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26 avril 2016

Zébrures écarlates de Michel Roberge - Commentaires personnels

MR03Zébrures écarlates : une enquête du détective archiviste Ives d'Arch / Michel Roberge. -- Québec (Québec) : Les Éditions GID, [2015]. – 705 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-89634-277-8

Quatrième de couverture

« En entrant dans l'appartement surchauffé, Ives d'Arch eut l'impression de pénétrer dans un sauna. En s'approchant de son ordinateur portable son attention fut attirée par le courriel de Llura Solés. D'abord troublé, il en prit rapidement connaissance. Il se rassit devant son ordinateur et, encore sous le choc, il relut le court message. Le dernier contact qu'il avait eu avec la Catalane, qu'il avait rencontrée dans un congrès d'archivistes en 1988 et dont il était tombé follement amoureux, remontait à 2001. Elle lui avait alors abruptement annoncé qu'elle avait fait la connaissance d'un certain Joan et qu'ils avaient l'intention de se marier. Depuis, il avait vainement tenté d'entrer en contact avec elle. Llura Solés n'avait plus donné signe de vie. Et voilà qu'elle réapparaissait dans le décor en lui envoyant ce courriel à la fois énigmatique et intrigant. »

Voilà le point de départ de la première aventure du détective archiviste québécois Ives d'Arch. Assassinats et attentat au colis piégé, faux documents et précieuses archives, somptueuses soirées et nuits voluptueuses constituent l'essence même de ce polar dont l'intrigue se déroule au Québec, en France et en Catalogne et dans laquelle évolue une panoplie de personnages hors du commun.

Lire le premier article - Zébrures écarlates de Michel Roberge - L'auteur et l'histoire

Mes commentaires

MR02

Quelle fresque historique ! Voici un roman bien construit et étoffé, rempli de détails et d’informations. Lorsqu’on termine notre lecture, nous avons vraiment l’impression d’avoir vécu cette aventure et de connaître personnellement les personnages. Et les détails historiques sont recherchés et très intéressants.

Les personnages principaux ont pris vie pendant ma lecture. Ceux-ci sont vivants dans ma mémoire et j’ai l’impression de les connaître. Mais j’aurais aussi aimé connaître un peu plus les personnages secondaires. Ils sont également importants dans l’histoire et j’ai eu l’impression d’à peine les survoler. Particulièrement les « méchants », le fameux « acheteur » du document volé et surtout  Llúria : quelles étaient leurs motivations ?, etc.

Certains passages sur la vie des personnages principaux étaient très personnels, captivants et émouvants. J’ai eu l’impression de lire un roman sur l’histoire d’amour entre Ives et Karl. Je voulais en savoir plus et j’avais l’impression de « voir » une télésérie sur leur vie – non pas un film, mais bien une série télévisuelle, pour le facteur temps… apprendre à connaître tranquillement les personnages petit à petit au fil du temps. Tout le texte est d’ailleurs très visuel. C’était très intéressant et même passionnant. Parfois, cependant, toutes ces descriptions et détails – aussi fascinants étaient-ils - me faisaient oublier l’histoire du document disparu. J’avais l’impression que l’auteur était déchiré entre l’envie de raconter la vie de ses personnages principaux – qui je crois, l’ont véritablement habité pendant l’écriture - et cette intrigue autour du document disparu. D’un côté l’enquête semble importante – des gens sont morts à cause de ce document – mais d’un autre côté, j’avais l’impression qu’elle n’était qu’un prétexte pour nous parler du couple Ives/Karl. J’ai été moi-même déchiré entre mon désir d’en savoir plus sur Ives et Karl et l’envie de connaître le destin de ce document.

Et donc, j’ai l’impression de m’être parfois un peu perdue dans tous ces détails et de ne pas avoir bien suivi l’intrigue policière. Elle m’a semblé secondaire, en quelque sorte. Même si elle était réellement palpitante. J’aurais aimé en savoir plus sur ce document, sur son parcours et j’aurais aimé avoir plus de détails sur le travail d’investigation pour le retrouver. Ce vol de document m’a passionnée dès les premières lignes mais je suis un peu restée sur ma faim.

J’avoue que j’aurais aussi aimé poursuivre l’histoire de Miquel (qui transportait le fameux document) et Adela (qui l’hébergea lors de son périple vers Paris). J’aurais voulu suivre Miquel au Québec, savoir ce qu’il avait fait du document, savoir également ce qui arrivait avec Adela, etc. Et je voulais en savoir plus sur les personnages du début, témoins du vol du document : Joaquim, Xevi, etc. Tous ces personnages étaient vraiment intéressants et m’ont captivée. J’en voulais plus.

J’ai donc eu l’impression de lire plusieurs romans en un seul. Et j’aurais par moment peut-être préféré avoir plusieurs romans, plutôt qu’un seul… Car l’auteur a un réel talent de conteur et on aime se perdre dans ses histoires. Il nous offre des personnages vivants et qu’on veut connaître. Des histoires troublantes, parfois tristes et tragiques, parfois douces et touchantes. Et j’aurais voulu les approfondir toutes.

Cette foison de détails, nous permet également de voir les lieux où se déroulent les intrigues. J’ai la chance de connaître les lieux principaux : la ville de Québec, Barcelone, Castelnou… Honnêtement, j’avais l’impression de voir parfaitement tous ces endroits et d’y être physiquement. Les descriptions sont incroyables. Et c’est un talent rare d’être capable de décrire des lieux pour qu’on s’y sente présent. L’auteur nous offre un texte très imagé. Certes, cela allonge parfois le texte et on pourrait par moment vouloir un texte plus serré. Mais j’ai adoré me perdre dans les rues de ces villes et villages.

On sent que l’auteur est passionné par son sujet, par ses personnages, par les lieux qu’il décrit et par l’histoire du Québec et de la Catalogne. Cette passion est palpable et c’est émouvant. Mais par moment, peut-être un peu étourdissant. J’aime aussi pouvoir imaginer certains détails. Cela permet de personnaliser un roman et de le faire sien. Mais on ne peut rien dire contre la passion !

L’écriture de l’auteur est précise et spécifique. On sent que l’auteur est rigoureux dans son processus d’écriture. Chaque mot est pensé et important. On sent un travail méticuleux et une recherche ordonnée et pointilleuse. On ressent définitivement l’archiviste derrière l’auteur. La lecture reste cependant toujours fluide, le texte sans fioriture, et le tout se lit aisément. C’est une lecture très plaisante.

Au final, ce roman est réellement passionnant. Mais bizarrement, il souffre un tout petit peu des talents incontestables d’écrivain et de conteur de son auteur. Personnellement, j’aurais aimé que l’auteur garde certains personnages, certains détails pour un autre roman. Mais Zébrures écarlates reste un excellent roman où il fait bon se perdre. Mais maintenant, je veux d’autres romans de l’auteur… je veux poursuivre l’aventure.

Les mots de l’auteur

« - […] Quand je me suis réveillé, je me suis rendu compte que je voyais seulement en noir et blanc. Mes parents ont cru que j’essayais de les faire marcher. Ils m’ont fait voir un spécialiste et c’et lui qui nous a expliqué que c’était un phénomène rare qui arrive, des fois, après un choc physique important.

- Je savais qu’y’a des personnes qui ont de la difficulté à voir certaines couleurs, mais pas de couleurs pantoute, ça doit être déprimant pas pour rire.

- C’est juste une question de perception, rétorqua Ives d’Arch. La couleur, c’est un artifice. Ça embellit peut-être l’aspect des choses, mais c’est l’absence de couleurs qui met en évidence leur nature profonde. » » p. 108

Pour en savoir un peu plus…

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25 avril 2016

Zébrures écarlates de Michel Roberge - L'auteur et l'histoire

MR03Zébrures écarlates : une enquête du détective archiviste Ives d’Arch / Michel Roberge. — Québec (Québec) : Les Éditions GID, [2015]. – 705 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-89634-277-8

Quatrième de couverture

« En entrant dans l’appartement surchauffé, Ives d’Arch eut l’impression de pénétrer dans un sauna. En s’approchant de son ordinateur portable son attention fut attirée par le courriel de Llura Solés. D’abord troublé, il en prit rapidement connaissance. Il se rassit devant son ordinateur et, encore sous le choc, il relut le court message. Le dernier contact qu’il avait eu avec la Catalane, qu’il avait rencontrée dans un congrès d’archivistes en 1988 et dont il était tombé follement amoureux, remontait à 2001. Elle lui avait alors abruptement annoncé qu’elle avait fait la connaissance d’un certain Joan et qu’ils avaient l’intention de se marier. Depuis, il avait vainement tenté d’entrer en contact avec elle. Llura Solés n’avait plus donné signe de vie. Et voilà qu’elle réapparaissait dans le décor en lui envoyant ce courriel à la fois énigmatique et intrigant. »

Voilà le point de départ de la première aventure du détective archiviste québécois Ives d’Arch. Assassinats et attentat au colis piégé, faux documents et précieuses archives, somptueuses soirées et nuits voluptueuses constituent l’essence même de ce polar dont l’intrigue se déroule au Québec, en France et en Catalogne et dans laquelle évolue une panoplie de personnages hors du commun.

L’auteur

Michel Roberge est né en 1951 à Québec. Après des études à l’Université Laval, il travaille comme archiviste au Service des archives de cette même université. Il sera ensuite analyste en gestion des documents au Ministère des Richesses naturelles du gouvernement du Québec, puis travaillera aux Archives nationales du Québec. Michel Roberge enseigna également au Certificat en gestion des documents administratifs et des archives à l’Université du Québec à Montréal.

En 1983, il publie l’ouvrage La gestion des documents administratifs, œuvre fondamentale sur le Records Management. Cet MR01ouvrage fut réédité – et mis à jour - sous différents titres et fut également traduit en catalan en 1992 puis en castillan en 2004.

En 1985, il fonde une entreprise en gestion documentaire, GESTAR. Il consacre ensuite les prochaines années au développement de son entreprise, tout en contribuant de façon active au milieu de la gestion des documents et des archives, par ses recherches, ses écrits et son enseignement. Son expertise et son œuvre professionnelle sont reconnues internationalement.

Tout en demeurant à la direction de son entreprise, il publie en 2015 son premier roman, Zébrures écarlates.

Site web de l’auteur, expert en gouvernance documentaire, site web du romancier, site des éditions Michel Roberge, page Facebook de l’auteur, profil LinkedIn.

Bibliographie partielle

  • La gestion des documents administratifs (1983)
  • La classification universelle des documents administratifs (1985)
  • La gestion dels documents administratius (1992)
  • La gestion de l’information administrative : approche globale, systémique et systématique (1992)
  • L’essentiel de la gestion documentaire (2000)
  • L’essentiel du Records Management (2004)
  • Lo esencial de la gestión documental (2004)
  • La gestion intégrée des documents (GID) en format papier et technologiques : documents administratifs, documents d’archives et documentation de référence, Québec (2009)
  • Le schéma de classification hiérarchique des documents administratifs - Conception, développement, déploiement et maintenance (2011)
  • Zébrures écarlates (roman) (2015)

L'histoire

Ives d'Arch est un archiviste de métier qui est devenu un « détective archiviste ». Il se consacre aujourd'hui à faire des recherches sur des documents perdus, sur des authentifications de documents ou d'œuvres, etc. Il vit à Québec avec son conjoint, Karl, une vie relativement tranquille. Mais un jour, il reçoit un courriel d'une ancienne collègue catalane, Llúria, avec qui il a eu autrefois une relation amoureuse. Le courriel est énigmatique et demande son aide. Ce courriel le plongera dans la recherche d'un document historique disparu qui mettra même sa vie en danger.

Parallèlement, le roman nous fait basculer dans le temps pour remonter à la disparition de ce document dans l'Espagne du début des années 50 et de son voyage vers le Québec.  

Remplis d'allers-retours dans le temps, le roman nous immerge dans l'histoire de la Catalogne et du Québec.

Commentaires personnels ici...

24 avril 2016

Le moment captif d'un dimanche : des vieilleries

2016-03-02"Le grand public pense que les livres, comme les oeufs, gagnent à être consommés frais. C'est pour cette raison qu'il choisit toujours la nouveauté." [Johann Wolfgang von Goethe]

Chaque semaine, je vois de nouveaux livres naître. Je lis les quatrièmes de couverture de tant de livres qui sont publiés. Et j'en choisis certains qui me semblent intéressants, qui je crois vont plaire aux lecteurs de ma bibliothèque. Petit à petit, ils arrivent. Nous les accueillons, nous les décrivons, nous les recouvrons, nous les préparons pour leur exposition dans la section des nouveautés.

Finalement, ils sont placés sur nos présentoirs. En avant. Et ils seront empruntés. Les gens se dirigeront directement vers le présentoir des nouveautés. C'est merveilleux. Les livres seront empruntés. Ils seront lus. Ils vivront pendant quelques semaines.

Parce que dans quelques jours d'autres livres arriveront. Tout aussi intéressants. Et les premiers iront rejoindre les étagères de la fiction. Ils ne seront plus des nouveautés. Ils seront des romans, des livres. À lire. Mais loin du présentoir des nouveaux livres, les vedettes du moment.

Et ils se perdront. Ils deviendront invisibles. Ils verront les gens passer près d'eux sans les voir. Ils essaieront d'attirer l'attention. Pour se faire lire. Pour que la main s'étende, les prenne, les regarde et décide de les lire ou non. Mais que cette main prenne une décision. La plupart du temps, je pleure car il y a tant de livres invisibles. Ils ont été la vedette pendant quelques temps mais la minute qu'ils ne sont plus à l'avant, ils sont oubliés. Ce sont des vieilleries.

13 avril 2016

Le phyto-analyste : thriller botanique de Bertrand Busson

phyto2Le phyto-analyste : thriller botanique / Bertrand Busson. — Montréal : Marchand de feuilles, c2012. – 292 p. ; 21 cm. – ISBN 978-2-923896-06-9

Quatrième de couverture

Savez-vous quelle fleur vous êtes ?

C'est la question que nous pose Germain, le phyto-analyste qui vient de perdre toutes ses plantes. Elles sont  mortes de proximité humaine. Pire, Germain semble souffrir d'une absence du myocarde : son coeur a été repiqué par un chou-fleur. Heureusement, il y a Rachel, la blonde aux yeux comme des olives à martini, pour lui faire croire que tout n'est pas pourri. Mais quel sera le diagnostic foliaire ? Quel remède les sauvera de la pourriture du monde ? L'enquête sur la mort verte est semée de bonheur shilomique, d'épiphanies sur l'amour, l'amitié, la fidélité. Le phyto-analyste, c'est l'art topiaire en son plus majestueux déploiement. Un roman pour ne pas oublier que nos mères nous ont tous donné comme limite la clôture du jardin.

L’auteurphyto1

Bertrand Busson est né à Laval au Québec en 1983. Il étudie à l'Université de Montréal et obtient un Baccalauréat en Arts. Il étudie également en création littéraire à l'UQAM. Il travaille comme rédacteur et correcteur.

Il publie son premier roman Le phyto-analyste : thriller botanique en 2012 qui recevra le Grand Prix littéraire Archambault.

