Antigone / Jean Anouilh. – Paris : La Table Ronde, 1976. – 133 p. ; 19 cm.
Résumé :
Cette tragédie en prose
composée d’un seul acte commence par la présentation par le Prologue des
personnages de la pièce qui sont déjà en scène lors du lever du rideau. Le
Prologue résume également la situation dans laquelle nous trouvons les
personnages ; c’est en fait un rappel de la légende de Thèbes et des faits
qui se sont passés avant le début de la pièce :
Après le départ d’Œdipe, roi de Thèbes, le royaume est gouverné par ses
deux fils, Polynice et Étéocle. Les deux frères avaient d’abord décidé de
partager le pouvoir et de régner une année sur deux. Mais après un an, Étéocle
ne veut pas céder le pouvoir à son frère. Polynice veut reprendre le trône et
réussit à assembler une armée. Une guerre se déclare entre les deux frères qui
se terminent par la mort de Polynice et Étéocle qui se sont entretués. Le
pouvoir revient alors à leur oncle, Créon. Celui-ci organise des funérailles
pour Étéocle qu’il considère être mort pour le royaume, mais ordonne de ne pas
toucher au corps de Polynice, celui qui a trahi sa patrie, de ne pas lui donner
de sépulture.
Après ce prologue, la pièce
débute avec le retour d’Antigone qui est sortie pendant la nuit. Elle cache à
sa nourrice les raisons de sa sortie nocturne. On assiste ensuite à une
discussion d’Antigone avec sa sœur Ismène, qui se doute de ce qu’elle veut
accomplir. Elle essaie de la convaincre de ne pas enfreindre les ordres de
Créon. Malgré ses doutes, Antigone est déterminée.
Elle rencontre ensuite son
fiancé, Hémon, le fils de Créon. Après s’être rassuré de son amour pour elle,
elle lui demande de lui faire confiance et lui annonce la rupture de leurs
fiançailles. Hémon ne comprend pas les raisons de cette rupture. Puis, alors
que sa sœur Ismène tente encore de la convaincre de ne pas enterrer leur frère,
Antigone lui avoue qu’elle l’a déjà fait, la nuit passée.
Pendant ce temps, on découvre
que Polynice a été recouvert de terre et on avertit Créon que ses ordres ont
été enfreints. Il fait surveiller le corps et ordonne de ne pas en parler pour
l’instant. Antigone est ensuite arrêtée par les gardes de Créon alors qu’elle
est près du corps et ne la reconnaissant pas, ils la brutalisent. Mis au
courant, Créon ne veut tout d’abord pas croire que sa nièce est responsable
d’un tel acte. Il affronte Antigone et tente de la raisonner. Mais leurs
convictions sont trop différentes et ils sont irréconciliables.
Créon veut ramener la paix
dans le royaume, étouffer tout scandale et demande à Antigone de ne plus tenter
d’ensevelir son frère. À court d’arguments, il révèle les vraies personnalités
de ses frères, et les raisons de leurs morts. Mais Antigone ne veut pas céder,
malgré ces révélations qui la bouleversent. Ne pouvant rien faire pour la protéger, Créon appelle un garde qui amène
Antigone. Le Chœur et ensuite Hémon tentent d’intercéder en faveur d’Antigone.
Mais Créon ne veut et ne peut pas empêcher sa mise à mort.
Antigone, seule avec un garde,
ne trouve aucun réconfort dans ses derniers moments. Un messager arrive sur
scène et annonce la mort d’Antigone, mais aussi la mort d’Hémon qui s’est tué
près de celle qu’il aimait. Créon revient alors sur scène, le chœur lui apprend
alors la mort de sa femme, la reine, qui n’a pu supporter la mort de son fils.
Créon se retrouve alors seul, calme. Il sort. Le chœur s’adresse une dernière
fois aux spectateurs pour clore la pièce.
Commentaires personnels :
Le mythe d’Antigone est une
histoire tragique qui semble aller au-delà de l’histoire racontée en tant que
telle. Le thème central d’Antigone ne
me semble pas son action – offrir une sépulture à son frère – mais plutôt sa
volonté de se rebeller contre l’ordre établi. L’affrontement entre Antigone et
Créon symbolise l’obligation de suivre l’ordre en place (Créon) et la volonté
de se rebeller (Antigone). Liberté de pensées et d’actions contre obligation de
suivre le pouvoir en place. Les choix qui doivent être faits amènent souvent
des conséquences irréversibles et douloureuses. Est-ce que les choix sont
toujours justifiés ? Est-ce que les convictions personnelles et la volonté
d’absolu jusqu’au sacrifice de soi justifient ces actions ?
