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roman
23 mars 2016

Du domaine des murmures de Carole Martinez

DDMurmures1Du domaine des murmures : roman / Carole Martinez. — [Paris] : Gallimard, c2001. – 200 p. ; 21 cm. – ISBN 978-2-07-013149-5

Quatrième de couverture

En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire «oui» : elle veut faire respecter son vœu de s'offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe...
Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l'entraînera jusqu'en Terre sainte.
Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d'une sensualité prenante.

L’auteur

Carole Martinez est née en 1966 à Créhange (Alsace) en France. Elle va avoir plusieurs emplois – serveuse, ouvreuse, vendeuse, photographe, comédienne, metteur en scène, pigiste - avant de devenir enseignante de français dans un collège d’Issy-les-Moulineaux. Elle commence à écrire et publie son premier roman pour la jeunesse en 1998 et son premier roman pour adulte en 2007. Ses romans sont nommés et reçoivent de nombreux prix dont le Renaudot des lycéens et le Goncourt des lycéens. Elle vit aujourd’hui à Paris.

Son roman Du domaine des Murmures sera adapté pour le théâtre en 2015.

Bibliographie

  • Le cri du livre (1998)
  • Le cœur cousu (2007)
  • Du domaine des Murmures (2011)
  • L’œil du témoin (2011) (reprise du roman jeunesse Le cri du livre)
  • La terre qui penche (2015)

Mes commentaires (attention spoilers)

Voici un petit roman historique qui m'a replongée dans mon époque préférée. Et j'en avais bien besoin. J'aime beaucoup le moyen-âge mais il est très rare que je lise un roman contemporain se déroulant à cette époque et que je le trouve réussi (ouf... phrase boîteuse mais que je vais laisser ainsi). Je dis "petit roman", mais je ne voudrais pas qu'on sous-estime l'histoire. Le roman est court mais incroyablement intense.

Esclarmonde a quinze ans et ne veut pas se marier. Nous sommes en 1187 et peu d'options s'offre à une jeune femme qui ne veut pas devenir épouse et mère. Elle se tourne donc vers la religion. Le jour de son mariage, alors qu'elle doit dire "oui" à un homme qu'on lui impose, elle déclare qu'elle choisit Dieu. Elle demande devant toute l'assistance réunie pour son mariage  qu'on lui construise une cellule où elle sera emmurée pour toujours pour prier. Elle déclare donc préférer vivre l'isolement jusqu'à sa mort que de vivre avec un homme qu'elle n'a choisi. Son père est furieux, son fiancé anéanti, sa suivante dévouée et le peuple ébloui.

Mais alors qu'elle se prépare à être enfermée, elle est violée par un homme. Elle ne dit rien et rejoint sa cellule. Seule une petite fenêtre lui permet de communiquer avec le monde. Mais la solitude qu'elle désirait semble lui échapper. Non seulement, les gens la considèrent comme une sainte et s'empressent devant sa tour et sa fenêtre, espérant la voir ou lui parler mais l'agression dont elle fut victime l'a poursuivie dans sa cellule. Et lorsqu'elle accouche d'un petit garçon, elle devient une miraculée. Les gens viennent de partout pour un moment avec elle, son ancien fiancé ne peut vivre sans elle et même sa belle-mère vient chercher son conseil. Seul son père est inconsolable et ne veut pas la voir.

Religion, croisades, visions, inceste, maternité, le roman est dur et incroyablement réaliste. L'époque est très bien décrite et vivante sans être trop "historique". On ressent le désespoir d'Esclarmonde et sa passion pour la vie. Pour vivre sa vie comme elle l'entend, pour ne pas se marier, pour être plus près de Dieu, elle s'est fait emmurée. Et bien qu'elle était convaincue de sa décision, maintenant les doutes l'envahissent. La situation lui échappe, le monde extérieur ne la laisse pas tranquille, la maternité l'enflamme. Mais renoncer à son isolement n'est plus de son pouvoir.

On peut bien sûr aller au-delà de l'histoire et voir dans cet isolement, une métaphore sur notre propre isolement, sur les murs que nous construisons autour de nous. On peut également lire une analyse de la condition féminine, à cet époque et aujourd'hui. Mais j'ai parfois de la difficulté avec ce type d'analyse. Était-ce l'intention de l'auteur ? Peut-être que oui, problablement pas. Plusieurs ont analysé le texte sous ces angle, cela m'a effleuré aussi l'esprit.

Mais au final, j'ai préféré me laisser porter par le texte et par l'époque. 

Les mots de l’auteur

« Car ce château n’est pas seulement de pierres blanches entassées sagement les unes sur les autres, ni même de mots écrits quelque part en un livre, ou de feuilles volantes disséminées de-ci de-là comme graines, ce château n’Est pas de paroles déclamées sur le théâtre par un artiste qui userait de sa belle voix posée et de son corps entier comme d’un instructeur d’ivoire.

Non, ce lieu st tissé de murmures, de filets de voix entrelacées et si vieilles qu’il faut tendre l’oreille pour les percevoir. De mots jamais inscrits, mais noués les uns aux autres et qui s’étirent en un chuintement doux. » p. 14

« Christ était puissant dans l’esprit des femmes de mon temps. Christ seul pouvait tenir les hommes en échec et leur arracher une vierge. Il semblait alors aux familles qu’elles concluaient avec le ciel une alliance nouvelle en cédant à Dieu une enfant qui prierait pour eux depuis le sommet des cieux ou la cellule d’un cloître. » p. 24

« Le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux. Vous avez coupé les voies, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l’oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n’imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi. » p.(?)

Pour en savoir un peu plus…

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18 mars 2016

Quelque part avant l'enfer de Niko Tackian

enfer1Quelque part avant l’enfer / Niko Tackian. –[Paris] : Scrineo, c2015.—xx cm ; 317 p. –ISBN 978-2-3674-0204-8

Quatrième de couverture

Anna est miraculée. Après un accident et deux semaines de coma, elle est toujours en vie. Est-ce la promesse d'un nouveau départ ? Une chance avec son fils et son mari de tout recommencer ?

Mais de l'autre côté, l'espace d'une infime seconde, alors que sa vie était suspendue à un fil, elle a vu le tunnel, une lumière noire, et un homme lui promettant de la tuer...

Il la poursuit encore.

Pourquoi l'a-t-il choisie comme témoin de ses crimes ? Parfois, il vaut mieux ne pas revenir...

Un thriller psychologique haletant qui traite avec brio le thème de la mort imminente.

L’auteur

Nicolas  Tackian est né en 1973 à Paris en France. Il fait des études en Droit puis en Histoire de l’art. Connu sous le nom de Niko Tackian, il est scénariste et réalisateur,  principalement pour la télévision. Il a aussi été journaliste et rédacteur en chef pour différents magazines. On le connaît également enfer2comme auteur de bandes dessinées, notamment pour L’Anatomiste publié en 2005. Il publie son premier roman, Quelque part avant l’enfer, en 2015.

Page Facebook de l’auteur

Bibliographie partielle

  • Quelque part avant l’enfer (2015)
  • La nuit n’est jamais complète (2016)

Bibliographie et filmographie sur Wikipedia

Mes commentaires

Et un autre suspense qui m'a donné l'impression de voir un film. Il faut dire que l'auteur est encore une fois scénariste et réalisateur. Et de plus, il a écrit des BD. Il sait donc offrir un rythme soutenu à son texte et nous propose des images fortes. L'histoire est rapide, les chapitres courts et le texte est dense. La thématique est intéressante et il est rare qu'on nous parle de mort imminente dans ces termes. Le roman semble osciller entre le fantastique, le roman policier, le suspense et le thriller psychologique.

Anna est une jeune mère de famille qui vit des moments difficiles dans son couple. Après un accident de voiture, elle vit une expérience de mort imminente (EMI). Mais contrairement aux récits des gens ayant vécu une expérience similaire, Anna ne ressent aucune paix et ne voit pas de lumière blanche. Son expérience est noire, désagréable, malsaine. Et elle ne voit pas d'anges bienveillants ou des membres de sa famille qui l'accueillent, elle voit plutôt un homme effrayant qui la menace et lui promet de la retrouver et de la tuer.

Elle survit à son accident mais quand elle sort du coma Anna est dévastée par son expérience. Elle revit sans cesse ces moments de mort imminente. Elle se sent menacée, elle est convaincue d'avoir été témoin d'un meurtre et a peur pour sa vie. Sa famille veut l'aider mais elle semble sombrer petit à petit dans la folie et la paranoïa. Anna tente de comprendre ce qui lui arrive et ce qui lui est arrivé lors de son EMI. Alors qu'elle tente de trouver des réponses avec l'aide d'un professeur qui fait des recherches sur les EMI, des meurtres sont commis et Anna est convaincue que le meurtrier est celui de qui la poursuit dans ses rêves. Lorsque son fils semble menacé, Anna fera tout en son pouvoir pour le sauver.

Roman fascinant et très intense. Et dont la fin m'a complètement surprise. Anna est un personnage complexe, troublé, traumatisé par une expérience incroyable et qui se bat contre des démons... des démons réels et imaginés. Les personnages secondaires sont très intéressants également. Je n'ai pas parlé beaucoup de l'enquête sur les meurtres en série mais cet aspect est également très bien mené.

Mais l'intérêt de l'histoire réside vraiment dans le combat d'Anna pour comprendre ce qui lui arrive. Et nous cherchons avec elle un sens à toute cette histoire. J'ai particulièrement aimé l'aspect sombre de l'expérience de mort imminente contrairement à ce qu'on entend habituellement. L'auteur semble être bien documenté et son texte est solide.

J'ai beaucoup aimé l'atmosphère du roman. J'ai bien noté quelques petites invraisemblances et j'aurais aimé quelques petits indices tout au long du roman pour comprendre un peu mieux la fin. Mais en général, le roman est très bien construit et vivant. Un petit mot sur la structure du texte. Le roman a 317 pages et environ 70 chapitres qui sont donc très brefs. Cela donne un rythme intense au roman qui me semble essentiel à l'histoire - et qui rejoint le côté "film" et "case de bande dessinée". Mais en même temps, j'ai été un peu essouflée et le fait de changer contamment de chapitre m'a étourdie. Mais je le répète c'est un roman intense et solide.

