Critique
de lecture
La petite
robe de Paul / Philippe Grimbert. – [Paris] : Grasset, c2001. – 155p. ; 18
cm. – ISBN978-2-253-06819-8. – (Coll. Livre de poche; 30045)
Quatrième de
couverture :
Paul n’a jamais rien caché à sa femme. Un jour, il est irrésistiblement
attiré par une petite robe blanche exposée dans la vitrine d’un magasin.
L’irruption de ce vêtement d’enfant dans l’univers feutré d’un couple sans
histoires va soudain produire effets dévastateurs et réveiller de vieux démons.
De quels secrets la petite robe blanche est-elle venue raviver la blessure
?
L’auteur :
Philippe Grinberg est né à 1948 à Paris. Son père
changera leur nom de famille pour Grimbert juste avant la Seconde Guerre
Mondiale afin de cacher leur origine juive. Il étudiera la psychologie dans les
années 60 à Nanterre.
Après avoir été lui-même en analyse, il ouvre son
cabinet de psychanalyse. Il travaillera également dans des instituts
spécialisés pour les enfants et adolescents à Asnières et à Saint-Cloud.
Grinberg se passionne pour la musique. Il se lance
dans l’écriture et publie un essai sur la musique : Psychanalyse de la chanson en 1996. Il continue à écrire des essais
puis en 2001, il publie son premier roman, La
petite robe de Paul. Il recevra plusieurs prix pour ses œuvres.
Bibliographie :
- Psychanalyse de
la chanson (1996)
- Pas de fumée sans
Freud : psychanalyse du fumeur (1999)
- Évitez le
divan : petit manuel à l'usage de ceux qui tiennent à leurs symptômes
(2001)
- La Petite robe de
Paul (2001)
- Chantons sous la
psy (2002)
- Un secret (2004)
Résumé:
Paul, un homme dans la cinquantaine marié depuis longtemps à Irène et ayant
une fille maintenant adulte, fait un stage de formation dans un quartier qu’il
ne connaît pas. Alors qu’il explore le quartier pendant les pauses, il est
attiré par une petite robe blanche d’enfant dans la vitrine d’une boutique.
Sans pouvoir expliqué sa fascination ou son geste, il entre dans la boutique et
achète la robe.
Il tente d’abord de comprendre son geste. Pourquoi a-t-il acheté cette robe ?
Il ne peut justifier son achat et alors qu’il veut d’abord l’avouer à son épouse,
il cache pourtant la robe. Mais Irène trouve la robe. Sous le choc de cette découverte,
elle tente de trouver une explication à la présence de cette petite robe dans
la garde-robe de Paul. Elle se sent cependant incapable de demander directement
à son époux les raisons de cet achat et elle imagine les pires explications.
La petite robe cachée dans la garde-robe de Paul les plonge dans les
souvenirs, les interrogations et les secrets.
Commentaires :
Un couple ordinaire, ayant en apparence une existence tranquille, va être
complètement bouleversé par l’achat d’une petite robe et surtout par les
mensonges, les secrets et les non-dits qu’entraîne cette petite robe.
Le roman commence rapidement par l’achat de Paul. Cet achat et surtout le
fait qu’il le dissimule, le plonge, lui, sa femme et nous à leur suite dans une
recherche des raisons qu’ils l’ont poussé à acheter cette petite robe blanche.
Avec sa femme, nous nous imaginons d’abord les pires scénarios. Mais le
roman nous emporte surtout dans les souvenirs de blessures anciennes. Des
blessures que le couple a subies et qui n’ont jamais vraiment été cicatrisées.
On retourne dans le passé de Paul, dans la relation avec son père, nous retrouvons
Irène, enfant, ayant perdu ses parents. Puis nous revivons la grossesse
interrompue d’Irène après de nombreux efforts… événement qui semble d’abord
avoir marqué plus Irène que Paul mais ce n’est pas certain…
On suit religieusement au fil des pages, les réflexions des deux principaux
personnages. Et finalement on se rend compte qu’une vie est bâtie sur des
moments connus mais surtout sur des moments occultés, des moments enfouis dans
les souvenirs. Des moments qu’on a cru comprendre mais qu’il faut explorer de
nouveau et comprendre de nouveau.