Page Facebook de l'auteur.

Bibliographie

  • Le phyto-analyste : thriller botanique (2012)
  • La mandibule argentée (2014)

Mes commentaires

Quel étrange roman ! Difficile de ne pas être dérouté par le texte de Busson. Et comme beaucoup de lecteurs, je le fus aussi.

Mais commençons par l'histoire. Germain Tzaricot est un spécialiste en biologie végétale et se définit lui-même comme un analyste du comportement des plantes et expert dans la communication avec celles-ci, un "phyto-analyste", comme son père. Il vit une petite vie tranquille, entre ses plantes et le bar du quartier où il va régulièrement prendre un verre  avec la faune locale. Un jour, il découvre toutes ses plantes, mortes. Elles ont succombées à une étrange pourriture qui semble d'abord se propager dans son laboratoire puis ailleurs dans la ville. Lui-même semble atteint de cette pourriture et comble de malheur, alors qu'il commence une relation amoureuse avec la belle Rachel, son coeur se transforme en chou-fleur.

Et nous plongeons alors dans ce fameux "thriller botanique". Germain Tzaricot se lance dans une enquête remplie de rebondissements - pas toujours très vraisemblables - afin de découvrir l'origine de cette pourriture qui atteint les végétaux et ensuite les humains. L'auteur nous livre avec son texte très étrange et parfois difficile à suivre, un roman sur l'homme et la nature ; principalement sur l'impact négatif de l'humain : surconsommation, guerres, destruction de la nature, etc.

Le roman est original. Étrange. Et je dois avouer que ma lecture a été difficile au début. Et cela me désespérait. Car je voulais tellement tomber en amour immédiatement avec le roman. Je m'explique. Il faut dire que j'avais un faible pour le livre. J'avais acheté le roman pour la bibliothèque car je trouvais l'histoire originale, le titre intriguant, la couverture superbe et j'adore les coins arrondis des romans de l'éditeur Marchand de feuilles. Mais le livre n'attirait pas le regard des usagers et il n'était pas emprunté. Nous l'avons mis dans les présentoirs à l'entrée de la bibliothèque bien en vue, nous l'avons inclus dans diverses bibliographies : romans policiers québécois, romans sur les plantes, la nature, le printemps... Nous avons fait beaucoup d'effort pour le promouvoir. Mais rien à faire. Le livre n'était pas emprunté. Ça arrive. J'ai donc décidé de l'emprunter et de le lire.

Et j'ai dû m'y reprendre à 3 fois. Je commençais les premières pages et rien ne m'accrochait. J'ai posé et repris le livre. Puis reposé et repris. Finalement j'ai réussi à poursuivre ma lecture. Et j'ai beaucoup aimé, je dois le dire. Mais ce n'est pas un texte simple à lire. Ce qui, cependant, n'explique pas le fait que le livre n'est pas emprunté... Le titre ? La couverture ? Le résumé ? Ce qui me charme rebute peut-être. C'est parfois difficile à expliquer. Mais je ne l'abandonnerai pas. Maintenant que je l'ai lu, je peux essayer de le promouvoir encore un peu. Histoire que d'autres lecteurs découvrent ce faux thriller policier rempli de conspirations, de drogues meurtrières, de kidnapping, d'expériences étranges, de fortes amitiés, de sombres trahisons, et surtout de plantes.

Le texte de Busson n'est pas facile d'approche, et le style parfois un peu lourd, mais une fois apprivoisé, il est très charmant. Le roman semble parfois partir dans tous les sens et on se demande à l'occasion où l'auteur veut en venir avec ses plantes. Les rebondissements sont parfois improbables et l'histoire légèrement farfelue, mais tout a du sens même avoir un chou-fleur à la place du coeur.

Les mots de l’auteur

« Rachel semblait nerveuse, ce fut pourtant elle qui poussa les choses un peu plus loin en me sautant dans les bras. Dans les débris de mon appartement se perdit son joli nez cassé vers la gauche ; dans la terre éparpillée sur le sol s’engouffrèrent ses grands yeux verts nébuleux ; dans le courant  d’air provenant de la fenêtre brisée valsèrent ses longs cheveux blonds ; dans les coussins déchirés de mon divan se dissimulèrent les pointes de ses petits seins. » p.106

«[…] j’ai fait la découverte d,une chose terrible : le genre humain n’a plus besoin de cœur pour survivre. C’est l’évolution qui le veut ainsi, la nature a récupéré ce que nous avons semé pendant oute ces années de guerre et de terreur. Ces années de meurtres et de bombes. Ces années d’industrialisation, de consommation, de capitalisation, de destruction de ressources et des espèces. Il suffisait d’un simple ajustement dans la poitrine pour résoudre les lacunes dues à l’absence du myocarde. Vivre sans un muscle, ce n’est pas une tragédie, surtout si ce muscle, dans les circonstances mondiales actuelles, ne vous sert  plus à rien. » p.272

Pour en savoir un peu plus…

2 avril 2016

La mer d'innocence de Kishwar Desai

MI2La mer d’innocence / Kishwar Desai ; roman traduit de l’anglais (inde) par Benoite Dauvergne. – [Tour D’Aigle : Éditions de l’Aube, 2014. – XX cm ; 333 p. – ISBN 978-2+8159-1087-3

Quatrième de couverture

Goa, ancien paradis hippie, est une nouvelle destination à la mode pour les jeunes du monde entier. Sauf qu’une jeune touriste britannique y est agressée par des Indiens puis portée disparue…
Simran Singh, piquante travailleuse sociale, y passe justement ses vacances avec Durga, sa fille adoptive, quand elle reçoit une vidéo sur son téléphone portable qui va donner une tournure totalement inattendue à son séjour. ­Commence alors une longue enquête pleine de rebondissements, et la découverte pour le lecteur d’un Goa assez terrifiant ! Trafics de drogue, disparitions inexpliquées de touristes, meurtres, mafia… Kishwar Desai s’attache une nouvelle fois à dénoncer la violence et la corruption qui sévissent en Inde, et sa maîtrise du suspense ne fait que se confirmer !

L’auteur

Kishwar Desai (née Rosha) est née en 1956 à Ambala dans l’État du MI1Pendjab en Inde. Elle étudie au Lady Shri Ram College en Économie et obtint son diplôme en 1977. Elle se marie et a deux enfants. Elle travaillera d’abord comme journaliste et réalise des reportages politiques pour le Indian Express. Elle travaillera également pendant une vingtaine d’année à la télévision et radio : elle sera présentatrice de nouvelles, productrice et dirigera un poste de télévision.

Elle se divorce et se remarie en 2004. Elle prend alors le nom de son époux, Desai. En 2007, elle publie une biographie de deux acteurs indiens Narais et Sunil Dutt. Son premier roman Witness the Night sera traduit en plus de 25 langues et a reçu plusieurs prix littéraires dont le Prix Costa.  

Aujourd’hui elle continue d’écrire des romans ainsi que des articles pour des magazines et journaux. Elle vit à Londres, à Delhi et Goa.

Bibliographie

  • Manto! (Théâtre) (1999)
  • Dalrlinaji : The True Love Story of Narais and Sunil Dutt (2007)
  • Witness the Night (2009)
  • Origins of Love (2012)
  • The Sea of Innocence (2013)

Mes commentaires

Voici encore un autre roman policier. Mais d'un genre légèrement différent et dans un setting qui ne m'est pas du tout familier. Le roman se situe en Inde dans l'état de Goa et l'enquête sera menée par une travailleuse sociale et non pas par un/e policier/ère ou détective.

L'histoire du roman est difficile et terriblement d'actualité. L'auteure s'est en effet inspirée de l'actualité indienne des dernières années qui a fait connaître au monde la condition des femmes en Inde et l'horrible problème des agressions et violences sexuelles dans le pays. Les viols collectifs et les agressions sexuelles en Inde sont de plus en plus médiatisés. Kishwar Desai rappelle d'ailleurs dans son roman, l'horrible drame de l'étudiante qui fut victime d'un viol collectif dans un autobus à New Delhi et qui ne survécut pas de ses horribles blessures. Son copain qui l'accompagnait fut également violemment battu. Ce drame avait soulevé l'Inde et le monde - mais malheureusement la situation continue d'être insoutenable pour les femmes en Inde et les viols sont monnaie courante. 

C'est sur ce drame, sur la condition des femmes en Inde, sur la corruption et le crime en Inde que l'auteur construit son roman. Elle s'inspire également du coté caché et troublant des plages de Goa et des nombreux crimes, meurtres et disparitions qui y ont lieu.

Simran Singh, est une travailleuse sociale qui vit à New Delhi avec sa fille adoptive Durga qui est maintenant une adolescente. Les deux sont en vacances sur les plages paradisiaques de Goa, la destination touristique à la mode. Mais alors que Simran essaie de se reposer sur la plage, elle reçoit sur son téléphone, une vidéo troublante envoyée par Amarjit, un policier - et ancien amant - qu'elle connaît depuis longtemps. On peut voir sur la vidéo, une jeune fille blonde, une touriste, qui semble se faire agresser par des Indiens. Simran décide de ne pas répondre à Amarjit mais celui-ci arrive bientôt à Goa pour tenter de la convaincre d'enquêter sur la disparition de la jeune anglaise que l'on voit dans la vidéo.

Simran est d'abord réticente, elle ne veut pas s'impliquer, ne veut gâcher ses vacances avec sa fille. Mais petit à petit, elle voit les gens et les événements sur la plage d'un autre oeil et elle devient de plus en plus inquiète. La plage prend une allure sombre et malsaine. Elle n'a pas le choix, elle renvoie sa fille à Delhi et commence à enquêter, par elle-même, sur la disparition de la jeune anglaise. Ce qu'elle découvre est un monde de violence et de corruption.

Le roman de Desai n'est pas une enquête typique et même s'il y a de nombreux rebondissements, il ne faut pas y chercher un roman de suspense. Et il n'y a pas non plus de fin clairement "heureuse". Nous aurons des réponses à nos questions, mais elles ne seront pas nécessairement satisfaisantes et les coupables ne seront pas non plus nécessairement punis.

Le roman est difficile mais il n'est pas uniquement sombre. Et on sent que l'auteure veut tout de même nous donner une vision optimiste de son pays. Bien que son roman dénonce les nombreuses injustices sociales, la corruption des classes dirigeantes et des forces de l'ordre, les violences faites aux femmes, etc., j'ai senti que l'auteure voulait nous montrer que l'inde ce n'était pas juste ça. Et bien qu'elle souligne vividement le côté malsain des plages touristiques, ses personnsages aiment Goa et elle nous présente l'histoire et les beauté de la région.

Le personnage principal du roman est une femme forte, qui se fout des conventions (à 40 ans, elle n'est pas mariée, elle fume, boit, ...) et qui veut changer le sort des femmes en Inde. Elle prend de nombreux risques et est fortement critiquée. C'est une voix puissante même si elle demeure profondément humaine et vulnérable. L'auteure a voulu montrer une femme indienne qui n'est pas une victime. C'est le troisième roman de Desai mettant en vedette Simran et même si on fait parfois allusion aux romans précédents, il ne m'a pas semblé nécessaire de les avoir lu pour comprendre le récit et les personnages. Cela m'a cependant terriblement donné envie de lire les deux premiers romans qui semblent, selon mes recherches, tout aussi difficiles et sombres.

L'écriture de Desai est solide et son histoire bien ficelée dans son ensemble. Il y a bien quelques longueurs et quelques rebondissements qui m'ont semblé un peu tirés par les cheveux. Mais ma lecture n'en a pas souffert. Personnellement, j'ai trouvé que le côté "policier" du roman était tout à fait secondaire. Ce sont les commentaires de l'auteure sur l'Inde qui étaient pour moi l'intérêt premier du roman. Et Kishwar Desai réussit à nous offrir un texte captivant et bien écrit qui nous plonge dans la société indienne sans devenir un discours pamphlétaire.

Les mots de l’auteur

« Difficile à dire s'il s'agissait d'un simple conflit entre deux cultures. Après tout, ces femmes pouvaient tout aussi bien se plaindre que les hommes qui "succombaient" à leurs charmes ne cherchaient qu'à coucher avec elles et à obtenir un passeport étranger.
Le problème se résumait-il au fait que cette Inde soi-disant en voie de modernisation ne savait pas comment traiter la question de la sexualité féminine et supposait que ces touristes, en raison de leur comportement naturellement amical et leurs tenues occidentales, étaient prêtes à s'offrir au premier venu ?
 »

« Je me demandais également si les gens éprouveraient un peu de compassion pour Lisa si elle avait été tuée. Ou bien son nom s’ajouterait-il simplement à la longue liste de jeunes filles mortes à Goa alors qu’elles étaient venues y chercher la belle vie » p.82

Pour en savoir un peu plus…

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23 mars 2016

Du domaine des murmures de Carole Martinez

DDMurmures1Du domaine des murmures : roman / Carole Martinez. — [Paris] : Gallimard, c2001. – 200 p. ; 21 cm. – ISBN 978-2-07-013149-5

Quatrième de couverture

En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire «oui» : elle veut faire respecter son vœu de s'offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe...
Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l'entraînera jusqu'en Terre sainte.
Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d'une sensualité prenante.

L’auteur

Carole Martinez est née en 1966 à Créhange (Alsace) en France. Elle va avoir plusieurs emplois – serveuse, ouvreuse, vendeuse, photographe, comédienne, metteur en scène, pigiste - avant de devenir enseignante de français dans un collège d’Issy-les-Moulineaux. Elle commence à écrire et publie son premier roman pour la jeunesse en 1998 et son premier roman pour adulte en 2007. Ses romans sont nommés et reçoivent de nombreux prix dont le Renaudot des lycéens et le Goncourt des lycéens. Elle vit aujourd’hui à Paris.

Son roman Du domaine des Murmures sera adapté pour le théâtre en 2015.

Bibliographie

  • Le cri du livre (1998)
  • Le cœur cousu (2007)
  • Du domaine des Murmures (2011)
  • L’œil du témoin (2011) (reprise du roman jeunesse Le cri du livre)
  • La terre qui penche (2015)

Mes commentaires (attention spoilers)

Voici un petit roman historique qui m'a replongée dans mon époque préférée. Et j'en avais bien besoin. J'aime beaucoup le moyen-âge mais il est très rare que je lise un roman contemporain se déroulant à cette époque et que je le trouve réussi (ouf... phrase boîteuse mais que je vais laisser ainsi). Je dis "petit roman", mais je ne voudrais pas qu'on sous-estime l'histoire. Le roman est court mais incroyablement intense.

Esclarmonde a quinze ans et ne veut pas se marier. Nous sommes en 1187 et peu d'options s'offre à une jeune femme qui ne veut pas devenir épouse et mère. Elle se tourne donc vers la religion. Le jour de son mariage, alors qu'elle doit dire "oui" à un homme qu'on lui impose, elle déclare qu'elle choisit Dieu. Elle demande devant toute l'assistance réunie pour son mariage  qu'on lui construise une cellule où elle sera emmurée pour toujours pour prier. Elle déclare donc préférer vivre l'isolement jusqu'à sa mort que de vivre avec un homme qu'elle n'a choisi. Son père est furieux, son fiancé anéanti, sa suivante dévouée et le peuple ébloui.