Les mots de l’auteur

 « Elle décida d’avancer dans une direction, le nord, et s’aperçut qu’elle n’avait pas de chaussures. Étrangement ses pieds ne la faisaient pas souffrir, comme si le tapis de neige n’était pas réellement là. Elle fit quelque pas en avant jusqu’à atteindre le tronc d’un immense chêne. L’arbre se dressait vers le ciel et ses branches transformées en piques de glace pointaient dans toutes les directions comme les bras d’une étoile. En fixant le tronc, elle aperçut un symbole gravé profondément dans l’écorce : une spirale. » p.44

Pour en savoir un peu plus…

14 mars 2016

Le cri du cerf de Johanne Seymour

cerf2Le cri du cerf / Johanne Seymour. – Montréal : Libre Expression, c2005 – 331 p. ; 22 cm. – ISBN 2-7648-0180-7

Quatrième de couverture

Un matin brumeux d'octobre, Kate plonge dans les eaux glacées de son lac près du paisible village de Perkins, dans les Cantons-de-l'Est, et trouve, flottant à la dérive, le cadavre d'une fillette. Plus tard, une seconde victime confirmera la présence d'un tueur en série dans les environs.

Qualifiée par ses pairs d'asociale et de vindicative, le sergent Kate McDougall devra mener l'enquête la plus difficile de sa carrière. Pour démasquer la Bête, elle aura à affronter ses démons et à remonter le fil douloureux de son passé.

Une démarche qui l'entraînera au cœur d'un cauchemar et qui menacera de briser le fragile équilibre sur lequel elle a bâti sa vie. Une vie marquée par le cri du cerf.

L’auteur

Johanne Seymour est née à Montréal. Elle étudie d’abord en théâtre à l’Université du Québec à Montréal puis en réalisation à l'Institutcerf1 national de l'image et du son également à Montréal. Elle étudie également à l’Université de New-York en vidéo. Elle est d’abord comédienne et elle joue principalement au théâtre. On peut la voir également à la télévision et dans quelques films.

Dans les années 90, elle laisse de côté sa carrière d’actrice pour devenir metteure en scène, réalisatrice et scénariste. Son court métrage La dernière pomme remporte le Prix du meilleur court métrage au Festival de Tunis en 2000.

Elle écrit son premier roman, Le cri du cerf, en 2004. Elle se consacre depuis principalement à l’écriture. Elle vit aujourd’hui dans les Cantons-de-l’Est.

Site web de l’auteure, sa page Facebook et son compte Twitter.

Bibliographie

  • Le cri du cerf (2005)
  • Le cercle des pénitents (2007)
  • Le défilé des mirages (2008)
  • Vanité (2010)
  • Eaux fortes (2012)
  • Wildwood (2014)

Mes commentaires

Classique ! Voici un excellent roman policier qui suit les "règles" classiques du genre : un crime, un policier, une enquête. Bon, évidemment, l'auteur ne suit pas à la lettre les fameuses 20 règles du roman policier de S.S. Van Dine publiées en 1928. Mais disons que cela faisait longtemps que je n'avais lu un roman policier aussi "classique". Et je dois avouer que cela fait changement !

Kate McDougall travaillait pour la Sûreté du Québec au quartier général, mais des guerres intestines, un caractère difficile et sa tendance à n'en faire qu'à sa tête l'ont obligée à accepter une démotion. Elle travaille maintenant dans un petit poste de campagne dans les Cantons-de-l'Est.

Le cadavre d'une petite fille qu'elle découvre dans le lac devant chez elle la projette dans une enquête sur ce qui semble être des meurtres en série. Cette enquête va ramener dans sa vie des gens de son passé, des souvenirs qu'elle voudrait oublier et la place même momentanément dans le rang des suspects. Rapidement elle se rend cependant compte que le meurtrier s'adresse à elle. Elle devra donc affronter son passé et ses propres démons si elle veut mettre un terme à ces meurtres.

Johanne Seymour nous offre ici un excellent roman avec une intrigue solide et une action soutenue. L'auteure nous amène petit à petit à comprendre l'intrigue - ce qui suit une des fameuses règles. Les personnages sont très intéressants, principalement Kate. Je me serais cependant passée de l'histoire "d'amour" - ce qui contrevient aux mêmes règles ! Mais en général, les personnages, même secondaires, sont bien développés. 

J'ai beaucoup aimé le roman de Seymour et je me suis attachée au personnage principal. Et ce qui est rare pour moi, j'ai envie de la retrouver dans les autres romans de l'auteure.

Le roman n'est pas sans défaut - quelques clichés ça et là. Et j'ai eu de la difficulté avec le fait d'appeler le meurtrier "La Bête" tout le long du roman, même une fois qu'on a appris son véritable nom. L'identifier comme "une bête" me semble réducteur et très cliché. Mais je ne m'attarderai pas sur les quelques faiblesses car le roman n'en souffre pas.

J'ai eu une très belle lecture et j'ai très hâte de le voir à la télévision. En effet, le roman a été adapté pour la télé sous le titre Séquelles avec Céline Bonnier dans le rôle de Kate. La minisérie qui aura 6 épisodes devrait être diffusée en avril 2016.

Les mots de l’auteur

« Chaque brasse la propulse encore plus profondément dans les ténèbres. Elle rêve d’être poisson comme d’autres rêvent de voler. Son corps s’exalte à chaque poussée. Dans cette matrice froide et noire, elle meurt et renaît. Elle voudrait ne jamais ressortir, prolonger sans fin ce moment, mais ses poumons la rappellent vite à l’ordre ; elle n’est qu’humide. Avec regret, Kate remonte à la surface. » p.12

« Kate sait qu’elle devrait parler, mais c’est au-dessus de ses forces. Si je ressuscite mon passé, je n’y survivrai pas une seconde fois, songe-t-elle avec désespoir. Et même si, tout au fond, elle devrait sentir que c’est faux, le monstre aveuglant de son passé l’oblige à n’envisager qu’une seule solution. Trouver le coupable elle-même. » p.247

Pour en savoir un peu plus

20 février 2016

Cocorico de Pan Bouyoucas

coco1Cocorico : roman / Pan Bouyoucas. – Montréal : XYZ, c2011. – 139 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-89261-649-1

Quatrième de couverture

Pourquoi le coq chante-t-il chaque matin? Cette question toute simple obsède Léo Basilius, un écrivain canadien venu chercher l’inspiration dans l’île grecque de Nysa. À soixante ans, il veut délaisser le polar, qui l’a rendu célèbre, pour écrire le chef-d’œuvre qui lui conférera l’immortalité. Mais tous veulent le ramener au roman policier: des voisins, qui lui racontent leur vie en espérant qu’elle devienne le sujet de son prochain livre, sa femme, qui ne comprend pas pourquoi il s’entête à délaisser un genre dans lequel il excelle et surtout Vass Levonian, le sergent-détective vedette de ses romans qui le supplie de le sortir du coma où il l’a plongé à la fin du dernier polar et de lui faire résoudre un meurtre ou deux. Mais Leo Basilius fait fi de leurs discours. Le jour où une fillette lui pose une question sur la finalité du chant du coq, il croit avoir enfin trouvé l’élément déclencheur de son futur chef d’œuvre.

L’auteur

Pan Bouyoucas, bien que d'origine grecque, est né à Beyrouth au Liban en 1946. Il arrive à Montréal en 1963. Il fait des études en architecture et ensuite en cinéma à l'Université Concordia. Il est d'abord journaliste et critique. Il travaillera aussi comme traducteur. Il commence rapidement à écrire divers textes : textes pour la radio, pièces de théâtre, nouvelles et romans. Il habite aujourd'hui Montréal.

Bibliographie

  • Le Dernier Souffle (1975)coco2
  • Une bataille d'Amérique (1976)
  • Le pourboire (1983)
  • Trois flics sur un toit (1990)
  • Le cerf-volant (1992)
  • Lionel (1994)
  • Nocturne (1995)
  • L'humoriste et l’assassin (1996)
  • La Vengeance d'un père (1997)
  • Hypatie (1997)
  • L'autre (2001)
  • Thésée et le Minotaure (2003)
  • Anna Pourquoi (2004)
  • L’homme qui voulait boire la mer (2005)
  • Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme (2010)
  • Cocorico (2011)
  • Le Tatouage (2012)
  • Ari et la reine de l'orge (2014)
  • Le mauvais œil (2015)

Mes commentaires

Petit roman sympathique, nous avons ici une petite fable sur le processus de la création et sur les difficultés d'écrire.

Leo Basilius est un auteur de romans policiers à succès. À la surprise de tous, dans son dernier roman il décide de plonger son personnage principal, le policier Vass Levoninan, dans un coma. C'est qu'il a décidé que c'était son dernier roman policier. Nous avons ici un écrivain en grande crise existentielle. Car tout va bien dans sa vie, il est marié depuis des années avec une femme et ils s'aiment encore, il a des enfants maintenant adultes, pas parfaits mais très bien, il a de l'argent et un succès mondial. Mais il n'en peut plus d'écrire sur la mort, la destruction, l'horreur. Il veut écrire sur la beauté du monde. Et surtout il veut être reconnu comme un grand auteur.

Mais il se sent incapable d'écrire dans son environnement habituel. Il décide donc de partir avec sa femme pour une île grecque, Nysa, où il avait passé un temps dans sa jeunesse et où il avait écrit ses premiers textes, des poèmes et des nouvelles, très loin du monde du roman policier. Il a le souvenir d'un paradis hors du temps où la vie simple et les habitants de l'île, particulièrement une belle jeune femme, l'avaient tant inspiré.

Mais rien ne se passe comme il le voudrait. L'île et ses habitants ont changé, se sont modernisés et l'inspiration ne vient pas. Tout le monde essaie de le ramener vers l'écriture d'un nouveau roman policier : les habitants qui lui racontent des histoires pour l'inspirer, sa femme et même son personnage principal, Vass Levoninan, qui accepte mal d'être plonger dans le coma. L'auteur est littéralement hanté par Levoninan. Il l'entend qui lui parle sans arrêt et finit par converser avec lui.

