, il s'en fout un peu. Tout ce qui l'intéresse, c'est son potager. Tomates, piments, oignons... Alors, les fleurs, c'était une étape vite faite à la fin mai. Hop, on plante les annuelles faciles d'entretien, qui se trouve partout et qui fleurissent tout l'été. Et on les plante toujours au même endroit. On ne se casse pas la tête. Cosmos, bégonias, pourpiers, pétunias... Une année, ma mère a insisté pour des dahlias et des glaïeuls. Elle en a eus. Cet été-là. Car conserver les bulbes tout l'hiver, c'était trop compliqué. On ne savait pas trop comment faire. On nous l'a bien expliqué... mais pour mon père, c'était trop d'ouvrage pour des fleurs. Faire sécher ses graines de piments ou ses tomates, ça, pas de problème. Mais s'occuper de bulbes... ouf, non, trop compliqué. Alors... des tulipes ! On oublie ça.

Quand j'ai vieilli, j'ai commencé à planter les fleurs pour ma mère. Même une fois que j'ai quitté la maison, je venais pour l'achat des annuelles. J'ai réussi à diversifier les fleurs qu'ils achetaient. Et ensuite, c'est moi qui les plantais. J'ai même fait une belle rocaille de fleurs sauvages. Ma mère était bien heureuse. Mais pour les tulipes, je ne savais trop comment faire. Mon utilisation d'Internet en était à ses débuts, et bizarrement, je n'ai jamais pensé à prendre un livre sur le sujet. Je savais qu'il fallait les mettre à l'automne mais pour je ne sais quelle raison, cela m'apparaissait très compliqué. Alors ma mère n'a jamais eu de tulipes.

Chaque printemps, je regarde mes tulipes et je m'imagine qu'elle les admire elle aussi... Mes tulipes, maman, elles sont juste pour toi ! Tu me manques, tu sais...

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Quelques pages d'un autre livre ouvert...
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