Mais alors qu'elle se prépare à être enfermée, elle est violée par un homme. Elle ne dit rien et rejoint sa cellule. Seule une petite fenêtre lui permet de communiquer avec le monde. Mais la solitude qu'elle désirait semble lui échapper. Non seulement, les gens la considèrent comme une sainte et s'empressent devant sa tour et sa fenêtre, espérant la voir ou lui parler mais l'agression dont elle fut victime l'a poursuivie dans sa cellule. Et lorsqu'elle accouche d'un petit garçon, elle devient une miraculée. Les gens viennent de partout pour un moment avec elle, son ancien fiancé ne peut vivre sans elle et même sa belle-mère vient chercher son conseil. Seul son père est inconsolable et ne veut pas la voir.

Religion, croisades, visions, inceste, maternité, le roman est dur et incroyablement réaliste. L'époque est très bien décrite et vivante sans être trop "historique". On ressent le désespoir d'Esclarmonde et sa passion pour la vie. Pour vivre sa vie comme elle l'entend, pour ne pas se marier, pour être plus près de Dieu, elle s'est fait emmurée. Et bien qu'elle était convaincue de sa décision, maintenant les doutes l'envahissent. La situation lui échappe, le monde extérieur ne la laisse pas tranquille, la maternité l'enflamme. Mais renoncer à son isolement n'est plus de son pouvoir.

On peut bien sûr aller au-delà de l'histoire et voir dans cet isolement, une métaphore sur notre propre isolement, sur les murs que nous construisons autour de nous. On peut également lire une analyse de la condition féminine, à cet époque et aujourd'hui. Mais j'ai parfois de la difficulté avec ce type d'analyse. Était-ce l'intention de l'auteur ? Peut-être que oui, problablement pas. Plusieurs ont analysé le texte sous ces angle, cela m'a effleuré aussi l'esprit.

Mais au final, j'ai préféré me laisser porter par le texte et par l'époque. 

Les mots de l’auteur

« Car ce château n’est pas seulement de pierres blanches entassées sagement les unes sur les autres, ni même de mots écrits quelque part en un livre, ou de feuilles volantes disséminées de-ci de-là comme graines, ce château n’Est pas de paroles déclamées sur le théâtre par un artiste qui userait de sa belle voix posée et de son corps entier comme d’un instructeur d’ivoire.

Non, ce lieu st tissé de murmures, de filets de voix entrelacées et si vieilles qu’il faut tendre l’oreille pour les percevoir. De mots jamais inscrits, mais noués les uns aux autres et qui s’étirent en un chuintement doux. » p. 14

« Christ était puissant dans l’esprit des femmes de mon temps. Christ seul pouvait tenir les hommes en échec et leur arracher une vierge. Il semblait alors aux familles qu’elles concluaient avec le ciel une alliance nouvelle en cédant à Dieu une enfant qui prierait pour eux depuis le sommet des cieux ou la cellule d’un cloître. » p. 24

« Le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux. Vous avez coupé les voies, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l’oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n’imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi. » p.(?)

Pour en savoir un peu plus…

18 mars 2016

Quelque part avant l'enfer de Niko Tackian

enfer1Quelque part avant l’enfer / Niko Tackian. –[Paris] : Scrineo, c2015.—xx cm ; 317 p. –ISBN 978-2-3674-0204-8

Quatrième de couverture

Anna est miraculée. Après un accident et deux semaines de coma, elle est toujours en vie. Est-ce la promesse d'un nouveau départ ? Une chance avec son fils et son mari de tout recommencer ?

Mais de l'autre côté, l'espace d'une infime seconde, alors que sa vie était suspendue à un fil, elle a vu le tunnel, une lumière noire, et un homme lui promettant de la tuer...

Il la poursuit encore.

Pourquoi l'a-t-il choisie comme témoin de ses crimes ? Parfois, il vaut mieux ne pas revenir...

Un thriller psychologique haletant qui traite avec brio le thème de la mort imminente.

L’auteur

Nicolas  Tackian est né en 1973 à Paris en France. Il fait des études en Droit puis en Histoire de l’art. Connu sous le nom de Niko Tackian, il est scénariste et réalisateur,  principalement pour la télévision. Il a aussi été journaliste et rédacteur en chef pour différents magazines. On le connaît également enfer2comme auteur de bandes dessinées, notamment pour L’Anatomiste publié en 2005. Il publie son premier roman, Quelque part avant l’enfer, en 2015.

Page Facebook de l’auteur

Bibliographie partielle

  • Quelque part avant l’enfer (2015)
  • La nuit n’est jamais complète (2016)

Bibliographie et filmographie sur Wikipedia

Mes commentaires

Et un autre suspense qui m'a donné l'impression de voir un film. Il faut dire que l'auteur est encore une fois scénariste et réalisateur. Et de plus, il a écrit des BD. Il sait donc offrir un rythme soutenu à son texte et nous propose des images fortes. L'histoire est rapide, les chapitres courts et le texte est dense. La thématique est intéressante et il est rare qu'on nous parle de mort imminente dans ces termes. Le roman semble osciller entre le fantastique, le roman policier, le suspense et le thriller psychologique.

Anna est une jeune mère de famille qui vit des moments difficiles dans son couple. Après un accident de voiture, elle vit une expérience de mort imminente (EMI). Mais contrairement aux récits des gens ayant vécu une expérience similaire, Anna ne ressent aucune paix et ne voit pas de lumière blanche. Son expérience est noire, désagréable, malsaine. Et elle ne voit pas d'anges bienveillants ou des membres de sa famille qui l'accueillent, elle voit plutôt un homme effrayant qui la menace et lui promet de la retrouver et de la tuer.

Elle survit à son accident mais quand elle sort du coma Anna est dévastée par son expérience. Elle revit sans cesse ces moments de mort imminente. Elle se sent menacée, elle est convaincue d'avoir été témoin d'un meurtre et a peur pour sa vie. Sa famille veut l'aider mais elle semble sombrer petit à petit dans la folie et la paranoïa. Anna tente de comprendre ce qui lui arrive et ce qui lui est arrivé lors de son EMI. Alors qu'elle tente de trouver des réponses avec l'aide d'un professeur qui fait des recherches sur les EMI, des meurtres sont commis et Anna est convaincue que le meurtrier est celui de qui la poursuit dans ses rêves. Lorsque son fils semble menacé, Anna fera tout en son pouvoir pour le sauver.

Roman fascinant et très intense. Et dont la fin m'a complètement surprise. Anna est un personnage complexe, troublé, traumatisé par une expérience incroyable et qui se bat contre des démons... des démons réels et imaginés. Les personnages secondaires sont très intéressants également. Je n'ai pas parlé beaucoup de l'enquête sur les meurtres en série mais cet aspect est également très bien mené.

Mais l'intérêt de l'histoire réside vraiment dans le combat d'Anna pour comprendre ce qui lui arrive. Et nous cherchons avec elle un sens à toute cette histoire. J'ai particulièrement aimé l'aspect sombre de l'expérience de mort imminente contrairement à ce qu'on entend habituellement. L'auteur semble être bien documenté et son texte est solide.

J'ai beaucoup aimé l'atmosphère du roman. J'ai bien noté quelques petites invraisemblances et j'aurais aimé quelques petits indices tout au long du roman pour comprendre un peu mieux la fin. Mais en général, le roman est très bien construit et vivant. Un petit mot sur la structure du texte. Le roman a 317 pages et environ 70 chapitres qui sont donc très brefs. Cela donne un rythme intense au roman qui me semble essentiel à l'histoire - et qui rejoint le côté "film" et "case de bande dessinée". Mais en même temps, j'ai été un peu essouflée et le fait de changer contamment de chapitre m'a étourdie. Mais je le répète c'est un roman intense et solide.

Les mots de l’auteur

 « Elle décida d’avancer dans une direction, le nord, et s’aperçut qu’elle n’avait pas de chaussures. Étrangement ses pieds ne la faisaient pas souffrir, comme si le tapis de neige n’était pas réellement là. Elle fit quelque pas en avant jusqu’à atteindre le tronc d’un immense chêne. L’arbre se dressait vers le ciel et ses branches transformées en piques de glace pointaient dans toutes les directions comme les bras d’une étoile. En fixant le tronc, elle aperçut un symbole gravé profondément dans l’écorce : une spirale. » p.44

Pour en savoir un peu plus…

14 mars 2016

Le cri du cerf de Johanne Seymour

cerf2Le cri du cerf / Johanne Seymour. – Montréal : Libre Expression, c2005 – 331 p. ; 22 cm. – ISBN 2-7648-0180-7

Quatrième de couverture

Un matin brumeux d'octobre, Kate plonge dans les eaux glacées de son lac près du paisible village de Perkins, dans les Cantons-de-l'Est, et trouve, flottant à la dérive, le cadavre d'une fillette. Plus tard, une seconde victime confirmera la présence d'un tueur en série dans les environs.

Qualifiée par ses pairs d'asociale et de vindicative, le sergent Kate McDougall devra mener l'enquête la plus difficile de sa carrière. Pour démasquer la Bête, elle aura à affronter ses démons et à remonter le fil douloureux de son passé.

Une démarche qui l'entraînera au cœur d'un cauchemar et qui menacera de briser le fragile équilibre sur lequel elle a bâti sa vie. Une vie marquée par le cri du cerf.

L’auteur

Johanne Seymour est née à Montréal. Elle étudie d’abord en théâtre à l’Université du Québec à Montréal puis en réalisation à l'Institutcerf1 national de l'image et du son également à Montréal. Elle étudie également à l’Université de New-York en vidéo. Elle est d’abord comédienne et elle joue principalement au théâtre. On peut la voir également à la télévision et dans quelques films.

Dans les années 90, elle laisse de côté sa carrière d’actrice pour devenir metteure en scène, réalisatrice et scénariste. Son court métrage La dernière pomme remporte le Prix du meilleur court métrage au Festival de Tunis en 2000.

Elle écrit son premier roman, Le cri du cerf, en 2004. Elle se consacre depuis principalement à l’écriture. Elle vit aujourd’hui dans les Cantons-de-l’Est.

Site web de l’auteure, sa page Facebook et son compte Twitter.

Bibliographie

  • Le cri du cerf (2005)
  • Le cercle des pénitents (2007)
  • Le défilé des mirages (2008)
  • Vanité (2010)
  • Eaux fortes (2012)
  • Wildwood (2014)

Mes commentaires

Classique ! Voici un excellent roman policier qui suit les "règles" classiques du genre : un crime, un policier, une enquête. Bon, évidemment, l'auteur ne suit pas à la lettre les fameuses 20 règles du roman policier de S.S. Van Dine publiées en 1928. Mais disons que cela faisait longtemps que je n'avais lu un roman policier aussi "classique". Et je dois avouer que cela fait changement !

Kate McDougall travaillait pour la Sûreté du Québec au quartier général, mais des guerres intestines, un caractère difficile et sa tendance à n'en faire qu'à sa tête l'ont obligée à accepter une démotion. Elle travaille maintenant dans un petit poste de campagne dans les Cantons-de-l'Est.

Le cadavre d'une petite fille qu'elle découvre dans le lac devant chez elle la projette dans une enquête sur ce qui semble être des meurtres en série. Cette enquête va ramener dans sa vie des gens de son passé, des souvenirs qu'elle voudrait oublier et la place même momentanément dans le rang des suspects. Rapidement elle se rend cependant compte que le meurtrier s'adresse à elle. Elle devra donc affronter son passé et ses propres démons si elle veut mettre un terme à ces meurtres.

Johanne Seymour nous offre ici un excellent roman avec une intrigue solide et une action soutenue. L'auteure nous amène petit à petit à comprendre l'intrigue - ce qui suit une des fameuses règles. Les personnages sont très intéressants, principalement Kate. Je me serais cependant passée de l'histoire "d'amour" - ce qui contrevient aux mêmes règles ! Mais en général, les personnages, même secondaires, sont bien développés. 

J'ai beaucoup aimé le roman de Seymour et je me suis attachée au personnage principal. Et ce qui est rare pour moi, j'ai envie de la retrouver dans les autres romans de l'auteure.

Le roman n'est pas sans défaut - quelques clichés ça et là. Et j'ai eu de la difficulté avec le fait d'appeler le meurtrier "La Bête" tout le long du roman, même une fois qu'on a appris son véritable nom. L'identifier comme "une bête" me semble réducteur et très cliché. Mais je ne m'attarderai pas sur les quelques faiblesses car le roman n'en souffre pas.

J'ai eu une très belle lecture et j'ai très hâte de le voir à la télévision. En effet, le roman a été adapté pour la télé sous le titre Séquelles avec Céline Bonnier dans le rôle de Kate. La minisérie qui aura 6 épisodes devrait être diffusée en avril 2016.

Les mots de l’auteur

« Chaque brasse la propulse encore plus profondément dans les ténèbres. Elle rêve d’être poisson comme d’autres rêvent de voler. Son corps s’exalte à chaque poussée. Dans cette matrice froide et noire, elle meurt et renaît. Elle voudrait ne jamais ressortir, prolonger sans fin ce moment, mais ses poumons la rappellent vite à l’ordre ; elle n’est qu’humide. Avec regret, Kate remonte à la surface. » p.12

« Kate sait qu’elle devrait parler, mais c’est au-dessus de ses forces. Si je ressuscite mon passé, je n’y survivrai pas une seconde fois, songe-t-elle avec désespoir. Et même si, tout au fond, elle devrait sentir que c’est faux, le monstre aveuglant de son passé l’oblige à n’envisager qu’une seule solution. Trouver le coupable elle-même. » p.247

Pour en savoir un peu plus

10 mars 2016

Celui dont le nom n'est plus de René Manzor

Celui1Celui dont le nom n’est plus : roman / René Manzor. -- [Paris] : Kero, [2014]. – 390 p. ; 24 cm. – ISBN 978-2-36658-112-6

Quatrième de couverture

Londres, au petit matin. Sur une table de cuisine, gît un homme vidé de ses organes. L’assassin est une vieille dame à la vie exemplaire. Pourquoi cette femme a-t-elle sacrifié l’homme qu’elle a élevé comme un fils ?

Elle est incarcérée. Pourtant, le lendemain, un autre homme est tué de façon similaire. Par la personne qui l’aimait le plus au monde. À chaque fois, les tueurs, qui ne se connaissent pas, laissent derrière eux la même épitaphe écrite dans le sang de leur victime : Puissent ces sacrifices apaiser l’âme de Celui dont le Nom n’est plus…

Trois destins vont se lier autour de ces meurtres incompréhensibles : ceux de McKenna, vétéran de Scotland Yard, de Dahlia Rhymes, criminologue américaine et de Nils Blake, l’avocat de ces coupables qui ressemblent tant à des victimes.

L’auteurCelui02

René Manzor, de son vrai nom René Lalanne, est né en 1959 à Mont-de-Marsan en France. Son père est Français et sa mère Uruguayenne. Il est surtout connu comme scénariste et réalisateur. Son premier court métrage, Synapses, paraît en 1981 et il réalise son premier long métrage, Le passage, en 1986. Sa filmographie comporte des courts et longs métrages. Il travaille également pour la télévision américaine et française. Il réalise aussi des clips.  En 2012, il publie son premier roman, Les âmes rivales. Son deuxième roman, Celui dont le nom n'est plus, en 2014.