Et puis, un jour, la question innocente d'un enfant, le lance dans un questionnement qui vire rapidement à l'obsession : pourquoi le coq chante-t-il au lever du jour ? Certain que la réponse lui permettra de retrouver l'inspiration, Léo passe son temps dans les poulaillers à observer les poules et les coqs.

Évidemment, une recherche rapide dans un livre ou sur Internet aurait répondu à sa question. Mais il se lance dans une recherche de sens qui semble sans fin et qui le mène nulle part. Il s'isole de plus en plus et sa femme retourne à la maison le laissant seul avec ses pensées et ses discussions avec son détective dans le coma. Il finira par trouver sa réponse - qui n'est pas la bonne, soi-dit en passant.

C'est un roman qui se lit très rapidement. Bref et concis, avec de très courts chapitres. C'est l'histoire d'un homme finalement très égoïste et centré sur lui-même qui se laisse subjuguer par son obsession pour son travail de création. C'est évidemment une réflexion de Bouyoucas sur l'écriture, sur le travail de l'écrivain. Mais nous aurions pu remplacer l'écriture par tout autre obsession. Un travail ou une passion qui devient une obsession n'est jamais bon, finit par tout envahir et par isoler ceux qu'elle possède.

Je n'ai pas aimé Leo Basilius, l'auteur. C'est pour moi quelqu'un de très égoïste, ses tourments et son introspection d'homme d'âge mûr m'ont laissé de glace et il m'était très antipathique. Je n'ai pas non plus aimé Vass Levoninan, le personnage. Bien que j'ai eu de la compassion pour ce dernier. Quels horreurs son auteur lui a-t-il fait vivre ! Combien d'êtres fictifs aimeraient dire à leur auteur leur façon de penser sur ce qu'ils subissent à cause d'eux ?

Mais j'ai beaucoup aimé le roman ! L'écriture de Pan Bouyoucas est très vive, rapide. En peu de mot, nous saisissons les émotions et doutes des personnages. En quelques pages nous explorons les difficultés que peuvent vivre les écrivains ou tout créateur. On explore également les liens, autant l'amour que les ressentiments, entre le créateur et ses créations. Évidemment on nous parle aussi de vieillissement, d'amour, de nostalgie, de souvenirs, de modernité, de peur face aux changements et de peur face à l'immobilisme. 

Les mots de l’auteur

"Il voulait parler désormais de la beauté du monde et de sa lumière, montrer que lHumain n'a pas que des instincts mauvais, que sa tendance à créer est plus forte que ses funestre impulsions à haîr, tuer, violer, détruire et voler.

Le plus difficile restait à accomplir : comment exprimer cela sans tomber dans le sentimentalisme et la prédication ? Et surtout, sans servir du réchauffé [...]" p. 32

"Pourquoi tu m'as pas fait mourir à la fin de Lumières perdues ? dit-il à son créateur. Tes polars sont d'une logique implacable. De la première à la dermière page, pas un mot n'est arbitraire ou superflu, chaque geste et chaque réplique est mûrement réfléchi. Alors, dis-moi : si t'étais résolu à abandonner le polar à tout jamais, pourquoi tu m'as pas fat mourir à la fin de Lumières perdues ?" p. 71

Pour en savoir un peu plus…

16 février 2016

L’appel du mal de Lisa Unger

AppelMal2L’appel du mal / Lisa Unger ; traduit de l’anglais (États-Unis) par Delphine Santos. – Paris : Éditions du Toucan ; 2014. – 413 p. ; 23 cm. – ISBN 978-2-81000-601-4

Quatrième de couverture

Lana Granger est étudiante en psychologie à l’université des Hollows, une petite ville tranquille de l’état de New York. Pour financer ses études mais aussi pour mettre ses connaissances en pratique, elle prend un emploi de baby-sitter auprès de Luke, un jeune garçon à l’esprit perturbé et au comportement étrange. Déjà renvoyé de plusieurs écoles, le jeune adolescent se révèle manipulateur et cruel, prêt à toutes les manœuvres, à tous les mensonges pour contrôler ses semblables.

Un soir, la meilleure amie de Lana disparaît brutalement du foyer universitaire. Les policiers entendent tous les étudiants et arrivent à la conclusion que l’alibi de Lana ne tient pas. Ils savent qu’elle ment. Et ils savent aussi que quelqu’un d’autre connaît ses mensonges…

En matière de dissimulation et de perversité, Luke aurait-il finalement rencontré plus fort que lui ?

L’auteur

Lisa Miscione est née en 1970 à New Haven au Connecticut aux États-Unis. Sa famille vivra aux Pays-Bas puis en Angleterre avant de revenir aux États-Unis et de s'installer au New Jersey. Elle fait ses études à l'Université New School for Social Research. Elle débute sa carrière dans le monde de l'édition à New York. Elle publie son premier roman en 2002. Ses quatre premiers romans sont publiés sous le nom de Lisa Miscione. Elle prendra par la suite le nom de son mari, JeffAppelMal1 Unger. Ses premiers romans sont réédités sous ce nom.

Elle vit présentement en Floride avec sa famille.

Bibliographie 

  • Angel Fire (2002)
  • The Darkness Gathers (2003)
  • Twice (2004)
  • Smoke (2005)
  • Beautiful Lies (2006)
  • Sliver of Thruth (2007)
  • Black Out (2008)
  • Die for You (2009)
  • Fragile (2010)
  • Darkness, My Old Friend (2011)
  • Heartbroken (2012)
  • In the Blood (L'appel du mal) (2014)
  • The Whispers (2014)
  • The Burning Girl (2014)
  • The Three Sisters (2015)
  • Crazy Love You (2015)
  • Ink and Bone (2016)

Site web de l'auteur, sa page Facebook et son compte Twitter.

Mes commentaires

Quelle belle lecture ! En plein ce dont j'avais besoin. Un bon suspense psychologique qui a su me surprendre. Une intrigue bien menée qui en dévoile juste assez au fil des pages.  Je croyais avoir tout deviné dès le début, mais j'ai été bien surprise des revirements. On finit par comprendre mais au gré des indices dissimés dans le texte. Lisa Unger nous offre un texte serré et intense. Elle dose le suspense parfaitement et elle nous fait découvrir ses personnages tranquillement. Et on arrive à la fin en disant "mais bien sûr j'aurais dû le comprendre". Évidemment, il y a certaines coïncidences un peu trop faciles mais rien de trop "trop".

Le roman débute par un meurtre troublant. Une petite fille, Lana Granger, est le témoin du meurtre de sa mère par son père. Celui-ci sera d'ailleurs arrêté et sera condamné à la peine de mort. Lana ira vivre avec la soeur de sa mère et refuse tout lien avec son père.

Nous retrouvons donc Lana alors qu'elle étudie la psychologie dans une petite université dans la ville des Hollows. C'est une fille un peu étrange qui a peu d'amis. Sur les conseils d'un de ses professeurs qui est un peu son mentor, elle prend un travail de gardiennage pour un garçon de 11 ans, Luke. Celui-ci vit avec sa mère et va dans un institut spécialisé pour enfants troublés. Malgré le fait que Luke soit violent et que sa propre mère semble en avoir peur, Lana décide de rester et d'aider cette famille. Luke, lui rappelle sa propre enfance perturbée et elle semble développer un lien avec Luke. Elle accepte de jouer à un jeu avec lui ; une sorte chasse au trésor. Rapidement cependant, le jeu devient malsain et semble avoir un lien direct avec le passé de Lana. Alors qu'elle se questionne sur les motivations de Luke, sa seule amie, Rebecca, disparaît mystérieusement du campus. Sa relation avec Rebecca a toujours été tumultueuse et avant sa disparition, plusieurs ont été témoins d'une dispute entre les deux amies. La police commence à se questionner sur Lana, surtout qu'il y a près d'un an, une autre fille a été trouvée morte sur le campus et qu'à ce moment, Lana avait été une des dernières personnes à la voir. Lana se sent menacer de toute part et a peur de voir son passé et ses secrets révélés.

Le roman de Lisa Unger m'a vraiment tenu jusqu'à la dernière page. Et l'écriture de Unger est impeccable. L'histoire est racontée selon le point de vue de Lana et nous alternons entre son présent et son passé. Nous suivons ses pensées et ses émotions. Elle n'est pas des plus sympatiques, mais j'ai fini par apprendre à la connaître et m'attacher à elle. Même si elle n'est finalement pas celle que je croyais ! Le texte bascule parfois sur les pages d'un journal intime d'un mère complètement dépassée par la maternité et surtout par son enfant. Le lien entre les deux histoires semble tout d'abord évident, mais ici aussi l'auteur nous réserve des surprises.

Le personnage de Lana est fascinant et déroutant. Mais les personnages secondaires sont aussi très intéressants. Spécialement Luke, enfant perturbé, violent, dérangeant. On parle peu des enfants violents qui sont naturellement méchant, mauvais. Devient-on psychopathe ou nait-on ainsi ?

Le rythme du roman est soutenu et le suspense constant. Mais c'est véritablement l'aspect psychologique du roman qui m'a tenue en haleine et m'a fait dévoré le livre en quelques jours. Je l'aurais bien terminé en une seule soirée si je l'avais pu !  

Les mots de l’auteur

« La proie se rend-elle complice de sa mort ? N’est-on pas séduit’ d’une certaine façon, par la beauté, la grâce, voire l’âme dangereuse du prédateur ? Ne voit-on pas dans ses yeux quelque chose qui titille notre curiosité, qui nous attire, qui va même jusqu’à nous hypnotiser ? Oui, je crois qu’on se laisse sciemment tenter par le danger. Quand on e tient au bord d’un précipice  et qu’on baisse le regard au sol, qui parmi nous n’a jamais imaginé basculer volontairement et faire la chute mortelle qui nous attendrait ? On ne ressent pas uniquement de la terreur à cette pensée, mais aussi un petit frisson d’excitation, non ? Ou bien est-ce que je suis la seule à voir les choses ainsi ? » p. 47

Pour en savoir un peu plus…

Page wikipedia sur l'auteur en français et en anglais

Avis sur Goodreads

Avis sur Babelio

Quelques avis : Cali Rise, Pampoune, Sandra Bonnélie, Marnie, Pierre Faverolle, Hylyirio, Marine Reigner

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3 février 2016

La vallée du renard de Charlotte Link

ValleRenard01La vallée du renard / Charlotte Link ; traduit de l’allemand par Catherine Barret. – [Paris] : Presses de la Cité, 2014. – 462 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-258-10536-2

Quatrième de couverture

Il avait tout prévu. Tout, sauf la prison.