Le roman ne dit pas tout. Beaucoup de secrets entre les personnages, mais
on sait qu’à la fin, ils se disent beaucoup, presque tout… cependant nous ne
sommes pas dans le secret… beaucoup nous est occultés. On doit imaginer
certains éléments manquants et je suppose que parfois les conclusions doivent légèrement
variés selon le lecteur. Mais l’auteur, psychanalyste, doit avoir planifié ces
interrogations, ces questions sans réponses.
Les événements de notre vie laissent des traces, même si on croit avoir
surmonté ces moments. Le passé est toujours présent… voilà la conclusion du
roman. Il s’agit de voir, si on le comprend, l’accepte et si on poursuit notre
cheminement. Soulignons également le fait que les secrets, les silences, les
non-dits sont toujours sources de tourments, de questionnements et qu’il
vaudrait mieux dire ce qu’on voudrait taire…
Quelques irritants cependant… Parfois l’impression d’être dans un de ces
soaps, où on ne peut s’empêcher de rager parce que si « seulement les
personnages avaient parlés au lieu de taire de détail… on se serait épargner
des heures d’interrogations inutiles ». Un peu trop de questions non répondues,
également. On comprend l’idée qu’il faut comprendre et déduire sans savoir,
mais bon… un peu plus d’indices aurait été appréciés. Et personnellement, j’ai
parfois trouvé la douleur d’Irène irritante… à la limite du mélodrame, surtout
les dernières scènes – sanglantes.
Mais les mots filent… se lisent doucement. On ne peut s’empêcher d’entrer
dans leurs interrogations, de sentir les sentiments se broder autour des
douleurs et des souvenirs. J’ai senti les liens entre Irène et sa belle-mère… j’ai
senti l’angoisse de Paul quand il fouille dans les souvenirs de son père et les
secrets de sa mère… et j’ai ressenti la peur d’un dénouement qui n’est pas ce
qu’on craint d’abord…
Cette histoire traite selon moi de nombreux deuils non résolus, non acceptés
et surtout des cris de l’inconscient des personnages. Roman construit sur des
descriptions d’états d’âme, aucun dialogue… roman légèrement étouffant qui nous
ramène à la blancheur de la robe… constamment tachée de souvenirs, et
finalement de sang.
Personnellement, le livre m’a captivé… du premier moment où j’ai lu le
titre et contemplé la couverture. Je ne connaissais pas vraiment le roman, ni l’auteur
au moment de ma lecture. J’ai aimé ces questionnements qu’amène un incident
dans la vie d’un couple qui se cache ses douleurs. Et j’ai particulièrement aimé
la conclusion qui amène un nouveau personnage, la fille adulte du couple. On
craint, on croit savoir, connaître la conclusion, mais l’auteur choisit de ne
pas présenter une certaine conclusion évidente – mais somme toute, facile –
pour revenir à une vie ordinaire… des gens ordinaires qui vivent avec leurs
bibittes, tout simplement.
L’avis de Camille,
Tamara, de Lily, Lilly et Lilie
Citations :
« Levant les yeux il aperçut la petite robe. Une seule robe, accrochée à un
cintre au centre de la vitrine sur un fond de papier vert d’eau. Une robe d'enfant, parfaitement
blanche, taillée comme une chasuble, avec trois roses à l'empiècement,
semblables à celles qui émergeaient des pots. Trois boutons délicats qui
donnaient naissance à des plis plats poursuivant leur chemin jusqu'à l'ourlet
du bas. Le tissu avait la légèreté et la transparence d'un voile de lin, il en
respirait la fraîcheur.»
« Paul fut troublé,
saisi par le sentiment de n’avoir jamais rien vu de plus joli que ce vêtement
de fillette, flottant entre ciel et terre. Il resta un long moment planté sur
le trottoir, son sandwich à la main, et sa promenade de ce jour-là ne le mena
pasplus loin. » p. 12
« Irène
prit alors conscience de la réalité de sa relation à sa belle-mère, tissé comme
ses broderies de petites choses de tous les jours, charmantes et poétiques,
sans autre épaisseur que celle du canevas auquel se limitaient leurs échanges. »
p. 114
Sources à consulter :