Site web de l'auteur, et sa page Facebook.

Mes commentaires

Disons-le immédiatement le roman de René Manzor est extrêmement efficace. L'auteur est réalisateur et scénariste et on le sens aisément dans le texte. Le roman m'a rappelé mes lectures de Donato Carrisi (surtout Le chuchoteur). Le rythme est rapide, le suspense omniprésent, et on visualise facilement le roman sur un écran et même une certaine partie de l'intrigue est semblable. Sur ce dernier point, cependant je dois avouer que j'ai été surprise par les similitudes entre les deux romans. Il y en a beaucoup, et on peut se questionner sur certains choix et influences de l'auteur.

La quatrième de couverture résume assez bien l'histoire. Des meurtres horribles sont commis un après l'autre. Chaque fois, la victime a été tuée et éviscérée par un proche, quelqu'un qui l'aimait véritablement. Et à chaque fois, la scène du crime a été préparée selon les rites funéraires de la religion de la victime. Les meurtriers ne nient pas leur crime, mais sont complètement dévastés par leur acte et n'en ont aucun souvenir. Finalement, un phrase laissée sur les lieux  mentionnant que le meurtre est commis dans l'espoir d'apaiser "Celui dont le nom n'est plus" laisse supposer que les crimes sont ritualistiques. Les meurtriers cependant ne se connaissent pas et rien ne semble les lier.

L'inspecteur McKenna de Scotland Yard et la criminologue américaine du FBI Dahlia Rhymes enquêtent ensemble pour comprendre ces crimes et les liens qui les unissent. L'avocat des meurtriers, Nils Blake, vient s'ajouter aux personnages principaux.

Les trois personnages sont bien développés et très intéressants. Les liens se tissent petits à petits et les blessures de chacun apparaissent tranquillement et je dois avouer avoir été surprises à quelques reprises. La tension est constante et l'intrigue très bien ficelée. Au-delà de l'intrigue policière, comme beaucoup de lecteurs, j'ai aussi senti un commentaire sur l'acceptation de la mort et sur la manipulation. L'auteur sait comment mener son histoire et nous captiver jusqu'à la fin. J'ai particulièrement trouvé intéressant le fait que l'auteur n'attend pas la fin pour nous dévoiler les liens entre les meurtres. On nous donne même le coupable et sa méthode. Le roman ne perd cependant jamais de son intérêt et on poursuit avidement la lecture. Car on veut connaître aussi les motivations. Et l'action ne cesse jamais. On sent un film, une série télévisée et je serais curieuse de voir quelque chose de lui. 

Les mots de l’auteur

« Tu me fais du mal, p’pa ! murmura-t-il entre ses dents. Tu me fais du mal. Et ça nous en fait à nous.

Ces paroles eurent un effet immédiat sur le détective qui arrêta de se débattre. Il resta ainsi, les bras ballants, appuyé contre son fils. La colère avait fait place aux sanglots.

Alors l’adolescent se met à le bercer tendrement. McKenna finit par accepter son étreinte. Il enlaça son fils à son tour et tout deux restèrent ainsi un long moment, accroché l’un à l’autre. » p. 225

Pour en savoir un peu plus

24 février 2016

Le parfum de la tubéreuse d'Élise Turcotte

Tubereuse01Le parfum de la tubéreuse / Élise Turcotte. – Québec (Québec) : Alto, [2015]. – 114 p. ; 21 cm. – ISBN 978-2-89694-228-2

Quatrième de couverture

Professeure de littérature dans un collège de Montréal, Irène retourne enseigner après un long congé de maladie. Le désir de faire voir à ses étudiants le pouvoir de résistance qu’exerce la poésie est toujours là. Et ni un contexte politique assez sombre, ni Théa, sa perfide alliée, ni même la mort n’arrivent à l’éteindre. C’est qu’à l’horizon le printemps rougit, et bientôt l’engagement d’Irène dans la révolte grandissante la forcera à renoncer à son travail.  Mais ce n’est pas fini pour elle, car la voici ensuite obligée de donner ses leçons devant une bien étrange assemblée.

Avec cette fable où les sucs vénéneux se mêlent aux parfums les plus enivrants, Élise Turcotte signe un envoûtant plaidoyer pour la littérature qui est une arme contre le vacarme des lâches.

L’auteur

Élise Turcotte est née en 1957 à Sorel au Québec. Elle étudie à l'Université du Québec à Montréal en études littéraires et elle obtient sa maîtrise en 1984. Elle poursuit ensuite ses études en création littéraire à l'Université de Sherbrooke et obtient son doctorat en 1991.

Elle commence à écrire et publie son premier texte en 1980. Elle commence à enseigner la littérature au Cégep du Vieux-Montréal en 1986. Elle reçoit de nombreux prix dont deux fois le Prix Emile-Nelligan. Son roman La maison étrangère, publié en 2002, recevra le Prix du Gouverneur Général. En plus d'écrire de la poésie, des nouvelles et des romans pour adultes, elle écrit aussi pour la jeunesse.

Bibliographie

  • Tubereuse02La mer à boire (1980)
  • Dans le delta de la nuit (poésie) (1982)
  • Navires de guerre (poésie) (1984)
  • La catastrophe (poésie) (avec Louise Desjardins) (1985)
  • La voix de Carla (poésie) (1987)
  • Le bruit des choses vivantes (1991)
  • Caravane (nouvelles) (1994)
  • L’île de la Merci (1997)
  • Les cahiers d’Annette (roman jeunessse) (1998)
  • La leçon d’Annette (roman jeunessse) (1999)
  • Annette et le vol de nuit (roman jeunessse) (2000)
  • La maison étrangère (2002)
  • Sombre ménagerie (poésie) (2002)
  • Voyages autour de mon lit (poésie jeunessse) (2002)
  • La terre est ici (poésie) (2003)
  • Piano mélancolique (poésie) (2005)
  • Le meilleur ennemi d’Annette (roman jeunessse) (2006)
  • Pourquoi faire une maison avec ses morts (2007)
  • Rose, derrière le rideau de la folie (poésie jeunessse) (2009)
  • Ce qu’elle voit (poésie) (2010)
  • Guyana (2011)
  • Autobiographie de l’esprit (2013)
  • Le parfum de la tubéreuse (2015)

Mes commentaires

Mais quelle couverture ! Non ? Lorsque j'ai vu le livre pour la première fois, j'ai été complètement séduite par cette couverture. Puis le titre m'a charmée. Et puis la quatrième de couverture a achevé de me convaincre. Je devais lire le livre. Et je n'ai pas été déçu ! Oh quel charmant et envoûtant livre. Quel livre étrange et déroutant aussi.

J'ai vraiment beaucoup aimé, mais je peux comprendre qu'on ait pu être surpris par le texte. Si on lit rapidement la quatrième de couverture et qu'on passe à côté du mot "mort" et "d'étrange assemblée", on peut s'attendre à un texte plus traditionnel. Mais Élise Turcotte nous offre ici un roman poétique et lyrique. Et pas nécessairement facile à lire. C'est à la limite un peu "littératuré" et certains le trouveront peut-être un peu verbeux, mais personnellement, une fois les premières pages lues et acceptées, j'étais conquise. Je n'aurais pas voulu d'un autre texte.

C'est d'abord un roman sur la littérature, sur l'enseignement et sur la poésie dans nos vies. Mais c'est aussi un roman revendicateur, un cri de colère contre le système qui empêche l'enseignement, la littérature et la poésie.

Le roman nous permet de rencontrer Irène qui enseigne la littérature française. Nous la suivons dans sa vie et dans sa mort. Et le roman fait ainsi des allers-retours entre la vie d'Irène, passionnée par son métier et par l'enseignement et sa mort, alors qu'elle se voit condamnée à continuer d'enseigner dans un univers inquiétant.

Après être revenue d'un congé de maladie, Irène veut se consacrer à l'enseignement de la littérature. Elle fait la rencontre d'une autre professeure, Théa, qui va bientôt envahir sa vie. Mais Irène est avant tout une amoureuse de la littérature et de l'enseignement. Alors que les étudiants se dirigent vers un printemps rouge de revendications et de contestations, Irène les supporte et par la littérature, la poésie et par ses gestes les accompagne dans la rue. Elle en paiera le prix. Elle doit quitter l'enseignement. Et elle meurt.

Et dans cette mort, dans un lieu qui semble être un purgatoire, Irène doit continuer à enseigner. Elle doit faire découvrir la beauté des mots à une classe d'étudiants étranges vraisemblablement morts eux aussi. Et elle n'a pour toute aide qu'un seul livre, Dialogues en paradis de l'auteure Can Xue, qu'elle a pu étrangement amener avec elle dans la mort. Elle semble d'abord perdue, mais une étudiante, le livre de Can Xue, un chat noir et les parfums lui permettront de se libérer. Même le retour de son amie toxique Théa ne peut l'empêcher de vivre une mort heureuse dans la poésie et la littérature.

Le roman est court et ne nous donne que l'essentiel. Et cette fabuleuse métaphore sur l'enseignement m'a littéralement ensorcelée. Liberté d'expression, liberté de s'opposer, de désobéir... littérature, poésie, parfums... amour des mots, amour des idées... tous mes sens ont été sollicités. Même la relation avec l'amie vénéneuse m'a troublée car elle m'a rappelé une certaine personne que j'ai pu heureusement rayée de ma vie. Et oui, les relations d'amitié peuvent être empoisonnées.

L'auteur balance entre le réel et l'imaginaire. Entre le possible et l'inconnu. Élise Turcotte a voulu nous raconter une histoire, son histoire, sa révolte et sa passion. Enfin, je crois. Elle a choisi de se perdre dans la fable et c'est très bien ainsi.

Finalement, il y a juste un petit détail qui me chipote. Je sais que la couverture est une oeuvreTubereuse0 de l'artiste argentin Júan Gatti qui fait partie de sa série Ciencias naturales (Sciences naturelles), et je sais que c'est sans importance... et je le répète l'oeuvre est tout simplement magnifique.... mais ça m'achale que ce soit des gloires du matin et non pas des tubéreuses... bon, je l'ai dit... et on oublie ça ! Car j'adore la couverture !

Les mots de l’auteur

"Quand je lis avec assez de patience, les mots déposent un nouveau parfum sur ma peau. Peu de livres le font ; transformer le boisé en chypré, le floral en hespéridé. Mais j'en ai connu." p. 7

"Je me réveille à l'aube dans l'encre d'un rêve. La respiration de tous les élèves s'est unifiée et c'est cette masse orchestrale qui m'a secouée. Je suis envahie." p. 51

"Les livres que vous allez lire ne sont pas tellement drôles, ils sont durs comme des pierres précieuses, et c'est pourquoi je les aime !" p. 80

"Certains ont ouvert une main, espérant attraper mon souvenir, mais dans le parfum, la fleur elle-même reste invisible, seule le récit peut se transmettre." p.80

Pour en savoir un peu plus

Vous pouvez également lire un excellent article de Mario Cloutier sur le roman dans La Presse+, mais je suis incapable d'insérer le lien ici.

 

20 février 2016

Cocorico de Pan Bouyoucas

coco1Cocorico : roman / Pan Bouyoucas. – Montréal : XYZ, c2011. – 139 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-89261-649-1

Quatrième de couverture

Pourquoi le coq chante-t-il chaque matin? Cette question toute simple obsède Léo Basilius, un écrivain canadien venu chercher l’inspiration dans l’île grecque de Nysa. À soixante ans, il veut délaisser le polar, qui l’a rendu célèbre, pour écrire le chef-d’œuvre qui lui conférera l’immortalité. Mais tous veulent le ramener au roman policier: des voisins, qui lui racontent leur vie en espérant qu’elle devienne le sujet de son prochain livre, sa femme, qui ne comprend pas pourquoi il s’entête à délaisser un genre dans lequel il excelle et surtout Vass Levonian, le sergent-détective vedette de ses romans qui le supplie de le sortir du coma où il l’a plongé à la fin du dernier polar et de lui faire résoudre un meurtre ou deux. Mais Leo Basilius fait fi de leurs discours. Le jour où une fillette lui pose une question sur la finalité du chant du coq, il croit avoir enfin trouvé l’élément déclencheur de son futur chef d’œuvre.

L’auteur

Pan Bouyoucas, bien que d'origine grecque, est né à Beyrouth au Liban en 1946. Il arrive à Montréal en 1963. Il fait des études en architecture et ensuite en cinéma à l'Université Concordia. Il est d'abord journaliste et critique. Il travaillera aussi comme traducteur. Il commence rapidement à écrire divers textes : textes pour la radio, pièces de théâtre, nouvelles et romans. Il habite aujourd'hui Montréal.

Bibliographie

  • Le Dernier Souffle (1975)coco2
  • Une bataille d'Amérique (1976)
  • Le pourboire (1983)
  • Trois flics sur un toit (1990)
  • Le cerf-volant (1992)
  • Lionel (1994)
  • Nocturne (1995)
  • L'humoriste et l’assassin (1996)
  • La Vengeance d'un père (1997)
  • Hypatie (1997)
  • L'autre (2001)
  • Thésée et le Minotaure (2003)
  • Anna Pourquoi (2004)
  • L’homme qui voulait boire la mer (2005)
  • Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme (2010)
  • Cocorico (2011)
  • Le Tatouage (2012)
  • Ari et la reine de l'orge (2014)
  • Le mauvais œil (2015)

Mes commentaires

Petit roman sympathique, nous avons ici une petite fable sur le processus de la création et sur les difficultés d'écrire.

Leo Basilius est un auteur de romans policiers à succès. À la surprise de tous, dans son dernier roman il décide de plonger son personnage principal, le policier Vass Levoninan, dans un coma. C'est qu'il a décidé que c'était son dernier roman policier. Nous avons ici un écrivain en grande crise existentielle. Car tout va bien dans sa vie, il est marié depuis des années avec une femme et ils s'aiment encore, il a des enfants maintenant adultes, pas parfaits mais très bien, il a de l'argent et un succès mondial. Mais il n'en peut plus d'écrire sur la mort, la destruction, l'horreur. Il veut écrire sur la beauté du monde. Et surtout il veut être reconnu comme un grand auteur.

Mais il se sent incapable d'écrire dans son environnement habituel. Il décide donc de partir avec sa femme pour une île grecque, Nysa, où il avait passé un temps dans sa jeunesse et où il avait écrit ses premiers textes, des poèmes et des nouvelles, très loin du monde du roman policier. Il a le souvenir d'un paradis hors du temps où la vie simple et les habitants de l'île, particulièrement une belle jeune femme, l'avaient tant inspiré.

Mais rien ne se passe comme il le voudrait. L'île et ses habitants ont changé, se sont modernisés et l'inspiration ne vient pas. Tout le monde essaie de le ramener vers l'écriture d'un nouveau roman policier : les habitants qui lui racontent des histoires pour l'inspirer, sa femme et même son personnage principal, Vass Levoninan, qui accepte mal d'être plonger dans le coma. L'auteur est littéralement hanté par Levoninan. Il l'entend qui lui parle sans arrêt et finit par converser avec lui.