Un parking perdu en pleine campagne, par un après-midi ensoleillé d'août. Vanessa Willard attend son mari. Perdue dans ses pensées, elle ne remarque pas tout de suite la fourgonnette qui s'approche. Lorsque l'inquiétude s'empare d'elle, il est déjà trop tard. Un homme surgit, la maîtrise, la bâillonne et l'enlève. Enfermée dans une malle, elle est cachée au fond d'une caverne, avec de l'eau et de la nourriture pour une semaine. Mais avant d'avoir pu demander une rançon à sa famille, Ryan Lee, son ravisseur, est arrêté pour un autre délit.

Près de trois ans plus tard, Ryan sort de prison, la conscience lourde. Qu'est-il arrivé à sa victime? A-t-elle pu s'échapper ou est-elle toujours dans la grotte, réduite à l'état de cadavre? Alors que ces questions le hantent, l'histoire semble se répéter: une femme de l'entourage de Vanessa disparaît exactement dans les mêmes conditions...

 L’auteur

Charlotte Link est née en Allemagne à Francfort (Frankfurt am Main) en 1963. Elle commence à écrire très tôt et publie son premier roman à 19 ans. Elle écrit des livres pour enfants, des romans et nouvelles pour adultes. Elle écrit aussi pour de nombreux magazines et journaux. En 2007, elle reçoit le prix Goldene Feder pour son œuvre.

Biographie plus complète sur le site allemand de Wikipedia

Bibliographie sommaireValleRenard02

  • Cromwells Traum oder Die schöne Helena (La belle Hélène) (1985)
  • Wenn die Liebe nicht endet (Les Trois Vies de Margareta) (1986)
  • Sturmzeit (Le Temps des orages)(1989)
  • Schattenspiel (1991)
  • Wilde Lupinen (Les Lupins sauvages) (1992)
  • Die Stunde der Erben (L’heure de l’héritage) (1994)
  • Die Sünde der Engel (Le Péché des anges) (1995)
  • Das Haus der Scwestern (1997)
  • Der Verehrer (Le Soupirant) (1998)
  • Das Haus der Schwestern (La Maison des sœurs) (1999)
  • Die Rosenzüchterin (Les Roses de Guernesey) (2000)
  • Die Täuschung (Illusions mortelles) (2002)
  • Am Ende des Schweigens (Le Sceau du secret) (2003)
  • Der fremde Gast (L'Invité de la dernière heure) (2005)
  • Das Echo der Schuld (Le Poids du passé) (2006)
  • Die letzte Spur (La Dernière trace) (2008)
  • Das Andere Kind (L'Enfant de personne) (2009)
  • Der Beobachter (Une femme surveillée) (2011)
  • Im Tal des Fuchses (La Vallée du renard) (2012)
  • Die Betrogene (2015)

Bibliographie plus complète ici (en allemand)

Mes commentaires

Dire que je suis partagée dans mon avis est peu dire. J'écris rarement une critique immédiatement après avoir lu un roman. Mais je prépare mon texte : quatrième de couverture, auteur, mots de l'auteur, recherche, images... Tout est prêt. Il ne reste que mes commentaires à rédiger.

Et c'est ici que je bloque pour ce roman. Car au moment d'écrire mon commentaire, je me souvenais d'une lecture agréable mais je ne me souvenais pas de l'histoire. J'ai dû aller lire quelques avis pour me dire "ah oui, je me souviens maintenant". Et pour moi, ce n'est pas bon signe.

Alors voyons voir. C'est un roman un peu long à démarrer. L'auteur prend son temps pour bien mettre en place son histoire et nous présenter une panoplie de personnages. Beaucoup trop de temps selon moi, mais cela semble avoir plu à nombre de lecteurs. Disons que pour moi, cela casse un peu le suspense. Oui, ces personnages sont importants et il est essentiel de bien les comprendre pour suivre l'intrigue, mais j'aurais préféré apprendre à les connaître tout au long de ma lecture pas uniquement au début. C'est un détail, mais il m'a empêché de me perdre dans ma lecture. Une fois que le roman plonge dans le suspense, je n'étais pas accrochée. Et ensuite, les longueurs continuent.

L'histoire ? Elle est assez bien résumée dans le quatrième de couverture. Tout tourne autour de l'enlèvement de Vanessa. Et le après pour les personnages. Son mari, tourmenté par cette disparition, tente de refaire sa vie. Le kidnappeur sort enfin de prison et est lui aussi tourmenté par la culpabilité de son secret. S'ajoute à ces deux principaux personnages, les gens qui gravitent dans leur vie. Et puis arrivent d'autres disparitions... Comment est-ce possible ?

Je n'en dirai pas plus, car il faudrait en dire trop pour vraiment vous intriguer. Malgré les longueurs, l'intrigue est assez bien menée et bien que je n'étais pas renversée par la fin, j'ai été surprise. Mais je dois vous avouer que si je n'avais pas fait tout ce travail de recherche, il y a quelques mois, je ne suis pas certaine que j'aurais publié ce billet. Une lecture acceptable mais pas renversante. Dommage.

Les mots de l’auteur (Extrait)

« C’était comme si une ombre était passée sur la salle de bains. Peut-être un nuage avait-il réellement traversé le ciel, cachant un instant le soleil ?  Quoi qu’il en soit, à mon âge, je savais que la vie jouait parfois avec nous un jeu un peu cynique. Si le destin voulait que Vanessa revienne, chacun des instants que Matthew et moi allions désormais vivre ensemble serait à double tranchant. Matthew avait espéré pendant trois ans retrouver sa femme, mais si son vœu s’accomplissait au moment même où nous nous engagions l’un envers l’autre, les conséquences pourraient être dramatiques. » p.248

Pour en savoir un peu plus …

  • Page Wikipedia sur l’auteur (en français)
  • Critiques sur Babelio (12)
  • Article sur Info-culture.biz
  • L’Avis d’Elleon sur Fiches Livres
  • L’avis de Mylène Ancel sur Les lectures de Mylène
  • L’avis de Karine sur Mille et une pages
  • L’avis de Cla S sur Aux douceurs littéraires
  • L’avis d’Angélique Lily sur Les lectures de Lily
  • L’avis de Cassandre sur Romans sur Canapé
19 janvier 2016

Personne ne le croira de Patricia MacDonald

personne02Personne ne le croira : roman / Patricia MacDonald. – Paris : Albin Michel, [2015]. – 343 p. ; 23 cm. – ISBN 978-2-226-31469-7

Quatrième de couverture

Nouveau nom, nouvelle ville, nouveau départ... Hannah et Adam n’aspirent qu’à mener une vie paisible et sans histoire aux côtés de leur adorable petite Cindy sur laquelle ils veillent tendrement. Attirant sur eux l’attention des médias, une tragédie inattendue vient bouleverser les plans du couple. Pour échapper au danger qui les menace, ils vont devoir affronter un passé qu’ils tentaient d’oublier. Et qui les a rattrapés.

Patricia MacDonald n’a jamais été aussi loin. Exploration au scalpel d’une famille ordinaire, Personne ne le croira nous plonge au cœur d’un cauchemar insoupçonnable. Dont la première victime est… une petite fille innocente.

L’auteur

Patricia Jean MacDonald est née en 1949 à Greenwich dans le Connecticut aux États-Unis. Elle fait ses études à l’Université de Boston en journalisme. Elle travaille d'abord comme rédactrice pour de nombreux magazines. Elle est également éditrice.

Elle publie son premier roman The Unforgiven en 1981 et débute ainsi sa carrière d'écrivain. Elle écrit principalement des romans de suspense. Auteure renommée mondialement, ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues. Elle a reçu de nombreux prix et plusieurs romans ont été adapté à la télévision.

Elle est mariée à Art Bourgeau, libraire et lui-même écrivain. Ils habitent à Cape May près de Philadelphie.

Personne01Bibliographie partielle

  • The Unforgive, (1981)
  • Stranger in the House (1985)
  • Little Sister (1986)
  • No Way Home (1989)
  • Mother's Day (1994)
  • Secret Admirer (1995)
  • Lost Innocents (1997)
  • Safe Haven (2000)
  • Not Guilty (2002)
  • Suspicious Origin (2003)
  • The Girl Next Door (2004)
  • Married to a Stranger (2006)
  • Stolen in the Night (2007)
  • From Cradle to Grave (2009)
  • Cast into Doubt (2010)
  • Missing Child (2011)
  • Sisters (2012)
  • I See You (2014) (Personne ne le croira, 2015)

Mes commentaires

Personne ne le croira mais tout le monde l'a deviné dès les premières pages... C'est ce que je me suis dit au début de ma lecture. Et puis peut-être que je me trompe, que je me suis dit ensuite. Mais non, ai-je dit en refermant le livre, j'avais bien deviné. Peut-être que je lis trop et que je regarde trop la télévision... mais il est difficile pour moi d'être surprise par une intrigue. Je devine assez vite le "punch".

Ce qui ne veut pas dire que la lecture ne fut pas agréable. Juste sans surprise.

Alors, voici une petite famille qui semble sans histoire. Un père, une mère, une adorable filette, qui semblent bien ordinaires, sauf qu'ils sont bien discrets et qu'ils ne se mèlent pas trop aux autres. Et puis, un jour la petite fille sauve la vie de sa gardienne. Une belle histoire aussitôt difusée par les médias. Mais un véritable cauchemar pour les parents qui ont maintenant peur. Car ils vivent tous les trois sous de fausses identités et surtout dans la peur d'être reconnus et retrouvés. Par qui ? Par leur propre fille qui est la véritable mère de la fillette.