Antigone est une tragédie et repose sur une fatalité. Nous savons qu’une mort ou
des morts auront lieu, et peu importe les événements qui suivent, il n’y a pas
d’espoir. Les personnages sont « programmés » par leur destinée,
leurs personnalités fortes, exceptionnelles et par leurs actions fortes,
intuitives et parfois violentes. Les personnages sont nobles mais ne s’opposent
pas à leurs destins. Ils savent que ce qu’ils doivent faire et ne cherchent pas
à se dérober à leurs obligations. Créon tente de convaincre Antigone mais sait
très bien qu’il ne le pourra probablement pas et qu’il devra la condamner à
mort, car telle est la loi, et il ne peut la contourner. Antigone sait qu’elle
va mourir mais rien, même certaines révélations troublantes, ne la feront
changer d’idée.
L’histoire
veut faire passer un message. Les gens accomplissent parfois leurs actions car
poussés par des motivations au-delà de leur volonté. Ils se plient à ce qu’ils
croient devoir faire… même si c’est une erreur. Il est facile de voir comment
cette réécriture du mythe d’Antigone par Anouilh a été motivée par son époque.
Et comment les spectateurs ont pu transposer les actions et les dialogues des
personnages à la réalité du moment, c'est-à-dire l’Occupation et la Résistance.
Il fut en quelque
sorte facile à Anouilh de transposer l’histoire d’Antigone car celle-ci est
intemporelle. On traite ici de l’Homme, de ses faiblesses et de ses forces, de
sa noblesse et de ses peurs. La tragédie d’Anouilh transmet beaucoup de
pessimiste. Malgré les notions de grandeur, idéalisme, passion et noblesse de
sentiment, ressort surtout la fatalité du destin. Et selon moi, l’aveuglement.
Une volonté de pureté de sentiments mais qui amène irrémédiablement à un refus
de voir autre chose que sa propre conviction.
La pièce se veut
un appel à une certaine révolte – tout en laissant toujours sous-entendu
l’obligation de se plier à certaines règles. Certains se soumettent et ne
peuvent faire autrement… faut-il les condamner ? D’autres se rebellent
malgré tout et contre tout raisonnement. Est-ce que cela vaut toujours la
peine ? Il a certes une idée d’extrême, d’affrontement entre le bien et le
mal… mais il n’est pas clairement défini ce qui est le bien et ce qui est le
mal.
La pièce va
cherche dans le classique une vision du moderne. Anouilh mélange sentiments
anciens et quotidien absurde. Les héros sont dignes des mythes anciens et sont
obsédés par des valeurs nobles, par des idéaux intemporels. Ils refusent les
compromis.
Anouilh a bien
sûr apporté quelques modifications à la tragédie de Sophocle et au mythe
d’Antigone. Il fait d’Antigone une fille simple et ordinaire alors que
l’Antigone est remarquable. Sophocle place Créon et son destin au centre de sa
tragédie alors qu’Anouilh y place Antigone. Mais le destin et le sacrifice
demeurent centraux aux deux textes.
De nombreuses
analyses de la pièce d’Anouilh existent et je conseille vivement à ceux qui
s’intéressent à Antigone, de les
lire.
Personnellement,
j’ai toujours beaucoup aimé ce mythe et j’ai aimé les deux textes, autant celui
de Sophocle que celui d’Anouilh. J’ai particulièrement aimé la lecture
d’Anouilh et l’ambiguïté qu’il laisse planer.
D’un point de vue
tout à fait personnel, j’ai cependant beaucoup de difficulté avec l’idée de
« destin » et de « sacrifice »… donc, j’ai toujours eu
envie de dire à Antigone… « oui, bon, tu l’as recouvert deux fois déjà, on
a compris ton opposition, tu as clairement noté ton désaccord… pas besoin de
mourir pour un ti-clin qui ne t’aimait pas… ». Mais bon…
Lire aussi:
Antigone d'Anouilh - I. L'auteur
Antigone d'Anouilh - II. L'oeuvre
Sources:
Citations :
« LE CHŒUR, s’avance.
Et voilà. Sans la petite
Antigone, c’est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles. Mais maintenant,
c’est fini. Ils sont tout de même tranquilles. Tous ceux qui avaient à mourir
sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le
contraire – même ceux qui ne croyaient rien et qui se sont trouvés pris dans
l’histoire sans y rien comprendre. Morts pareils, tous, bien raides, bien
inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer tout doucement
á les oublier et à confondre leurs noms. C’est fini. » p. 132
« C'est cela qui est commode dans la
tragédie. On donne un petit coup de pouce pour que cela démarre [...] C'est
tout. Après on n'a plus qu'à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout
seul. » pp.56-57