Et puis, un jour, la question innocente d'un enfant, le lance dans un questionnement qui vire rapidement à l'obsession : pourquoi le coq chante-t-il au lever du jour ? Certain que la réponse lui permettra de retrouver l'inspiration, Léo passe son temps dans les poulaillers à observer les poules et les coqs.

Évidemment, une recherche rapide dans un livre ou sur Internet aurait répondu à sa question. Mais il se lance dans une recherche de sens qui semble sans fin et qui le mène nulle part. Il s'isole de plus en plus et sa femme retourne à la maison le laissant seul avec ses pensées et ses discussions avec son détective dans le coma. Il finira par trouver sa réponse - qui n'est pas la bonne, soi-dit en passant.

C'est un roman qui se lit très rapidement. Bref et concis, avec de très courts chapitres. C'est l'histoire d'un homme finalement très égoïste et centré sur lui-même qui se laisse subjuguer par son obsession pour son travail de création. C'est évidemment une réflexion de Bouyoucas sur l'écriture, sur le travail de l'écrivain. Mais nous aurions pu remplacer l'écriture par tout autre obsession. Un travail ou une passion qui devient une obsession n'est jamais bon, finit par tout envahir et par isoler ceux qu'elle possède.

Je n'ai pas aimé Leo Basilius, l'auteur. C'est pour moi quelqu'un de très égoïste, ses tourments et son introspection d'homme d'âge mûr m'ont laissé de glace et il m'était très antipathique. Je n'ai pas non plus aimé Vass Levoninan, le personnage. Bien que j'ai eu de la compassion pour ce dernier. Quels horreurs son auteur lui a-t-il fait vivre ! Combien d'êtres fictifs aimeraient dire à leur auteur leur façon de penser sur ce qu'ils subissent à cause d'eux ?

Mais j'ai beaucoup aimé le roman ! L'écriture de Pan Bouyoucas est très vive, rapide. En peu de mot, nous saisissons les émotions et doutes des personnages. En quelques pages nous explorons les difficultés que peuvent vivre les écrivains ou tout créateur. On explore également les liens, autant l'amour que les ressentiments, entre le créateur et ses créations. Évidemment on nous parle aussi de vieillissement, d'amour, de nostalgie, de souvenirs, de modernité, de peur face aux changements et de peur face à l'immobilisme. 

Les mots de l’auteur

"Il voulait parler désormais de la beauté du monde et de sa lumière, montrer que lHumain n'a pas que des instincts mauvais, que sa tendance à créer est plus forte que ses funestre impulsions à haîr, tuer, violer, détruire et voler.

Le plus difficile restait à accomplir : comment exprimer cela sans tomber dans le sentimentalisme et la prédication ? Et surtout, sans servir du réchauffé [...]" p. 32

"Pourquoi tu m'as pas fait mourir à la fin de Lumières perdues ? dit-il à son créateur. Tes polars sont d'une logique implacable. De la première à la dermière page, pas un mot n'est arbitraire ou superflu, chaque geste et chaque réplique est mûrement réfléchi. Alors, dis-moi : si t'étais résolu à abandonner le polar à tout jamais, pourquoi tu m'as pas fat mourir à la fin de Lumières perdues ?" p. 71

Pour en savoir un peu plus…

16 février 2016

L’appel du mal de Lisa Unger

AppelMal2L’appel du mal / Lisa Unger ; traduit de l’anglais (États-Unis) par Delphine Santos. – Paris : Éditions du Toucan ; 2014. – 413 p. ; 23 cm. – ISBN 978-2-81000-601-4

Quatrième de couverture

Lana Granger est étudiante en psychologie à l’université des Hollows, une petite ville tranquille de l’état de New York. Pour financer ses études mais aussi pour mettre ses connaissances en pratique, elle prend un emploi de baby-sitter auprès de Luke, un jeune garçon à l’esprit perturbé et au comportement étrange. Déjà renvoyé de plusieurs écoles, le jeune adolescent se révèle manipulateur et cruel, prêt à toutes les manœuvres, à tous les mensonges pour contrôler ses semblables.

Un soir, la meilleure amie de Lana disparaît brutalement du foyer universitaire. Les policiers entendent tous les étudiants et arrivent à la conclusion que l’alibi de Lana ne tient pas. Ils savent qu’elle ment. Et ils savent aussi que quelqu’un d’autre connaît ses mensonges…

En matière de dissimulation et de perversité, Luke aurait-il finalement rencontré plus fort que lui ?

L’auteur

Lisa Miscione est née en 1970 à New Haven au Connecticut aux États-Unis. Sa famille vivra aux Pays-Bas puis en Angleterre avant de revenir aux États-Unis et de s'installer au New Jersey. Elle fait ses études à l'Université New School for Social Research. Elle débute sa carrière dans le monde de l'édition à New York. Elle publie son premier roman en 2002. Ses quatre premiers romans sont publiés sous le nom de Lisa Miscione. Elle prendra par la suite le nom de son mari, JeffAppelMal1 Unger. Ses premiers romans sont réédités sous ce nom.

Elle vit présentement en Floride avec sa famille.

Bibliographie 

  • Angel Fire (2002)
  • The Darkness Gathers (2003)
  • Twice (2004)
  • Smoke (2005)
  • Beautiful Lies (2006)
  • Sliver of Thruth (2007)
  • Black Out (2008)
  • Die for You (2009)
  • Fragile (2010)
  • Darkness, My Old Friend (2011)
  • Heartbroken (2012)
  • In the Blood (L'appel du mal) (2014)
  • The Whispers (2014)
  • The Burning Girl (2014)
  • The Three Sisters (2015)
  • Crazy Love You (2015)
  • Ink and Bone (2016)

Site web de l'auteur, sa page Facebook et son compte Twitter.

Mes commentaires

Quelle belle lecture ! En plein ce dont j'avais besoin. Un bon suspense psychologique qui a su me surprendre. Une intrigue bien menée qui en dévoile juste assez au fil des pages.  Je croyais avoir tout deviné dès le début, mais j'ai été bien surprise des revirements. On finit par comprendre mais au gré des indices dissimés dans le texte. Lisa Unger nous offre un texte serré et intense. Elle dose le suspense parfaitement et elle nous fait découvrir ses personnages tranquillement. Et on arrive à la fin en disant "mais bien sûr j'aurais dû le comprendre". Évidemment, il y a certaines coïncidences un peu trop faciles mais rien de trop "trop".

Le roman débute par un meurtre troublant. Une petite fille, Lana Granger, est le témoin du meurtre de sa mère par son père. Celui-ci sera d'ailleurs arrêté et sera condamné à la peine de mort. Lana ira vivre avec la soeur de sa mère et refuse tout lien avec son père.

Nous retrouvons donc Lana alors qu'elle étudie la psychologie dans une petite université dans la ville des Hollows. C'est une fille un peu étrange qui a peu d'amis. Sur les conseils d'un de ses professeurs qui est un peu son mentor, elle prend un travail de gardiennage pour un garçon de 11 ans, Luke. Celui-ci vit avec sa mère et va dans un institut spécialisé pour enfants troublés. Malgré le fait que Luke soit violent et que sa propre mère semble en avoir peur, Lana décide de rester et d'aider cette famille. Luke, lui rappelle sa propre enfance perturbée et elle semble développer un lien avec Luke. Elle accepte de jouer à un jeu avec lui ; une sorte chasse au trésor. Rapidement cependant, le jeu devient malsain et semble avoir un lien direct avec le passé de Lana. Alors qu'elle se questionne sur les motivations de Luke, sa seule amie, Rebecca, disparaît mystérieusement du campus. Sa relation avec Rebecca a toujours été tumultueuse et avant sa disparition, plusieurs ont été témoins d'une dispute entre les deux amies. La police commence à se questionner sur Lana, surtout qu'il y a près d'un an, une autre fille a été trouvée morte sur le campus et qu'à ce moment, Lana avait été une des dernières personnes à la voir. Lana se sent menacer de toute part et a peur de voir son passé et ses secrets révélés.

Le roman de Lisa Unger m'a vraiment tenu jusqu'à la dernière page. Et l'écriture de Unger est impeccable. L'histoire est racontée selon le point de vue de Lana et nous alternons entre son présent et son passé. Nous suivons ses pensées et ses émotions. Elle n'est pas des plus sympatiques, mais j'ai fini par apprendre à la connaître et m'attacher à elle. Même si elle n'est finalement pas celle que je croyais ! Le texte bascule parfois sur les pages d'un journal intime d'un mère complètement dépassée par la maternité et surtout par son enfant. Le lien entre les deux histoires semble tout d'abord évident, mais ici aussi l'auteur nous réserve des surprises.

Le personnage de Lana est fascinant et déroutant. Mais les personnages secondaires sont aussi très intéressants. Spécialement Luke, enfant perturbé, violent, dérangeant. On parle peu des enfants violents qui sont naturellement méchant, mauvais. Devient-on psychopathe ou nait-on ainsi ?

Le rythme du roman est soutenu et le suspense constant. Mais c'est véritablement l'aspect psychologique du roman qui m'a tenue en haleine et m'a fait dévoré le livre en quelques jours. Je l'aurais bien terminé en une seule soirée si je l'avais pu !  

Les mots de l’auteur

« La proie se rend-elle complice de sa mort ? N’est-on pas séduit’ d’une certaine façon, par la beauté, la grâce, voire l’âme dangereuse du prédateur ? Ne voit-on pas dans ses yeux quelque chose qui titille notre curiosité, qui nous attire, qui va même jusqu’à nous hypnotiser ? Oui, je crois qu’on se laisse sciemment tenter par le danger. Quand on e tient au bord d’un précipice  et qu’on baisse le regard au sol, qui parmi nous n’a jamais imaginé basculer volontairement et faire la chute mortelle qui nous attendrait ? On ne ressent pas uniquement de la terreur à cette pensée, mais aussi un petit frisson d’excitation, non ? Ou bien est-ce que je suis la seule à voir les choses ainsi ? » p. 47

Pour en savoir un peu plus…

Page wikipedia sur l'auteur en français et en anglais

Avis sur Goodreads

Avis sur Babelio

Quelques avis : Cali Rise, Pampoune, Sandra Bonnélie, Marnie, Pierre Faverolle, Hylyirio, Marine Reigner

11 février 2016

Royaume scotch-tape de Chloé Savoie-Bernard

Scotch1Royaume scotch tape / Chloé Savoie-Bernard. -- [Montréal] : L'Hexagone, 2015.-- 74 p. ; 18 cm. -- ISBN978-2-89648-079-1

Quatrième de couverture

Une jeune femme parle, et par sa bouche, ce sont toutes les femmes – sorcières, fées, écrivaines, marâtres, aïeules, sœurs, fantômes – qui cherchent à s'exprimer. Sa voix se mêle aux leurs pour former un cri courageux contre le vacarme des forums de discussions, des télé-réalités, des revues à potins. Mais ce n'est pas assez : pour se bâtir un royaume à elle sur les ruines de son héritage, il lui faudra exhiber ses plaies, monter aux barricades, enfoncer toutes les portes, n'avoir peur de rien.

L'auteurScotch2

Chloé Savoie-Bernard fait son doctorat en littérature française à l'Université de Montréal.  Sa thèse porte sur la "lésion comme stratégie discursive dans la poésie féministe québécoise". Elle publie en 2015 son premier recueil de poésie.

Page Facebook de l'auteur

Mes commentaires

Nous parlions de poésie au travail. Nous préparons diverses activités pour promouvoir la poésie à la bibliothèque. Une collègue me dit qu'elle préfère les "classiques", Baudelaire, Rimbaud, Nelligan... Je lui dis que j'aime aussi mais que j'aime toute poésie. J'aime autant les vers classiques que les vers libres, autant les auteurs anciens que les nouveaux. Elle me donne alors ce petite livre et me conseille de le lire. "Je suis curieuse de savoir ce que tu en penses" me dit-elle. Je viens de le terminer. Je ne sais pas encore ce qu'elle en pense... Ce que moi j'en pense ?

Le premier poème "à l'agent d'immeuble" m'a renversée. Je n'ai pas nécessairement aimé tous les poèmes mais le recueil m'a émotionné. Complètement. Et je suis en amour avec la poésie de Savoie-Bernard.

Je voudrais bien vous analyser ces poèmes, mais l'auteur dit elle-même tout ce qu'il y a à dire lors des entrevues qu'elle a données au Voir et au Devoir. Lisez les articles (en lien plus bas)... Moi, je vais vous dire ce que j'ai ressenti. Tout simplement.

Poèmes sans majuscule et sans ponctuation. Je les ai lus en un seul souffle. Sans respirer. Les mots sont crus par moment, doux parfois. J'ai lu des blessures, des deuils, des larmes et des cris. J'ai suivi l'auteur d'un pas déterminé. À travers ses douleurs et ses bonheurs. J'ai été bercé par les mots de l'auteur mais aussi par les bouts de chansons, de contes et proverbes qui se faufilent dans ses textes.

J'ai cru lire des bouts de vie collés les uns aux autres de façon précaire. J'ai senti que l'auteur se livrait même si je réalise très bien que sa vie n'est pas ses poèmes. Ses secrets sont dans ces poèmes mais sans y être vraiment. Elle refait sa vie en crachant des vers fictionnels à la limite du réel.

L'auteur parle de poèmes de fille. La quatrième de couverture parle de femmes : sorcières, fées, écrivaines, marâtres, aïeules, sœurs, fantômes. Oui, certainement. Mais je n'ai pas senti qu'un monde féminin. Oui, j'ai senti la maternité, la féminité. Mais pas nécessairement. J'ai surtout senti la pression d'être. De survivre. Et ça, c'est pour tout le monde. 

Ces poèmes sont un déchirement, un cri et une absolution.

Les mots de l'auteur

(Ces deux poèmes ne suivent pas la mise en page originale. Je suis incapable de la reproduire sur cette plateforme. J'en suis vraiment désolée. Pour lire les mots de l'auteur sous leur forme d'origine, vous pouvez cliquer sur le lien plus bas. Mais je vous conseille vivement de vous procurer le livre !)

à l'agent d'immeuble

on ne l’achètera pas votre maison -- l’expert a dit que les fondations étaient atteintes -- gangrenées -- par ici la terre est meuble -- argileuse on ne peut pas s’y fier sauf pour les fissures -- dans les murs -- il faudrait tout reconstruire bientôt -- on ne prendra pas ce risque-là

non exhaustif

des parents séparés -- du sextage -- de la consanguinité -- l’enlèvement parental -- être l’autre fille –alesse -- des mères dépressives – yoopa -- des relations à distance -- pas se faire rappeler – tinder -- du sexe anal -- la vitre du char fermé et la petite dedans au soleil – youporn -- ça ne fait pas des enfants forts

Pour lire d'autres extraits du recueuil

Pour en savoir un peu plus...

3 février 2016

La vallée du renard de Charlotte Link

ValleRenard01La vallée du renard / Charlotte Link ; traduit de l’allemand par Catherine Barret. – [Paris] : Presses de la Cité, 2014. – 462 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-258-10536-2

Quatrième de couverture

Il avait tout prévu. Tout, sauf la prison.