Des retours en arrière permettent alors de connaître les raisons pour lesquelles ils se sont enfuis et ont kidnappé leur petite-fille.

Ils ont toujours eu une vie normale, ordinaire et heureuse. Couple américain normal avec une fille précoce, brillante, mais un peu rebelle. À 20 ans, leur fille, déjà mère d'une petite fille, étudie en médecine et vit encore avec eux. Malgré ces difficultés, les parents adorent leur fille et leur petite-fille. Et lorsque que leur fille est accusée du meurtre de son petit ami, ils feront tout pour la défendre. Mais petit à petit les façades tombent. Leur fille devient une étrangère à leurs yeux. Et lorsque finalement, ils comprennent la vérité, ils n'ont d'autre choix que de s'enfuir avec la petite pour la protéger de sa mère. Leur propre fille.

Le roman de MacDonald est très puissant. On sent très bien l'amour que les parents ont pour leur fille ainsi que l'incompréhension et le déchirement qui se produisent en eux quand ils se rendent compte que leur enfant est un monstre. Le texte est fort et il est vrai qu'on imagine difficilement qu'une femme peut agir de la sorte avec un enfant, son enfant. Ils se sentent responsables, coupables... Est-ce leur faute si leur fille est ainsi ? Qu'ont-ils fait pour qu'elle devienne un monstre ? L'a-t-elle toujours été ? Comment l'aimer encore, comment cesser de l'aimer ? Peut-on l'aimer mais vouloir la fuir ? Des questions sans réponses. Ils ne peuvent que penser à sauver leur petite fille, la protéger et espérer que leur fille ne les retrouvent jamais.

Le livre se lit rapidement, le texte est fluide et simple. L'intrigue bien menée et serrée. Roman bouleversant. Mais encore une fois, je n'ai pas senti de surprises ou même de suspense. Une histoire tendue, un drame psychologique intense, oui. Mais un suspense rempli de rebondissements et de mystères, non.

Une belle lecture que j'ai apprécié, même si je m'attendais à plus.

Les mots de l’auteur

 “Hannah s’écroula dans le rocking-chair devant la fenêtre. Autrefois, dans leur premier appartement, elle s’était souvent assise dans ce fauteuil, avec son bébé dans les bras. Elle berçait Lisa, elle rêvassait, imaginant la vie future de sa fille. L’université, le mariage, la réussite, des enfants. Jamais, dans ses rêves les plus extravagants, elle n’avait envisagé une accusation de meurtre. À l’époque, c’était inconcevable. Et maintenant, des années plus tard… » p. 78

Pour en savoir un peu plus…

11 novembre 2015

La sœur de Judith de Lise Tremblay

judith01La sœur de Judith : roman. – Lise Tremblay. – [Montréal] : Boréal, c2007. – 166 p. ; 22 cm. – ISBN 978-2-7646-0539-4

Quatrième de couverture

Dans ce cinquième livre, Lise Tremblay brosse un tableau du Québec rural des années d’après la Révolution tranquille, un Québec en pleine effervescence, où de nouvelles valeurs font leur chemin mais où la tradition s’accroche encore. Fine observatrice de l’humain, l’auteur de La Héronnière nous fait revivre ses années par le regard d’une fillette qui sera une adolescente avant la fin de l’été.

L’auteur

Lise Tremblay est née en 1957 à Chicoutimi au Québec. Elle étudie à l’Université du Québec à Montréal et obtient une maîtrise en création littéraire. Elle enseigne la littérature au Cégep du Vieux-Montréal.

judith02Son premier roman paru en 1990, L’hiver de pluie, reçoit en 1991 le Prix de la découverte littéraire de l’année au Salon du livre du Saguenay-Lac-St-Jean ainsi que le prix Joseph-S.-Stuffer du Conseil des arts du Canada. En 1999, elle reçoit le Prix du Gouverneur général pour La danse juive paru en 1997 ainsi que le Prix littéraire du CRSBP du Saguenay-Lac-St-Jean. Son recueil de nouvelles La Héronnière reçoit Le Grand Prix du livre de Montréal, le Prix des libraires du Québec et le Prix Jean-Hamelin.

Bibliographie

  • L'hiver de pluie (1990)
  • La pêche blanche (1994)
  • La danse juive (1997)
  • La héronnière (2003)
  • La sœur de Judith (2007)
  • Chemin Saint-Paul (à paraître en septembre 2015)

Mes commentaires

Le roman de Lise Tremblay peut sembler banal ; le simple récit du passage de l’enfance à l’adolescence d’une petite fille pendant un été à la fin des années 1960. Il ne s’y passe pas grand-chose. La narratrice de 11-12 ans nous raconte simplement ses derniers jours d’école primaire, son été, puis sa rentrée au secondaire. Rien d’autre. Elle partage sa vie qu’elle ne trouve pas très palpitante. Elle aimerait bien plus avoir une vie comme Claire, la sœur de sa meilleure amie Judith.

C’est un texte simple, sincère, dépouillé et terriblement efficace. Il peut être difficile d’écrire un roman avec une enfant-narrateur, mais ici l’auteur réussit parfaitement. Nous croyons aux mots de l’enfant sans se sentir dans une narration trop enfantine.

Le texte nous propose une tranche de vie, qui peut sembler banal et anecdotique, mais qui m’a rejoint comme lectrice. Je n’ai pas grandi à la même époque. Je n’avais pas les mêmes préoccupations, les mêmes doutes, les mêmes sourires, les mêmes larmes. Mais je me suis retrouvée dans le texte. Et surtout dans cette amitié entre les deux fillettes qui ne survivra pas à la fin du primaire, à la fin de l’été et au commencement d’une nouvelle vie au secondaire.

La narratrice vit dans une époque en transition. Et elle-même se transforme. Elle vieillit. Elle forge sa personnalité. Elle passe de l’enfance à l’adolescence avec tout ce qui cela comporte comme transformation : de nouvelles expériences et surtout la perte d’une partie d’elle-même.

Qu’en est-il de l’histoire ? Une fillette passe de l’enfance à la pré-adolescence l’espace d’un été. Elle passe cet été à lire, à penser aux garçons, à se sauver de sa mère, et à papoter avec sa meilleure amie Judith. Leur sujet préféré est bien entendu la sœur de Judith, Claire, qui quitte Chicoutimi pour aller à Montréal afin de participer à un concours de danse. Elle représente à leurs yeux, la fille parfaite : jeune, belle, à la mode, elle a un copain riche et beau, et elle va peut-être danser avec un groupe de musique populaire. Elle est tout ce qu’elles aimeraient être.

Mais rien n’est vraiment parfait. Et la narratrice doit se confronter aux déceptions, les siennes et celles des gens qui l’entourent. Et lorsque l’été finit et qu’elle commence le secondaire, elle a changé.

Les mots de l’auteur

« Le camelot a jeté le journal du dimanche à moitié mouillé sur le tapis de l’entrée. Dès que je l’ai entendu fermer la porte, je me suis levée en courant. Je voulais être la première à voir la photo de Claire. J’ai pris le journal et j’ai commencé à chercher. La photo était à la page 22 et on voyait Claire encadrée de ses deux parents. Monsieur Lavallée portait un complet. L’article racontait l’histoire de Claire, comment elle était passée du quart de finale, à la demi-finale et à la finale du concours de danse. Si elle gagnait, elle allait passer l’année comme danseuse à gogo dans le spectacle d’adieu que Bruce et les Sultans allaient donner partout dans la province. Je n’en revenais pas, si elle gagnait, la sœur de ma meilleure amie allait voir Bruce en personne et peut-être qu’elle allait l’inviter à jouer au mini-putt dans leur cour arrière et peut-être qu’on pourrait le voir. Judith et moi on ne parlait que de ça et on passait une grande partie de notre temps à aider son père à finir le mini-putt avant le début de l’été. Ils avaient un grand terrain et leur père avait décidé de construire son propre mini-putt. » p.9  

Pour en savoir un peu plus…

6 août 2015

La corde de Stefan Aus Dem Siepen

corde2La corde / Stefan Aus Dem Siepen ; traduit de l’allemand par Jean-Marie Argelès. – [Paris] : Éd. Écriture, 2014. – 153 p.;  23 cm. – ISBN 978-2-35905-142-1

Quatrième de couverture

Les habitants d’un village situé à l’orée d’une immense forêt mènent une vie simple, rythmée par les saisons. Un jour, l’un d’eux découvre dans un champ une corde qui s’enfonce dans les bois. Comment est-elle apparue ? Où mène-t-elle ? Délaissant leurs familles, les hommes décident de la suivre. D’abord accueillante, la forêt devient peu à peu menaçante, hostile. Les villageois s’obstinent pourtant, quitte à manquer le début de la récolte et à courir au-devant du danger… Comment l’irruption de l’inattendu au sein d’une société bien réglée parvient-elle à en perturber l’équilibre ? Récit d’une quête absurde, ce conte baigné de romantisme sombre offre une réflexion sur les passions humaines.

L’auteur

Stefan Aus Dem Siepen est né en 1964 à Essen en Allemagne. Il étudia à Munich en Droit. Il rejoint le corps diplomatique allemand et sera posté à Bonn, au Luxembourg, à Shanghai et à Moscou.  Il s’établit ensuite à Berlin et travaille au ministère des Affaires étrangères. Il publie son premier roman, Luftschiff, en 2006.

corde1Bibliographie

  • Luftschiff (2006)
  • Die Entzifferung der Schmetterlinge (2008)
  • Das Seil (La corde) 2012
  • Der Riese (2014)

Mes commentaires… (je dis presque tout sur la fin, vous êtes avertis !)

Un village tranquille, sans histoire, anonyme, isolé et sans lieu défini. Nous sommes aujourd’hui ou hier. Cela se passe au siècle dernier ou alors celui d’avant ou encore dans un futur rapproché. On ne le sait pas vraiment. Comme beaucoup de conte, l’histoire racontée par l’auteur n’a pas de lieu précis, pas d’époque définie.