Un parking perdu en pleine campagne, par un après-midi ensoleillé d'août. Vanessa Willard attend son mari. Perdue dans ses pensées, elle ne remarque pas tout de suite la fourgonnette qui s'approche. Lorsque l'inquiétude s'empare d'elle, il est déjà trop tard. Un homme surgit, la maîtrise, la bâillonne et l'enlève. Enfermée dans une malle, elle est cachée au fond d'une caverne, avec de l'eau et de la nourriture pour une semaine. Mais avant d'avoir pu demander une rançon à sa famille, Ryan Lee, son ravisseur, est arrêté pour un autre délit.

Près de trois ans plus tard, Ryan sort de prison, la conscience lourde. Qu'est-il arrivé à sa victime? A-t-elle pu s'échapper ou est-elle toujours dans la grotte, réduite à l'état de cadavre? Alors que ces questions le hantent, l'histoire semble se répéter: une femme de l'entourage de Vanessa disparaît exactement dans les mêmes conditions...

 L’auteur

Charlotte Link est née en Allemagne à Francfort (Frankfurt am Main) en 1963. Elle commence à écrire très tôt et publie son premier roman à 19 ans. Elle écrit des livres pour enfants, des romans et nouvelles pour adultes. Elle écrit aussi pour de nombreux magazines et journaux. En 2007, elle reçoit le prix Goldene Feder pour son œuvre.

Biographie plus complète sur le site allemand de Wikipedia

Bibliographie sommaireValleRenard02

  • Cromwells Traum oder Die schöne Helena (La belle Hélène) (1985)
  • Wenn die Liebe nicht endet (Les Trois Vies de Margareta) (1986)
  • Sturmzeit (Le Temps des orages)(1989)
  • Schattenspiel (1991)
  • Wilde Lupinen (Les Lupins sauvages) (1992)
  • Die Stunde der Erben (L’heure de l’héritage) (1994)
  • Die Sünde der Engel (Le Péché des anges) (1995)
  • Das Haus der Scwestern (1997)
  • Der Verehrer (Le Soupirant) (1998)
  • Das Haus der Schwestern (La Maison des sœurs) (1999)
  • Die Rosenzüchterin (Les Roses de Guernesey) (2000)
  • Die Täuschung (Illusions mortelles) (2002)
  • Am Ende des Schweigens (Le Sceau du secret) (2003)
  • Der fremde Gast (L'Invité de la dernière heure) (2005)
  • Das Echo der Schuld (Le Poids du passé) (2006)
  • Die letzte Spur (La Dernière trace) (2008)
  • Das Andere Kind (L'Enfant de personne) (2009)
  • Der Beobachter (Une femme surveillée) (2011)
  • Im Tal des Fuchses (La Vallée du renard) (2012)
  • Die Betrogene (2015)

Bibliographie plus complète ici (en allemand)

Mes commentaires

Dire que je suis partagée dans mon avis est peu dire. J'écris rarement une critique immédiatement après avoir lu un roman. Mais je prépare mon texte : quatrième de couverture, auteur, mots de l'auteur, recherche, images... Tout est prêt. Il ne reste que mes commentaires à rédiger.

Et c'est ici que je bloque pour ce roman. Car au moment d'écrire mon commentaire, je me souvenais d'une lecture agréable mais je ne me souvenais pas de l'histoire. J'ai dû aller lire quelques avis pour me dire "ah oui, je me souviens maintenant". Et pour moi, ce n'est pas bon signe.

Alors voyons voir. C'est un roman un peu long à démarrer. L'auteur prend son temps pour bien mettre en place son histoire et nous présenter une panoplie de personnages. Beaucoup trop de temps selon moi, mais cela semble avoir plu à nombre de lecteurs. Disons que pour moi, cela casse un peu le suspense. Oui, ces personnages sont importants et il est essentiel de bien les comprendre pour suivre l'intrigue, mais j'aurais préféré apprendre à les connaître tout au long de ma lecture pas uniquement au début. C'est un détail, mais il m'a empêché de me perdre dans ma lecture. Une fois que le roman plonge dans le suspense, je n'étais pas accrochée. Et ensuite, les longueurs continuent.

L'histoire ? Elle est assez bien résumée dans le quatrième de couverture. Tout tourne autour de l'enlèvement de Vanessa. Et le après pour les personnages. Son mari, tourmenté par cette disparition, tente de refaire sa vie. Le kidnappeur sort enfin de prison et est lui aussi tourmenté par la culpabilité de son secret. S'ajoute à ces deux principaux personnages, les gens qui gravitent dans leur vie. Et puis arrivent d'autres disparitions... Comment est-ce possible ?

Je n'en dirai pas plus, car il faudrait en dire trop pour vraiment vous intriguer. Malgré les longueurs, l'intrigue est assez bien menée et bien que je n'étais pas renversée par la fin, j'ai été surprise. Mais je dois vous avouer que si je n'avais pas fait tout ce travail de recherche, il y a quelques mois, je ne suis pas certaine que j'aurais publié ce billet. Une lecture acceptable mais pas renversante. Dommage.

Les mots de l’auteur (Extrait)

« C’était comme si une ombre était passée sur la salle de bains. Peut-être un nuage avait-il réellement traversé le ciel, cachant un instant le soleil ?  Quoi qu’il en soit, à mon âge, je savais que la vie jouait parfois avec nous un jeu un peu cynique. Si le destin voulait que Vanessa revienne, chacun des instants que Matthew et moi allions désormais vivre ensemble serait à double tranchant. Matthew avait espéré pendant trois ans retrouver sa femme, mais si son vœu s’accomplissait au moment même où nous nous engagions l’un envers l’autre, les conséquences pourraient être dramatiques. » p.248

Pour en savoir un peu plus …

  • Page Wikipedia sur l’auteur (en français)
  • Critiques sur Babelio (12)
  • Article sur Info-culture.biz
  • L’Avis d’Elleon sur Fiches Livres
  • L’avis de Mylène Ancel sur Les lectures de Mylène
  • L’avis de Karine sur Mille et une pages
  • L’avis de Cla S sur Aux douceurs littéraires
  • L’avis d’Angélique Lily sur Les lectures de Lily
  • L’avis de Cassandre sur Romans sur Canapé
19 janvier 2016

Personne ne le croira de Patricia MacDonald

personne02Personne ne le croira : roman / Patricia MacDonald. – Paris : Albin Michel, [2015]. – 343 p. ; 23 cm. – ISBN 978-2-226-31469-7

Quatrième de couverture

Nouveau nom, nouvelle ville, nouveau départ... Hannah et Adam n’aspirent qu’à mener une vie paisible et sans histoire aux côtés de leur adorable petite Cindy sur laquelle ils veillent tendrement. Attirant sur eux l’attention des médias, une tragédie inattendue vient bouleverser les plans du couple. Pour échapper au danger qui les menace, ils vont devoir affronter un passé qu’ils tentaient d’oublier. Et qui les a rattrapés.

Patricia MacDonald n’a jamais été aussi loin. Exploration au scalpel d’une famille ordinaire, Personne ne le croira nous plonge au cœur d’un cauchemar insoupçonnable. Dont la première victime est… une petite fille innocente.

L’auteur

Patricia Jean MacDonald est née en 1949 à Greenwich dans le Connecticut aux États-Unis. Elle fait ses études à l’Université de Boston en journalisme. Elle travaille d'abord comme rédactrice pour de nombreux magazines. Elle est également éditrice.

Elle publie son premier roman The Unforgiven en 1981 et débute ainsi sa carrière d'écrivain. Elle écrit principalement des romans de suspense. Auteure renommée mondialement, ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. Elle a reçu de nombreux prix et plusieurs romans ont été adapté à la télévision.

Elle est mariée à Art Bourgeau, libraire et lui-même écrivain. Ils habitent à Cape May près de Philadelphie.

Personne01Bibliographie partielle

  • The Unforgive, (1981)
  • Stranger in the House (1985)
  • Little Sister (1986)
  • No Way Home (1989)
  • Mother's Day (1994)
  • Secret Admirer (1995)
  • Lost Innocents (1997)
  • Safe Haven (2000)
  • Not Guilty (2002)
  • Suspicious Origin (2003)
  • The Girl Next Door (2004)
  • Married to a Stranger (2006)
  • Stolen in the Night (2007)
  • From Cradle to Grave (2009)
  • Cast into Doubt (2010)
  • Missing Child (2011)
  • Sisters (2012)
  • I See You (2014) (Personne ne le croira, 2015)

Mes commentaires

Personne ne le croira mais tout le monde l'a deviné dès les premières pages... C'est ce que je me suis dit au début de ma lecture. Et puis peut-être que je me trompe, que je me suis dit ensuite. Mais non, ai-je dit en refermant le livre, j'avais bien deviné. Peut-être que je lis trop et que je regarde trop la télévision... mais il est difficile pour moi d'être surprise par une intrigue. Je devine assez vite le "punch".

Ce qui ne veut pas dire que la lecture ne fut pas agréable. Juste sans surprise.

Alors, voici une petite famille qui semble sans histoire. Un père, une mère, une adorable filette, qui semblent bien ordinaires, sauf qu'ils sont bien discrets et qu'ils ne se mèlent pas trop aux autres. Et puis, un jour la petite fille sauve la vie de sa gardienne. Une belle histoire aussitôt difusée par les médias. Mais un véritable cauchemar pour les parents qui ont maintenant peur. Car ils vivent tous les trois sous de fausses identités et surtout dans la peur d'être reconnus et retrouvés. Par qui ? Par leur propre fille qui est la véritable mère de la fillette.

Des retours en arrière permettent alors de connaître les raisons pour lesquelles ils se sont enfuis et ont kidnappé leur petite-fille.

Ils ont toujours eu une vie normale, ordinaire et heureuse. Couple américain normal avec une fille précoce, brillante, mais un peu rebelle. À 20 ans, leur fille, déjà mère d'une petite fille, étudie en médecine et vit encore avec eux. Malgré ces difficultés, les parents adorent leur fille et leur petite-fille. Et lorsque que leur fille est accusée du meurtre de son petit ami, ils feront tout pour la défendre. Mais petit à petit les façades tombent. Leur fille devient une étrangère à leurs yeux. Et lorsque finalement, ils comprennent la vérité, ils n'ont d'autre choix que de s'enfuir avec la petite pour la protéger de sa mère. Leur propre fille.

Le roman de MacDonald est très puissant. On sent très bien l'amour que les parents ont pour leur fille ainsi que l'incompréhension et le déchirement qui se produisent en eux quand ils se rendent compte que leur enfant est un monstre. Le texte est fort et il est vrai qu'on imagine difficilement qu'une femme peut agir de la sorte avec un enfant, son enfant. Ils se sentent responsables, coupables... Est-ce leur faute si leur fille est ainsi ? Qu'ont-ils fait pour qu'elle devienne un monstre ? L'a-t-elle toujours été ? Comment l'aimer encore, comment cesser de l'aimer ? Peut-on l'aimer mais vouloir la fuir ? Des questions sans réponses. Ils ne peuvent que penser à sauver leur petite fille, la protéger et espérer que leur fille ne les retrouvent jamais.

Le livre se lit rapidement, le texte est fluide et simple. L'intrigue bien menée et serrée. Roman bouleversant. Mais encore une fois, je n'ai pas senti de surprises ou même de suspense. Une histoire tendue, un drame psychologique intense, oui. Mais un suspense rempli de rebondissements et de mystères, non.

Une belle lecture que j'ai apprécié, même si je m'attendais à plus.

Les mots de l’auteur

 “Hannah s’écroula dans le rocking-chair devant la fenêtre. Autrefois, dans leur premier appartement, elle s’était souvent assise dans ce fauteuil, avec son bébé dans les bras. Elle berçait Lisa, elle rêvassait, imaginant la vie future de sa fille. L’université, le mariage, la réussite, des enfants. Jamais, dans ses rêves les plus extravagants, elle n’avait envisagé une accusation de meurtre. À l’époque, c’était inconcevable. Et maintenant, des années plus tard… » p. 78

Pour en savoir un peu plus…

11 novembre 2015

La sœur de Judith de Lise Tremblay

judith01La sœur de Judith : roman. – Lise Tremblay. – [Montréal] : Boréal, c2007. – 166 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-7646-0539-4

Quatrième de couverture

Dans ce cinquième livre, Lise Tremblay brosse un tableau du Québec rural des années d’après la Révolution tranquille, un Québec en pleine effervescence, où de nouvelles valeurs font leur chemin mais où la tradition s’accroche encore. Fine observatrice de l’humain, l’auteur de La Héronnière nous fait revivre ses années par le regard d’une fillette qui sera une adolescente avant la fin de l’été.

L’auteur

Lise Tremblay est née en 1957 à Chicoutimi au Québec. Elle étudie à l’Université du Québec à Montréal et obtient une maîtrise en création littéraire. Elle enseigne la littérature au Cégep du Vieux-Montréal.

judith02Son premier roman paru en 1990, L’hiver de pluie, reçoit en 1991 le Prix de la découverte littéraire de l’année au Salon du livre du Saguenay-Lac-St-Jean ainsi que le prix Joseph-S.-Stuffer du Conseil des arts du Canada. En 1999, elle reçoit le Prix du Gouverneur général pour La danse juive paru en 1997 ainsi que le Prix littéraire du CRSBP du Saguenay-Lac-St-Jean. Son recueil de nouvelles La Héronnière reçoit Le Grand Prix du livre de Montréal, le Prix des libraires du Québec et le Prix Jean-Hamelin.

Bibliographie

  • L'hiver de pluie (1990)
  • La pêche blanche (1994)
  • La danse juive (1997)
  • La héronnière (2003)
  • La sœur de Judith (2007)
  • Chemin Saint-Paul (à paraître en septembre 2015)

Mes commentaires

Le roman de Lise Tremblay peut sembler banal ; le simple récit du passage de l’enfance à l’adolescence d’une petite fille pendant un été à la fin des années 1960. Il ne s’y passe pas grand-chose. La narratrice de 11-12 ans nous raconte simplement ses derniers jours d’école primaire, son été, puis sa rentrée au secondaire. Rien d’autre. Elle partage sa vie qu’elle ne trouve pas très palpitante. Elle aimerait bien plus avoir une vie comme Claire, la sœur de sa meilleure amie Judith.

C’est un texte simple, sincère, dépouillé et terriblement efficace. Il peut être difficile d’écrire un roman avec une enfant-narrateur, mais ici l’auteur réussit parfaitement. Nous croyons aux mots de l’enfant sans se sentir dans une narration trop enfantine.

Le texte nous propose une tranche de vie, qui peut sembler banal et anecdotique, mais qui m’a rejoint comme lectrice. Je n’ai pas grandi à la même époque. Je n’avais pas les mêmes préoccupations, les mêmes doutes, les mêmes sourires, les mêmes larmes. Mais je me suis retrouvée dans le texte. Et surtout dans cette amitié entre les deux fillettes qui ne survivra pas à la fin du primaire, à la fin de l’été et au commencement d’une nouvelle vie au secondaire.

La narratrice vit dans une époque en transition. Et elle-même se transforme. Elle vieillit. Elle forge sa personnalité. Elle passe de l’enfance à l’adolescence avec tout ce qui cela comporte comme transformation : de nouvelles expériences et surtout la perte d’une partie d’elle-même.

Qu’en est-il de l’histoire ? Une fillette passe de l’enfance à la pré-adolescence l’espace d’un été. Elle passe cet été à lire, à penser aux garçons, à se sauver de sa mère, et à papoter avec sa meilleure amie Judith. Leur sujet préféré est bien entendu la sœur de Judith, Claire, qui quitte Chicoutimi pour aller à Montréal afin de participer à un concours de danse. Elle représente à leurs yeux, la fille parfaite : jeune, belle, à la mode, elle a un copain riche et beau, et elle va peut-être danser avec un groupe de musique populaire. Elle est tout ce qu’elles aimeraient être.

Mais rien n’est vraiment parfait. Et la narratrice doit se confronter aux déceptions, les siennes et celles des gens qui l’entourent. Et lorsque l’été finit et qu’elle commence le secondaire, elle a changé.

Les mots de l’auteur

« Le camelot a jeté le journal du dimanche à moitié mouillé sur le tapis de l’entrée. Dès que je l’ai entendu fermer la porte, je me suis levée en courant. Je voulais être la première à voir la photo de Claire. J’ai pris le journal et j’ai commencé à chercher. La photo était à la page 22 et on voyait Claire encadrée de ses deux parents. Monsieur Lavallée portait un complet. L’article racontait l’histoire de Claire, comment elle était passée du quart de finale, à la demi-finale et à la finale du concours de danse. Si elle gagnait, elle allait passer l’année comme danseuse à gogo dans le spectacle d’adieu que Bruce et les Sultans allaient donner partout dans la province. Je n’en revenais pas, si elle gagnait, la sœur de ma meilleure amie allait voir Bruce en personne et peut-être qu’elle allait l’inviter à jouer au mini-putt dans leur cour arrière et peut-être qu’on pourrait le voir. Judith et moi on ne parlait que de ça et on passait une grande partie de notre temps à aider son père à finir le mini-putt avant le début de l’été. Ils avaient un grand terrain et leur père avait décidé de construire son propre mini-putt. » p.9  

Pour en savoir un peu plus…

6 août 2015

La corde de Stefan Aus Dem Siepen

corde2La corde / Stefan Aus Dem Siepen ; traduit de l’allemand par Jean-Marie Argelès. – [Paris] : Éd. Écriture, 2014. – 153 p.;  23 cm. – ISBN 978-2-35905-142-1

Quatrième de couverture

Les habitants d’un village situé à l’orée d’une immense forêt mènent une vie simple, rythmée par les saisons. Un jour, l’un d’eux découvre dans un champ une corde qui s’enfonce dans les bois. Comment est-elle apparue ? Où mène-t-elle ? Délaissant leurs familles, les hommes décident de la suivre. D’abord accueillante, la forêt devient peu à peu menaçante, hostile. Les villageois s’obstinent pourtant, quitte à manquer le début de la récolte et à courir au-devant du danger… Comment l’irruption de l’inattendu au sein d’une société bien réglée parvient-elle à en perturber l’équilibre ? Récit d’une quête absurde, ce conte baigné de romantisme sombre offre une réflexion sur les passions humaines.

L’auteur

Stefan Aus Dem Siepen est né en 1964 à Essen en Allemagne. Il étudia à Munich en Droit. Il rejoint le corps diplomatique allemand et sera posté à Bonn, au Luxembourg, à Shanghai et à Moscou.  Il s’établit ensuite à Berlin et travaille au ministère des Affaires étrangères. Il publie son premier roman, Luftschiff, en 2006.

corde1Bibliographie

  • Luftschiff (2006)
  • Die Entzifferung der Schmetterlinge (2008)
  • Das Seil (La corde) 2012
  • Der Riese (2014)

Mes commentaires… (je dis presque tout sur la fin, vous êtes avertis !)

Un village tranquille, sans histoire, anonyme, isolé et sans lieu défini. Nous sommes aujourd’hui ou hier. Cela se passe au siècle dernier ou alors celui d’avant ou encore dans un futur rapproché. On ne le sait pas vraiment. Comme beaucoup de conte, l’histoire racontée par l’auteur n’a pas de lieu précis, pas d’époque définie.

Conte, parabole, réflexion philosophique, délire littéraire… le roman de Stefan Aus Dem Siepen a été décrit de nombreuses façons. L’auteur avoue lui-même s’être inspiré d’un rêve qu’il a fait. Ce rêve étrange d’une corde mystérieuse dont il ne voyait pas la fin lui a semblé une bonne prémisse pour un roman et lui a paru une belle parabole sur les obsessions qui nous habitent.  Il dit s’être ensuite inspiré des contes de Grimm pour écrire son histoire. Et on ressent très bien les aspects sombre et menaçant de la majorité des contes et fables.

Un villageois découvre un jour, une corde en bordure du village. Un bout à ses pieds, elle s’enfonce dans la forêt noire. Objet anodin dans un lieu incongru, la corde attire la curiosité de tout le village. On découvre bientôt que l’autre bout semble se perdre bien loin dans la forêt. Les villageois s’interrogent tous sur la provenance de la corde et le fait qu’elle soit apparue soudainement : qui l’a mise à cet endroit ? pourquoi ? jusqu’où va-t-elle ? Beaucoup de questions sans réponse. Quelques hommes décident de la suivre pour trouver l’autre extrémité. Mais une première expédition revient bredouille et dans le drame.

La curiosité se transforme en obsession et tous les hommes du village (sauf un qui reste pour garder) partent pour résoudre cette énigme. Mais ce qui devait être une expédition d’une journée se transforme en une quête qui n’aura pas de fin.

Car il n’y aura pas de fin. Et cela, je m’en doutais depuis le début. Parce que comment pourrait-il y avoir une fin ? Enfin, je le savais ou plutôt je l’espérais. Car j’aurais été très déçu par toute fin qu’aurait pu proposer l’auteur. Cela n’aurait pu être que décevant. Soit l’explication aurait été banale, normale et décevante ; soit l’explication aurait relevé du domaine du fantastique et, selon moi, il y aurait eu peu de chance pour qu’on y croie. Donc, nous ne saurons jamais pourquoi la corde a été mise là, ni où elle se termine.

La corde ne se termine probablement pas. Et les villageois n’auront jamais de réponses à leurs questions. Et ne reviendront de toute façon probablement jamais à leur village. Qui sera abandonné comme celui qu’ils ont croisé à un moment.

Bien sûr qu’en quelque part, j’aurais voulu savoir. Mais il est nettement préférable de ne pas le savoir. Et donc nos propres questions n’auront, elles aussi, aucune réponse. On ne peut que suivre cette quête vers l’inconnu amorcée par une curiosité irrépressible. On ne peut que lire sur ce désir incontrôlable de toujours vouloir plus ; sur le danger de rester sédentaire et le danger de vouloir tout changer.

Le récit de l’auteur nous permet de suivre d’un côté, l’expédition  qui part à la recherche de réponses et d’un autre la longue attente de ceux qui sont restés au village. Les deux groupes s’enfoncent dans la noirceur et l’isolement. Ils sont tous poussés à l’extérieur de leur quotidien, de leurs habitudes, de leur confort dans l’inconnu.

On peut analyser le texte de l’auteur de nombreuses façons et les symboles semblent multiples : le village, la corde, les personnages, la forêt, etc. Le texte soulève beaucoup de question, tout comme la corde, et nous oblige à nous questionner sur la nature humaine.  Tout semble avoir une signification. Allégorie philosophique, psychologique, sociale, morale… On y a même vu une métaphore idéologique,  historique et politique. C’est le propre des contes.

Les mots de l’auteur

« Ce petit geste le rendit plus heureux encore, car toujours il fallait qu’il fasse quelque chose, si peu que ce fût, toujours il lui fallait œuvrer à son propre bonheur afin de pouvoir en profiter pleinement ; s’il s’était contenté de contempler le visage endormi, une inquiétude se serait aussitôt éveillée en lui – une peur sournoise, inexplicable, qui surgissait sans cesse, parfois dans les moments de plus grand bonheur, la crainte que la vie douce et paisible qu’il menait avec les siens pût ne pas durer. » p. 13

«La corde arrachait maintenant les paysans à tout cela, éveillant en eux un désir demeuré jusqu’ici caché dans les régions les plus inaccessibles de leur âme : échapper, ne serait-ce qu’une fois, à leur petit univers, couper, dans un moment de joyeuse et folle insouciance, les mille fils qui les enchaînaient à leur chez-eux. » p.62

Pour en savoir un peu plus…

2 juillet 2015

Deux zèbres sur la 30e Rue de Marc Michel-Amadry

zebres1Deux zèbres sur la 30e Rue : roman / Marc Michel-Amadry. -- [Paris] : Éditions Héloîse d'Ormesson, 2012. -- 114 p. ; 21 cm. -- ISBN 978-2-35087-192-9. -- La couv. porte en outre: "Drôles de zèbres".

Quatrième de couverture

Pour remplacer ses zèbres morts de faim, Mahmoud Barghouti, directeur du modeste zoo de Gaza, se résout à peindre des rayures à deuxanes. James correspondant du New York Times au Moyen-Orient, s'empare de ce fait divers insolite, porteur d'un message d'espoir et de paix. Une chronique dont les échos dépassent les frontières et qui bouleverse des destins. Entre Paris et Berlin, New York et Gaza, d'un ambitieux consultant à une artiste peintre branchée, d'un intrépide journaliste de guerre à une volcanique DJ, deux couples sont réunis grâce à la magie de ces zèbres pas comme les autres.

Bijou d'optimiste, sésame vers le bonheur, Deux zèbres sur la 30e Rue est une incitation à oser vivre à la hauteur de ses rêves. Un livre qui fait du bien, à mettre entre toutes les mains.

L'auteur

Marc Michel-Amadry est un auteur suisse qui vit présentement à Neuchâtel.

zebre2Après des études au HEC de Lausanne, il poursuit une carrière principalement en marketing. Il débute sa carrière chez TAG Heuer. Il occupera des postes de direction pour diverses entreprises. dont Ebel, Concord et Sotheby's Suisse.

Il publie son premier roman en 2012, Deux zèbres sur la 30e Rue, en s'insirant d'une histoire vraie.

Bibliographie

  • Deux zèbres ur la 30e Rue (2012)
  • Monsieur K (2015)

La page Facebook de l'auteur, son compte twitter, son profil LinledIn,

Mes commentaires

Peut-on avoir été charmé par une histoire et déçu par un roman ?

L'histoire m'a complètement conquise. Le récit d'un homme qui veut sauver la magie de son zoo, qui veut faire rêver petits et grands ; le récit d'un homme qui maquille la dure réalité de la vie à Gaza pour offrir de l'espoir aux visiteurs de son zoo... tout ça m'a charmée, m'a donné un petit pincement au coeur.

Le problème c'est que c'est court, bref, inabouti... Je voulais vivre avec Mahmoud, le directeur de ce zoo qui peint des ânes en zèbres. Je voulais le suivre dans cette histoire improbable alors qu'un journaliste l'amène à New York, loin de tout ce qu'il connaît, pour l'aider à faire vivre son zoo, l'aider à trouver les fonds pour faire de son rêve un vrai zoo qui fera rêver les enfants de la guerre. Je voulais apprendre à le connaître. Le suivre dans ses doutes, ses démarches, ses craintes et ses rêves.

Mais Mahmoud, on le voit trop peu. On saute rapidement dans les vies de 4 autres personnages : le journaliste et une jeune DJ qu'il rencontre, une artiste et son amoureux qu'elle a laissé pour vivre sa passion. Ces personnages sont intéressants, mais semblent voler la vedette à l'histoire qu'on veut vraiment suivre. Et puis, d'un autre côté, ils sont intéressants ; mais on n'apprend pratiquement rien sur eux. Tout va trop vite. Trop peu de pages. Trop d'histoires. J'ai l'impression d'avoir vu un épisode débutant une télésérie... un avant-goût de ce qui va m'être raconté plus tard. Sauf que je sais que c'est tout... il n'y aura pas de plus tard. [Et puis, j'ai été TRÈS étonnée par la conclusion... incongrue, improbable, farfelue...]

Ceci dit, j'ai beaucoup aimé le livre. Pour son histoire qui me rappelait un conte, une fable... un brin moralisateur, un brin féérique. Même si les horreurs de la guerre, les larmes et les douleurs de Gaza sont à peine évoquées, on arrive à les sentir tout de même.

Je crois que l'auteur a voulu faire de ce fait divers survenu en 2009, un roman optimiste, rempli d'espoir et de rêves. Mais qu'il s'est un peu éparpillé dans son récit. Il a voulu dire trop de choses. Il a voulu nous partager trop d'émotions dans un seul roman... un peu trop court.

Bien sûr, l'histoire est inspirée d'un fait divers bien réel. Cependant, si vous lisez les articles que j'ai mis en lien un peu plus bas, vous verrez que l'histoire - ainsi que le directeur du zoo - est un peu différente.

Je sais que je ne parle pas de l'histoire. C'est si court, j'ai peur d'en dire trop. Voyons voir... un journaliste dépressif découvre à Gaza un zoo avec de faux zèbres qui lui font redécouvrir la beauté de la vie. Il décide d'aider le directeur à rebâtir son zoo, un peu amoché par la guerre. Il le persuade de quitter pendant un temps, sa ville, son zoo, sa femme et ses enfants pour aller à New York afin d'acheter de vrais zèbres -et autres animaux. Parallèlement, nous avons l'histoire d'amour du journaliste avec une jeune DJ qui lui fera redécouvrir comment vivre passionnément ainsi que l'histoire de la rupture d'un autre couple... elle, artiste qui part à la recherche d'elle-même à New York, lui écrivain qui veut écrire sur le zoo de Mahmoud, tout en espérant le retour de sa belle... Wow... j'ai l'impression de raconter n'importe quoi. C'est un peu ça... mais pas juste.

Peu importe... même si le roman m'a semblé un peu anodin (j'aurais voulu tellement plus), l'histoire, elle, m'a charmée. Complètement. Et c'est ce qui me reste de ma lecture.

Les mots de l'auteur

"Le directeur du zoo avait tout compris. Sans magie, la vie n'est rien. Sans utopie, le cynisme gagne. Mahmoud à lui seul, redonnait espoir en l'humanité." p. 11

"Ces deux zèbres, mademoiselle, ils ont un pouvoir exceptionnel. C'est un symbole qui doit nous inciter à offrir au monde plus de magie et moins de guerre. Ces deux zèbres, Mila, c'est vous, c'est moi." p. 114.

Pour en savoir un peu plus...

Quelques articles parus en 2009 sur le véritable "Zoo de la joie":

Quelques avis sur le roman :

 

3 juin 2015

Histoires d'ogres de Katia Gagnon

Ogres1Histoires d'ogres : roman / Katia Gagnon. -- [Montréal] : Boréal, 2014. -- 244 p. ; 22 cm. -- ISBN 978-2-7646-2322-0

Quatrième de couverture

Quel destin attend Jade, une jeune escorte adepte de crack ? Et Stéphane Bellevue, ce pédophile en libération conditionnelle qui a purgé une peine pour le meurtre sordide d’un adolescent ?