Conte, parabole, réflexion philosophique, délire littéraire… le roman de Stefan Aus Dem Siepen a été décrit de nombreuses façons. L’auteur avoue lui-même s’être inspiré d’un rêve qu’il a fait. Ce rêve étrange d’une corde mystérieuse dont il ne voyait pas la fin lui a semblé une bonne prémisse pour un roman et lui a paru une belle parabole sur les obsessions qui nous habitent.  Il dit s’être ensuite inspiré des contes de Grimm pour écrire son histoire. Et on ressent très bien les aspects sombre et menaçant de la majorité des contes et fables.

Un villageois découvre un jour, une corde en bordure du village. Un bout à ses pieds, elle s’enfonce dans la forêt noire. Objet anodin dans un lieu incongru, la corde attire la curiosité de tout le village. On découvre bientôt que l’autre bout semble se perdre bien loin dans la forêt. Les villageois s’interrogent tous sur la provenance de la corde et le fait qu’elle soit apparue soudainement : qui l’a mise à cet endroit ? pourquoi ? jusqu’où va-t-elle ? Beaucoup de questions sans réponse. Quelques hommes décident de la suivre pour trouver l’autre extrémité. Mais une première expédition revient bredouille et dans le drame.

La curiosité se transforme en obsession et tous les hommes du village (sauf un qui reste pour garder) partent pour résoudre cette énigme. Mais ce qui devait être une expédition d’une journée se transforme en une quête qui n’aura pas de fin.

Car il n’y aura pas de fin. Et cela, je m’en doutais depuis le début. Parce que comment pourrait-il y avoir une fin ? Enfin, je le savais ou plutôt je l’espérais. Car j’aurais été très déçu par toute fin qu’aurait pu proposer l’auteur. Cela n’aurait pu être que décevant. Soit l’explication aurait été banale, normale et décevante ; soit l’explication aurait relevé du domaine du fantastique et, selon moi, il y aurait eu peu de chance pour qu’on y croie. Donc, nous ne saurons jamais pourquoi la corde a été mise là, ni où elle se termine.

La corde ne se termine probablement pas. Et les villageois n’auront jamais de réponses à leurs questions. Et ne reviendront de toute façon probablement jamais à leur village. Qui sera abandonné comme celui qu’ils ont croisé à un moment.

Bien sûr qu’en quelque part, j’aurais voulu savoir. Mais il est nettement préférable de ne pas le savoir. Et donc nos propres questions n’auront, elles aussi, aucune réponse. On ne peut que suivre cette quête vers l’inconnu amorcée par une curiosité irrépressible. On ne peut que lire sur ce désir incontrôlable de toujours vouloir plus ; sur le danger de rester sédentaire et le danger de vouloir tout changer.

Le récit de l’auteur nous permet de suivre d’un côté, l’expédition  qui part à la recherche de réponses et d’un autre la longue attente de ceux qui sont restés au village. Les deux groupes s’enfoncent dans la noirceur et l’isolement. Ils sont tous poussés à l’extérieur de leur quotidien, de leurs habitudes, de leur confort dans l’inconnu.

On peut analyser le texte de l’auteur de nombreuses façons et les symboles semblent multiples : le village, la corde, les personnages, la forêt, etc. Le texte soulève beaucoup de question, tout comme la corde, et nous oblige à nous questionner sur la nature humaine.  Tout semble avoir une signification. Allégorie philosophique, psychologique, sociale, morale… On y a même vu une métaphore idéologique,  historique et politique. C’est le propre des contes.

Les mots de l’auteur

« Ce petit geste le rendit plus heureux encore, car toujours il fallait qu’il fasse quelque chose, si peu que ce fût, toujours il lui fallait œuvrer à son propre bonheur afin de pouvoir en profiter pleinement ; s’il s’était contenté de contempler le visage endormi, une inquiétude se serait aussitôt éveillée en lui – une peur sournoise, inexplicable, qui surgissait sans cesse, parfois dans les moments de plus grand bonheur, la crainte que la vie douce et paisible qu’il menait avec les siens pût ne pas durer. » p. 13

«La corde arrachait maintenant les paysans à tout cela, éveillant en eux un désir demeuré jusqu’ici caché dans les régions les plus inaccessibles de leur âme : échapper, ne serait-ce qu’une fois, à leur petit univers, couper, dans un moment de joyeuse et folle insouciance, les mille fils qui les enchaînaient à leur chez-eux. » p.62

Pour en savoir un peu plus…

3 juin 2015

Histoires d'ogres de Katia Gagnon

Ogres1Histoires d'ogres : roman / Katia Gagnon. -- [Montréal] : Boréal, 2014. -- 244 p. ; 22 cm. -- ISBN 978-2-7646-2322-0

Quatrième de couverture

Quel destin attend Jade, une jeune escorte adepte de crack ? Et Stéphane Bellevue, ce pédophile en libération conditionnelle qui a purgé une peine pour le meurtre sordide d’un adolescent ?

Après La Réparation, Katia Gagnon nous offre un second roman qui s’inspire d’histoires vraies. Encore une fois, elle met en scène le personnage attachant de Marie Dumais, journaliste en quête de scoops et d’amour. Elle nous entraîne dans son exploration de la marge et des êtres troubles qui y vivent.

Si la plupart des personnages de ce roman sont des écorchés vifs, des carencés affectifs, des êtres humains qui se rejoignent dans leur souffrance, seuls quelques-uns d’entre eux atteignent le point de bascule, celui qui les fait passer à l’acte. Pourquoi ?

L'auteur

Katia Gagnon est née en 1970. Elle a étudié à l'UQAM où elle a obtenu un baccalauréat en communications. Depuis 1996, KG2elle est journaliste dans le quotidien La Presse. Elle y occupera diverses fonctions dont éditorialiste et directrice des informations générales.

Elle publie son premier roman en 2011, La réparation. Elle continue d'écrire et de travailler comme journaliste.

Bibliographie

  • Au pays des rêves brisés (avec Hugo Meunier - Témoignages)  (2008)
  • La réparation (2011)
  • Histoires d'ogres (2014)

Pour lire certains de ces articles dans La Presse. Son compte Twitter. Une entrevue avec l'auteur dans la revue Les libraires.

Mes commentaires

Je dois dire j'ai été réellement surprise par ce 2e roman de Katia Gagnon. Surtout lorsque j'ai réalisé qu'encore une fois l'auteure propose deux histoires dans son roman. Ou plutôt, nous avons d'un côté les vies de différents personnages marginaux et d'un autre côté, on nous retrouve encore une fois, Marie Dumais, la journaliste de La Réparation. On la suit à nouveau dans le reportage qu'elle cherche à écrire : son enquête, les entrevues, etc. Et on est également témoin de sa rencontre puis de sa relation balbutiante avec un libraire.

Donc "deux histoires" encore une fois. Et on retrouve le même personnage. Quand un auteur reprend une technique narrative qu'elle a déjà employée ainsi qu'un même personnage, ça m'inquiète toujours. Surtout que j'avais un peu déploré cette multiplication d'histoires dans le premier roman. Mais c'était sans compter sur le talent de Katia Gagnon. Car j'ai vraiment beaucoup aimé ces histoires d'ogres. Et j'ai adoré retrouvé Marie Dumais... et chose exceptionnelle, j'espère la retrouver dans un futur roman. Je suis conquise !

Nous retrouvons donc Marie qui travaille un nouveau reportage. Cette fois son enquête porte sur Stéphane Bellevue, un pédophile et meurtrier qui est remis en liberté après avoir purgé sa peine de prison. Bien qu'au centre du roman, le personnage de Bellevue n'est vraiment rencontré qu'à travers son passé et les gens qui l'ont connu et l'entourent. Marie va tenter de comprendre ce qui fait que Stéphane Bellevue est devenu le monstre, l'ogre qu'il est maintenant. Et rien n'est blanc ou noir. Rien n'excuse, mais rien n'est simple. On peut comprendre, sans pardonner ou excuser. Comme d'habitude.

Nous suivons donc Marie dans ce reportage, mais aussi dans son propore cheminement personnel, son ouverture aux autres et particulièrement dans sa relation avec un libraire un brin particulier.

Parallèlement, nous suivons aussi l'histoire d'une jeune droguée, Jade, qui après avoir perdu la garde de sa fille, devient prostituée dans un bordel. Autour d'elle évoluent plusieurs personnages de ce monde sordide. Comme pour le premier roman, cette histoire semble isolée et on ne voit pas le lien avec Marie et son reportage. Mais encore une fois, les deux histoires se rejoindront à un moment. Et c'est un lien si triste et en même temps tellement évident.

L'histoire est incroyablement bien menée. On passe d'un personnage à l'autre, d'une histoire à l'autre très facilement, sans jamais perdre le fil. L'écriture est solide et rythmée. On sent parfois l'écriture journalistique. Ce qui n'est pas un défaut. Comme dans son premier roman, on sent que Gagnon ne veut pas tomber dans le sensationnalisme. Elle veut comprendre les gens sans les juger, présenter les faits objectivement. Mais les mots de l'auteure ne sont pas froids. Les émotions sont palpables dans chaque chapitre. Et le texte de Gagnon réussit à nous rejoindre, à nous émouvoir. L'auteure s'inspire de son travail de journaliste et elle maîtrise ses sujets. Mais elle semble pouvoir se perdre dans son écriture romanesque qui lui permet d'exprimer des émotions que ses articles ne lui permettent pas.

Mon seul regret est, qu'encore une fois, certains personnages étaient vraiment intéressants et on ne fait que les effleurer. J'aurais voulu en savoir plus eux. Et même les personnages principaux m'ont semblé peu approfondi. Parfois, on déplore qu'un livre s'éternise, ici on soupire car il est trop rapide.

Les mots de l'auteur...

"J'aime les drames. Une bonne histoire triste, dramatique, avec quelques moments franchement horribles, voilà mon genre d'histoire. Les collègues me demandent souvent pourquoi je couvre toujours les affaires aussi terribles. Ils me trouvent généreuses, ils pensent que je milite pour la justice sociale.