Après La Réparation, Katia Gagnon nous offre un second roman qui s’inspire d’histoires vraies. Encore une fois, elle met en scène le personnage attachant de Marie Dumais, journaliste en quête de scoops et d’amour. Elle nous entraîne dans son exploration de la marge et des êtres troubles qui y vivent.

Si la plupart des personnages de ce roman sont des écorchés vifs, des carencés affectifs, des êtres humains qui se rejoignent dans leur souffrance, seuls quelques-uns d’entre eux atteignent le point de bascule, celui qui les fait passer à l’acte. Pourquoi ?

L'auteur

Katia Gagnon est née en 1970. Elle a étudié à l'UQAM où elle a obtenu un baccalauréat en communications. Depuis 1996, KG2elle est journaliste dans le quotidien La Presse. Elle y occupera diverses fonctions dont éditorialiste et directrice des informations générales.

Elle publie son premier roman en 2011, La réparation. Elle continue d'écrire et de travailler comme journaliste.

Bibliographie

  • Au pays des rêves brisés (avec Hugo Meunier - Témoignages)  (2008)
  • La réparation (2011)
  • Histoires d'ogres (2014)

Pour lire certains de ces articles dans La Presse. Son compte Twitter. Une entrevue avec l'auteur dans la revue Les libraires.

Mes commentaires

Je dois dire j'ai été réellement surprise par ce 2e roman de Katia Gagnon. Surtout lorsque j'ai réalisé qu'encore une fois l'auteure propose deux histoires dans son roman. Ou plutôt, nous avons d'un côté les vies de différents personnages marginaux et d'un autre côté, on nous retrouve encore une fois, Marie Dumais, la journaliste de La Réparation. On la suit à nouveau dans le reportage qu'elle cherche à écrire : son enquête, les entrevues, etc. Et on est également témoin de sa rencontre puis de sa relation balbutiante avec un libraire.

Donc "deux histoires" encore une fois. Et on retrouve le même personnage. Quand un auteur reprend une technique narrative qu'elle a déjà employée ainsi qu'un même personnage, ça m'inquiète toujours. Surtout que j'avais un peu déploré cette multiplication d'histoires dans le premier roman. Mais c'était sans compter sur le talent de Katia Gagnon. Car j'ai vraiment beaucoup aimé ces histoires d'ogres. Et j'ai adoré retrouvé Marie Dumais... et chose exceptionnelle, j'espère la retrouver dans un futur roman. Je suis conquise !

Nous retrouvons donc Marie qui travaille un nouveau reportage. Cette fois son enquête porte sur Stéphane Bellevue, un pédophile et meurtrier qui est remis en liberté après avoir purgé sa peine de prison. Bien qu'au centre du roman, le personnage de Bellevue n'est vraiment rencontré qu'à travers son passé et les gens qui l'ont connu et l'entourent. Marie va tenter de comprendre ce qui fait que Stéphane Bellevue est devenu le monstre, l'ogre qu'il est maintenant. Et rien n'est blanc ou noir. Rien n'excuse, mais rien n'est simple. On peut comprendre, sans pardonner ou excuser. Comme d'habitude.

Nous suivons donc Marie dans ce reportage, mais aussi dans son propore cheminement personnel, son ouverture aux autres et particulièrement dans sa relation avec un libraire un brin particulier.

Parallèlement, nous suivons aussi l'histoire d'une jeune droguée, Jade, qui après avoir perdu la garde de sa fille, devient prostituée dans un bordel. Autour d'elle évoluent plusieurs personnages de ce monde sordide. Comme pour le premier roman, cette histoire semble isolée et on ne voit pas le lien avec Marie et son reportage. Mais encore une fois, les deux histoires se rejoindront à un moment. Et c'est un lien si triste et en même temps tellement évident.

L'histoire est incroyablement bien menée. On passe d'un personnage à l'autre, d'une histoire à l'autre très facilement, sans jamais perdre le fil. L'écriture est solide et rythmée. On sent parfois l'écriture journalistique. Ce qui n'est pas un défaut. Comme dans son premier roman, on sent que Gagnon ne veut pas tomber dans le sensationnalisme. Elle veut comprendre les gens sans les juger, présenter les faits objectivement. Mais les mots de l'auteure ne sont pas froids. Les émotions sont palpables dans chaque chapitre. Et le texte de Gagnon réussit à nous rejoindre, à nous émouvoir. L'auteure s'inspire de son travail de journaliste et elle maîtrise ses sujets. Mais elle semble pouvoir se perdre dans son écriture romanesque qui lui permet d'exprimer des émotions que ses articles ne lui permettent pas.

Mon seul regret est, qu'encore une fois, certains personnages étaient vraiment intéressants et on ne fait que les effleurer. J'aurais voulu en savoir plus eux. Et même les personnages principaux m'ont semblé peu approfondi. Parfois, on déplore qu'un livre s'éternise, ici on soupire car il est trop rapide.

Les mots de l'auteur...

"J'aime les drames. Une bonne histoire triste, dramatique, avec quelques moments franchement horribles, voilà mon genre d'histoire. Les collègues me demandent souvent pourquoi je couvre toujours les affaires aussi terribles. Ils me trouvent généreuses, ils pensent que je milite pour la justice sociale.

Et moi, je n'ose pas leur dire que j'aime ça. J'aime m'immerger dans le drame de quelqu'un. Regarder par la fenêtre d'une vie. M'imaginer la vivre. Ressentir profondément la peur, la rage, la faim, l'injustice. Je peux regarder par cette fenêre aussi longtemps que je veux, capter tous les petits détails, puis recracher le tout en pleurant sur du papier.

Ensuite, en sortir. Aucun instant nest plus magnifique ce que celui-là. L'histoire est vécue, et enregistrée. C'est fini. Et moi, je sors de cette vie que j'ai vécu l'espace de quelques heures, jours, semaines, et je reprends la mienne. Jamais le soleil n'est si chaud, les draps si doux, le café si savoureux que lorsque je reprends ma vie à moi après avoir vécu un autre drae.

Et une fois sortie du trou, le plus difficile reste à faire. Écrire tout ça. Rendre l'émotion. Comment condenser la misère et la détresse dans un coup de poing qui frappera le lecteur au ventre dès les premières lignes." pp. 209-210

Pour en savoir un peu plus..

12 mai 2015

Pièces importantes et effets personnels de la collection Lenore Doolan et Harold Morris, ...

HN2Pièces importantes et effets personnels de la collection Lenore Doolan et Harold Morris, comprenant livres, prêt-à-porter et bijoux : maison de vente Strachan & Quinn, 14 février 2009, 10h et 14h, heure de New York / Leanne Shapton ; traduite de l'anglais (États-Unis) par Jukata Alikavazovic. -- [Paris] : Éditions de l'Olivier, 2009. -- 135 p., principalement des ill. ; 24 cm. -- ISBN 978-2-87929-699-9

Quatrième de couverture

Lenore Doolan et Harold Morris se rencontrent dans une soirée, tombent amoureux, vivent ensemble et se séparent. Fin de leur histoire et début de ce livre. Les objets, vêtements, etc., qui ont accompagné leur liaison et vont être mis aux enchères, sont photographiés et rassemblés dans ce catalogue.

Lenore et Harold se sont prêtés avec talent, sensibilité et humour, à la mise en scène imaginée par Leanne Shapton qui invente ainsi un genre unique : le catalogue-roman entre littérature et art contemporain.

L'auteur

Leanne Shapton est née à Toronto en 1973. Illustratrice, directrice HN1artistique pour de nombreux périodiques (dont The New York Times), et auteure, Shapton a fait des études à l'Université McGill ainsi qu'à l'Institut Pratt.

Son premier ouvrage, Was she pretty?, publié en 2006, fut sélectionné pour le Doug Wright Award, un prix récompensant les BD et romans graphiques. En 2012, elle écrivit une autobiographie sur son passé d'athlète. En effet, elle participa a de nombreuses compétitions en natation. Cette autobiographie, Swimming Studies, remporta le National Book Critics Circle Award.

Elle vit présentement à New York.

Bibliographie partielle (très partielle)

  • Was she pretty? (2006)
  • Important Artifacts and Personal Property From[...] (2009)
  • Swimming Studies (2012)
  • Sunday Night Movies (2013)

Site de l'auteur.

Mes commentaires

Wow. Juste wow... Quel livre ! J'ai absolument tout adoré, autant son improbalité que sa réalité. Autant le fait que je ne savais que penser de cet objet quand je l'ai tenu pour la première fois dans mes mains, que le fait que j'ai été renversé par cette démarche si particulière... et, quand j'y pense, si évidente !

Mais revenons au début. Je reçois un chariot de dons à évaluer. Nous recevons souvent des dons de livres à la bibliothèque. Parmi les livres, il y avait ce document. La couverture me dit que c'est une sorte de catalogue pour une vente aux enchères. Étrange. Je lis la quatrième de couverture qui semble confirmer cette impression. Je feuillette... Des photos d'objets accompagnés d'une description de ceux-ci, de dimensions et de prix. Bizarre. Un catalogue parmi les dons ? Vraiment curieux. Ce n'est pas habituel, disons.

Revenons au titre et à la quatrième de couverture... ceux-ci annoncent la vente aux enchères des objets ayant appartenus à un couple... Un couple célèbre ? Peut-être. Mais honnêtement, je n'ai jamais entendu parler de Lenore Doolan et Harold Morris. Habituellement, les ventes aux enchères d'objets personnels concernent des gens célèbres et connus. Mais c'est probablement moi... je ne connais pas tout le monde, tout de même !

Je commence à lire les premières pages. On semble carrément entrer dans la vie intime d'un couple avec ces objets - souvent insignifiants - ayant marqué leur vie commune. Des objets sans intérêts... des lettres, des courriels, des mots écrits sur des menus, des photos, des vêtements, des tasses, des objets insignifiants - sauf le fait qu'ils aient appartenu à ce couple... Je suis décontenancée, je ne comprends pas. Les objets d'une vie deviennent dans ce catalogue une histoire. Car si parfois la description est vague et générique : "Lot 1030 Parapluie de l'hôtel St.Regis. Parapluie marron et blanc de l'hôtel St. Regis. Bon état,  un peu défraichi. Longueur : 29 in. 10-20$ - Inclus dans le lot, une photographie de Doolan dans sa rue avec le parapluie. 6 x 4 in." ; la plupart des descriptions sont très personnelles et semblent raconter une histoire d'amour : une rencontre, une romance, des conflits, des réconciliations, des doutes et puis une rupture.

Et puis, beaucoup de lettres, de courriels, de notes glissées dans des livres ou dans des poches de manteaux, de mots écrits sur des menus ou des programmes de théâtres. Qui deviennent des dialogues. Leonore et Harold se parlent continuellement : "Lot 1149 Programme de théâtre. Programme des Misérables. Dans la marge, Doolan et Morris ont écrit alternativement : Atroce / Insupportable / Qui nous a invités ? / Costume marron / Sa fille joue Éponime ? / Doublure d'Éponine / Elle n'est même pas dedans ? / Il faut qu'on reste / Tu me revaudras ça / Ok / Ok / Je t'aime. 7 x 5 in. 10 -15 $ ".

J'arrête ma lecture pour internéter mon questionnement... (oui, internéter... c'est un mot..). Quelques clics confirment mon doute : tout ceci est un montage, un roman, un exercice de style, une fiction ! Quelques sites semblent dire le contraire, mais c'est confirmé par l'auteur et voici la page wikipedia de "Leonore", Sheila Heti de son vrai nom !

Leanne Shapton dit avoir eu l'idée de son oeuvre après avoir vu la vente aux enchères d'objets ayant appartenu à Truman Capote. En feuilletant le catalogue de cette vente, elle réalise qu'elle lit un peu sur la vie de l'auteur. Elle a l'impression d'être un "voyeur", d'entrer dans la vie intime de Capote. Comment une lampe, une tasse, une brosse à dent... comment ces objets peuvent-ils devenir synonymes de ce qu'une personne a été... Les objets de nos vies nous racontent. Ils font partis de nos vies. Que nous soyons matérialistes ou minimalistes, ils reflètent nos vie, notre relation aux autres et aux objets.

Elle décide donc de créer une relation de toute pièce. Deux "acteurs" (deux amis, Sheila Heti, une auteure, et Paul Sahre, un designer graphique), des objets ordinaires, des descriptions et beaucoup d'extraits de lettres et de mots... et nous avons un roman-photo en quelque sorte. L'histoire racontée est classique, banale : un homme et une femme se rencontrent, commencent une relation, apprennent à se connaître, se découvrent, s'exaspèrent, ne se comprennent plus, s'éloignent, se séparent...On se doute bien de toute façon de l'issu de cette relation... cette vente aux enchères en est l'aboutissement.

Mais de découvrir tout cela à travers des objets est fascinant et nous oblige à regarder les objets qui nous entourent d'un autre oeil... Que dirait-on sur notre vie si on observait et analysait les objets qui nous entourent ; les cartes et les lettres que nous avons reçus ou envoyés, les photos que nous conservons, les bibelots que nous exposons dans notre salon, les vêtements que nous portons... Tous ces objets - ou l'absence de ces mêmes objets - nous définissent.

Évidemment, on sent la main de l'auteure, on voit bien que ces amoureux s'écrivent un peu trop... beaucoup de notes trouvées dans les poches de manteaux et qui laissent présager l'évolution de la relation. Rien n'est innoncent dans les objets choisis et décrits. Même les "dommages" et le fait que certains objets ne sont "pas photographiés" ont leur raison d'être. Rien n'est laissé au hasard dans ces descriptions d'objets. On peut même parfois comprendre des choses dans les prix ! Mais ce n'est pas important... on peut oublier ces "efforts".

Car ce roman est tout simplement captivant... et l'implication sociologique tout aussi hallucinante - les objets nous définissent-ils à ce point et que signifie l'idée que nous vendons aux enchères les objets d'une vie ?

J'ai adoré !!!!!!! (je n'étais pas certaine si c'était clair :P ). Ce fut pour moi une rencontre inattendue et incroyable !

Le livre pourrait devenir un film et apparamment que Brad Pitt et Natalie Portman auraient été approché pou tenir les rôles principaux.

Les mots de l'auteur

"Lot 1105 - Liste manuscrite. Liste, écrite par Doolan sur du papier jaune. -- Texte : Pour : drôle, bon au lit, autre monde,  voyages, art / Contre ; dépressif - alcoolique ? obsédé par la célébrité, mauvaise haleine, tout le temps en voyag, ne s'intéresse pas à la nourriture, trop réservé. -- Feuille pliée cinq fois en deux. 14 X 8 1/2 in. -- 10-15 $" p. 47

"Lot 1107 -- Photographie -- Morris et Doolan, déguisés en Dustin Hoffman / Benjamin Braddock et Anne Bancroft / Mrs Robinson. -- Auteur inconnu. Le cliché a été plié. 6 X 4 in. -- 20 - 30$" p. 47

Pour en savoir un peu plus...

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