Et moi, je n'ose pas leur dire que j'aime ça. J'aime m'immerger dans le drame de quelqu'un. Regarder par la fenêtre d'une vie. M'imaginer la vivre. Ressentir profondément la peur, la rage, la faim, l'injustice. Je peux regarder par cette fenêre aussi longtemps que je veux, capter tous les petits détails, puis recracher le tout en pleurant sur du papier.

Ensuite, en sortir. Aucun instant nest plus magnifique ce que celui-là. L'histoire est vécue, et enregistrée. C'est fini. Et moi, je sors de cette vie que j'ai vécu l'espace de quelques heures, jours, semaines, et je reprends la mienne. Jamais le soleil n'est si chaud, les draps si doux, le café si savoureux que lorsque je reprends ma vie à moi après avoir vécu un autre drae.

Et une fois sortie du trou, le plus difficile reste à faire. Écrire tout ça. Rendre l'émotion. Comment condenser la misère et la détresse dans un coup de poing qui frappera le lecteur au ventre dès les premières lignes." pp. 209-210

Pour en savoir un peu plus..

12 mai 2015

Pièces importantes et effets personnels de la collection Lenore Doolan et Harold Morris, ...

HN2Pièces importantes et effets personnels de la collection Lenore Doolan et Harold Morris, comprenant livres, prêt-à-porter et bijoux : maison de vente Strachan & Quinn, 14 février 2009, 10h et 14h, heure de New York / Leanne Shapton ; traduite de l'anglais (États-Unis) par Jukata Alikavazovic. -- [Paris] : Éditions de l'Olivier, 2009. -- 135 p., principalement des ill. ; 24 cm. -- ISBN 978-2-87929-699-9

Quatrième de couverture

Lenore Doolan et Harold Morris se rencontrent dans une soirée, tombent amoureux, vivent ensemble et se séparent. Fin de leur histoire et début de ce livre. Les objets, vêtements, etc., qui ont accompagné leur liaison et vont être mis aux enchères, sont photographiés et rassemblés dans ce catalogue.

Lenore et Harold se sont prêtés avec talent, sensibilité et humour, à la mise en scène imaginée par Leanne Shapton qui invente ainsi un genre unique : le catalogue-roman entre littérature et art contemporain.

L'auteur

Leanne Shapton est née à Toronto en 1973. Illustratrice, directrice HN1artistique pour de nombreux périodiques (dont The New York Times), et auteure, Shapton a fait des études à l'Université McGill ainsi qu'à l'Institut Pratt.

Son premier ouvrage, Was she pretty?, publié en 2006, fut sélectionné pour le Doug Wright Award, un prix récompensant les BD et romans graphiques. En 2012, elle écrivit une autobiographie sur son passé d'athlète. En effet, elle participa a de nombreuses compétitions en natation. Cette autobiographie, Swimming Studies, remporta le National Book Critics Circle Award.

Elle vit présentement à New York.

Bibliographie partielle (très partielle)

  • Was she pretty? (2006)
  • Important Artifacts and Personal Property From[...] (2009)
  • Swimming Studies (2012)
  • Sunday Night Movies (2013)

Site de l'auteur.

Mes commentaires

Wow. Juste wow... Quel livre ! J'ai absolument tout adoré, autant son improbalité que sa réalité. Autant le fait que je ne savais que penser de cet objet quand je l'ai tenu pour la première fois dans mes mains, que le fait que j'ai été renversé par cette démarche si particulière... et, quand j'y pense, si évidente !

Mais revenons au début. Je reçois un chariot de dons à évaluer. Nous recevons souvent des dons de livres à la bibliothèque. Parmi les livres, il y avait ce document. La couverture me dit que c'est une sorte de catalogue pour une vente aux enchères. Étrange. Je lis la quatrième de couverture qui semble confirmer cette impression. Je feuillette... Des photos d'objets accompagnés d'une description de ceux-ci, de dimensions et de prix. Bizarre. Un catalogue parmi les dons ? Vraiment curieux. Ce n'est pas habituel, disons.

Revenons au titre et à la quatrième de couverture... ceux-ci annoncent la vente aux enchères des objets ayant appartenus à un couple... Un couple célèbre ? Peut-être. Mais honnêtement, je n'ai jamais entendu parler de Lenore Doolan et Harold Morris. Habituellement, les ventes aux enchères d'objets personnels concernent des gens célèbres et connus. Mais c'est probablement moi... je ne connais pas tout le monde, tout de même !

Je commence à lire les premières pages. On semble carrément entrer dans la vie intime d'un couple avec ces objets - souvent insignifiants - ayant marqué leur vie commune. Des objets sans intérêts... des lettres, des courriels, des mots écrits sur des menus, des photos, des vêtements, des tasses, des objets insignifiants - sauf le fait qu'ils aient appartenu à ce couple... Je suis décontenancée, je ne comprends pas. Les objets d'une vie deviennent dans ce catalogue une histoire. Car si parfois la description est vague et générique : "Lot 1030 Parapluie de l'hôtel St.Regis. Parapluie marron et blanc de l'hôtel St. Regis. Bon état,  un peu défraichi. Longueur : 29 in. 10-20$ - Inclus dans le lot, une photographie de Doolan dans sa rue avec le parapluie. 6 x 4 in." ; la plupart des descriptions sont très personnelles et semblent raconter une histoire d'amour : une rencontre, une romance, des conflits, des réconciliations, des doutes et puis une rupture.

Et puis, beaucoup de lettres, de courriels, de notes glissées dans des livres ou dans des poches de manteaux, de mots écrits sur des menus ou des programmes de théâtres. Qui deviennent des dialogues. Leonore et Harold se parlent continuellement : "Lot 1149 Programme de théâtre. Programme des Misérables. Dans la marge, Doolan et Morris ont écrit alternativement : Atroce / Insupportable / Qui nous a invités ? / Costume marron / Sa fille joue Éponime ? / Doublure d'Éponine / Elle n'est même pas dedans ? / Il faut qu'on reste / Tu me revaudras ça / Ok / Ok / Je t'aime. 7 x 5 in. 10 -15 $ ".

J'arrête ma lecture pour internéter mon questionnement... (oui, internéter... c'est un mot..). Quelques clics confirment mon doute : tout ceci est un montage, un roman, un exercice de style, une fiction ! Quelques sites semblent dire le contraire, mais c'est confirmé par l'auteur et voici la page wikipedia de "Leonore", Sheila Heti de son vrai nom !

Leanne Shapton dit avoir eu l'idée de son oeuvre après avoir vu la vente aux enchères d'objets ayant appartenu à Truman Capote. En feuilletant le catalogue de cette vente, elle réalise qu'elle lit un peu sur la vie de l'auteur. Elle a l'impression d'être un "voyeur", d'entrer dans la vie intime de Capote. Comment une lampe, une tasse, une brosse à dent... comment ces objets peuvent-ils devenir synonymes de ce qu'une personne a été... Les objets de nos vies nous racontent. Ils font partis de nos vies. Que nous soyons matérialistes ou minimalistes, ils reflètent nos vie, notre relation aux autres et aux objets.

Elle décide donc de créer une relation de toute pièce. Deux "acteurs" (deux amis, Sheila Heti, une auteure, et Paul Sahre, un designer graphique), des objets ordinaires, des descriptions et beaucoup d'extraits de lettres et de mots... et nous avons un roman-photo en quelque sorte. L'histoire racontée est classique, banale : un homme et une femme se rencontrent, commencent une relation, apprennent à se connaître, se découvrent, s'exaspèrent, ne se comprennent plus, s'éloignent, se séparent...On se doute bien de toute façon de l'issu de cette relation... cette vente aux enchères en est l'aboutissement.

Mais de découvrir tout cela à travers des objets est fascinant et nous oblige à regarder les objets qui nous entourent d'un autre oeil... Que dirait-on sur notre vie si on observait et analysait les objets qui nous entourent ; les cartes et les lettres que nous avons reçus ou envoyés, les photos que nous conservons, les bibelots que nous exposons dans notre salon, les vêtements que nous portons... Tous ces objets - ou l'absence de ces mêmes objets - nous définissent.

Évidemment, on sent la main de l'auteure, on voit bien que ces amoureux s'écrivent un peu trop... beaucoup de notes trouvées dans les poches de manteaux et qui laissent présager l'évolution de la relation. Rien n'est innoncent dans les objets choisis et décrits. Même les "dommages" et le fait que certains objets ne sont "pas photographiés" ont leur raison d'être. Rien n'est laissé au hasard dans ces descriptions d'objets. On peut même parfois comprendre des choses dans les prix ! Mais ce n'est pas important... on peut oublier ces "efforts".

Car ce roman est tout simplement captivant... et l'implication sociologique tout aussi hallucinante - les objets nous définissent-ils à ce point et que signifie l'idée que nous vendons aux enchères les objets d'une vie ?

J'ai adoré !!!!!!! (je n'étais pas certaine si c'était clair :P ). Ce fut pour moi une rencontre inattendue et incroyable !

Le livre pourrait devenir un film et apparamment que Brad Pitt et Natalie Portman auraient été approché pou tenir les rôles principaux.

Les mots de l'auteur

"Lot 1105 - Liste manuscrite. Liste, écrite par Doolan sur du papier jaune. -- Texte : Pour : drôle, bon au lit, autre monde,  voyages, art / Contre ; dépressif - alcoolique ? obsédé par la célébrité, mauvaise haleine, tout le temps en voyag, ne s'intéresse pas à la nourriture, trop réservé. -- Feuille pliée cinq fois en deux. 14 X 8 1/2 in. -- 10-15 $" p. 47

"Lot 1107 -- Photographie -- Morris et Doolan, déguisés en Dustin Hoffman / Benjamin Braddock et Anne Bancroft / Mrs Robinson. -- Auteur inconnu. Le cliché a été plié. 6 X 4 in. -- 20 - 30$" p. 47

Pour en savoir un peu plus...

6 mars 2015

La vie privée des arbres d'Alejandro Zambra

VP1La vie privée des arbres / Alejandro Zambra ; traduit de l’espagnol (Chili) par Denise Laroutis. – [Paris] : Rivages, 2009. – 116 p. ; 20 cm. – ISBN 978-2-7436-1951-0

Quatrième de couverture

Julian a épousé Verónika ; Daniela, la petite était déjà là. Ce soir, dans l'appartement aux trois pièces bleue, verte et blanche, Julian guette Verónika qui n'est toujours pas rentrée de son cours de dessin. Pour tromper l'attente, il nous raconte l'histoire. La leur, la sienne.

Tout a commencé avec un gâteau aux trois crèmes. Julian le commande à une pâtissière qui travaille chez elle. La pâtissière, évidemment, c'est Verónika. Il s'éprend d'elle sur le champ mais se passe d'elle un certain temps. Puis commence à en rêver, l'appelle et finalement, à force de commander des gâteaux, attire son attention.

Souvent comparé à Jean Echenoz, Alejandro Zambra aime les personnages un peu perdus, le temps qui s'émiette, l'espace en volute. Et aussi les désirs et les rêves qui s'évaporent sans que l'on sache trop pourquoi. Ni pourquoi d'ailleurs il faudrait le savoir.

L’auteur

Alejandro Andrés  Zambra Infantas est né à Santiago au Chili en 1975. Il étudie la littérature hispanique à l’Instituto Nacional General José Miguel Carrera VP2et à l’Universidad de Chile. Grâce à une bourse universitaire, il poursuit ses études à Madrid où il obtient une maîtrise en philologie hispanique. De retour au Chili, il obtient un doctorat en littérature à l’Universidad Católica et enseigne la littérature à l’Universidad Diego Portales.

Il commence par écrire principalement de la poésie. Son premier roman publié en 2006 connaîtra un grand succès, sera traduit en plusieurs langues et sera adapté pour le cinéma et présenté à Cannes en 2011. Il reçut également plusieurs prix pour son roman.

Bibliographie sommaire

  • Bahía Inútil (poésie) (1998)
  • Roberto Bolaño : la escritura como tauromaquia (essai) (2002)
  • Mudanza (poésie) (2003)
  • Bonsái (2006)
  • La vida privada de los árboles (2007)
  • No leer (essai) (2010)
  • Formas de volver a casa (2011)
  • Mis documentos (nouvelles) (2013)

Mes commentaires

Difficile de parler de ce livre. Je dois commencer par dire que je n'ai voulu lire ce roman qu'à cause de son titre. J'avais lu le quatrième de couverture parce que je l'ai acquis pour la bibliothèque. Mais le quatrième m'a semblé ordinaire. Le livre avait de très bonnes critiques alors je l'ai acheté pour les rayons de ma bibliothèque. Puis, une fois sur les rayons, il ne m'a pas particulièrement attiré... vraiment le quatrième ne me disait rien. Je ne suis pas très "histoire d'amour", les histoires de couples, de relations, etc. ne m'attirent vraiment pas.

Mais le titre... Je ne sais pas pourquoi, mais le titre, lui, m'interpelait.. m'appelait.

Un roman très, très bref. Un peu difficile à saisir, selon moi. C'est rapide, mais l'histoire est très lente. Le roman est l'histoire d'une relation. Et elle est racontée à cause d'une absence. L'absence de Verónica qui tarde à rentrer un soir. Alors Julián essaie de rassurer Daniela, la fille de sa femme. Il lui raconte des histoires pour l'endormir. Il lui raconte la vie privée des arbres. C'est l'histoire habituelle. Mais l'absence s'allonge, s'éternise. Alors Julián se perd dans ses rêves et ses souvenirs. Et il raconte sa vie. Sa vie avant Verónica. Sa rencontre avec celle-ci. Et sa vie après.

Il m'a semblé difficile de cerner si les souvenirs étaient réels ou inventés. Mais c'est ce qui fait le charme du texte. J'avais parfois l'impression que Julián nous cachait quelque chose. Mais ce n'est qu'une impression.

Les souvenirs semblent banals et leur histoire aussi. C'est ce qui fait que l'attente du retour de Verónica est difficile et tragique en quelque sorte. Car on se doute bien qu'elle ne reviendra pas. Et malgré la lenteur du roman, j'ai senti une tension, une densité dans le texte.

Mon seul regret est la fin. Car l'histoire saute dans le temps. Et j'aurais préféré qu'il se termine dans cette attente. Cette dernière est toute la poésie du roman selon moi. Cette attente, cette absence et ces histoires d'arbres que Julián inventent pour les combler.

Pour terminer, je dirais que l'auteur aurait pu écrire un long roman en transformant cette absence en roman policier. Il aurait aussi pu, en faire un long roman d'amour. Il a choisi un texte poétique, métaphorique, lent et bref... Et un brin insaisissable. J'ai beaucoup aimé.

Les mots de l'auteurs (Extraits)

« Pour l’heure, la vie est un casse-tête qui lui semble résolu : il a été invité dans une nouvelle intimité, dans un monde où il lui revient d’être à peu de chose près le père de Daniela, la petite fille qui dort, et le mari de Verónika, la femme qui ne rentre pas encore, de son cours de dessin. Par la suite l’histoire part dans tous les sens et il n’y a presque plus moyen de poursuivre, mais maintenant, Julián parvient à prendre un certain recul qui lui permet de regarder, attentivement, avec un véritable intérêt, la retransmission d’un vieux match entre l’Inter et la Reggina. » p. 21

« Le roman continue, ne serait-ce que pour se conformer au caprice d’une règle injuste : Vérónika ne rentre pas. » p. 66

Pour en savoir un peu plus …

3 mars 2015

La réparation de Katia Gagnon

KG1La réparation : roman / Katia Gagnon. -- [Montréal] : Boréal, 2011. -- 216 p. ; 22 cm. -- ISBN 978-2-7646-2089-2

Quatrième de couverture

La journaliste Marie Dumais apprend dans les actualités le suicide d’une élève du secondaire, Sarah Michaud. Il semble que l’enfant était victime d’intimidation. On lui confie une série de papiers sur l’affaire.

Elle interroge les professeurs et les autres élèves. Elle rend visite aux parents. Ce sont de pauvres gens qui n’ont pas su défendre leur fille perdue parmi les petits bourgeois fréquentant le collège privé où Sarah n’a été acceptée que grâce à ses dons exceptionnels pour les mathématiques. Tout le monde voudrait tant qu’on cesse de parler de cette affaire, mais Marie veut savoir la vérité. Pourquoi Sarah Michaud est-elle morte ?

Dans ce premier roman mené comme un suspense, Katia Gagnon nous tient en haleine jusqu’au bout. Elle nous fait partager le destin d’êtres marqués, mais elle célèbre aussi tout le bien que peut apporter un regard qui réchauffe, une main tendue, l’amour et la compassion d’inconnus que la vie place sur notre chemin.

La Réparation est un hommage à ceux qui survivent et à ceux qui leur permettent de le faire.

L'auteur

Katia Gagnon est née en 1970. Elle a étudié à l'UQAM où elle a obtenu un baccalauréat en communications. Depuis 1996, KG2elle est journaliste dans le quotidien La Presse. Elle y occupera diverses fonctions dont éditorialiste et directrice des informations générales.

Elle publie son premier roman en 2011, La réparation. Elle continue d'écrire et de travailler comme journaliste.

Bibliographie

  • Au pays des rêves brisés (avec Hugo Meunier - Témoignages)  (2008)
  • La réparation (2011)
  • Histoires d'ogres (2014)

Pour lire certains de ces articles dans La Presse. Son compte Twitter. Une entrevue avec l'auteur dans la revue Les libraires.

Mes commentaires

Nous avons deux histoires dans le roman. Ce que le quatrième de couverture ne dévoile pas. Nous avons bien sûr, l'enquête de la journaliste Marie Dumais sur le suicide d'une adolescente, victime d'intimidation. Et nous avons aussi l'histoire de Marie-Lune Provencher, sauvée par la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse), d'une mère abusive. On devine assez rapidement le lien entre les deux histoires. Ce qui n'enlève rien à l'intensité de ces deux mêmes histoires.

Je ne peux parler de ce roman, sans devenir un peu émotionnelle. Ce sujet me touche. Et Katia Gagnon l'a très bien abordé. Ce qui est rare. Elle n'est pas tombé dans l'exagération. L'intimidation n'a pas besoin d'être frappante, parfois elle est insidieuse. Mais elle est là.

J'ai appris aussi que l'auteur s'est inspirée d'un fait divers qu'elle a voulu à l'époque couvrir. Un jeune garçon, victime d'intimidation, disparaît. L'auteure, qui couvre les affaires sociales, essaie de contacter l'école du jeune garçon pour essayer de comprendre les raisons de cette disparition. On lui refuse l'accès à l'école. Elle en fera un reportage fictif. Ce qui en fait un texte intimement réaliste.

Maintenant, revenons au texte. Gagnon écrit très bien. Et elle sait doser son intrigue. Son écriture est simple et nous rejoint facilement. Parfois, un peu simple... à la limite de l'analyse... C'est même ce qu'on lui reproche parfois. Mais, selon moi, l'auteure arrive à ne pas basculer complètement dans le journalisme pur et simple. Le texte demeure fluide, doux et prenant.

On reproche aussi à l'auteur de ne pas assez condamner les intimidateurs et leurs "complices" (écoles, parents, etc.). Je dirais que oui, j'aurais voulu, moi aussi, plus de conséquences. Mais je comprends. D'un côté, il n'y a souvent aucune conséquence. Trop souvent. Et aussi... rien n'est aussi simple que ça. Coupables, non coupables... Il y a des vies. Pas des excuses mais des circonstances... Rien n'est simple.

Mais ici, j'ai de la difficulté à poursuivre mon avis car j'ai peur de trop en dire... Disons, que malgré le fait que j'ai adoré le roman de Gagnon, j'ai eu beaucoup de difficulté avec la "2e histoire". J'ai trouvé que cette histoire n'était pas nécessaire au roman et que surtout elle aurait plutôt eu sa place dans un autre roman. Elle aurait mérité un autre roman. Dans La Réparation elle était de trop. Et surtout c'était trop prévisible. Cette 2e histoire est forte, mais n'est pas nécessaire ici.

Mais l'essentiel du roman est l'intimidation. Et Katia Gagnon nous fait parfaitement comprendre et fait vivre les ravages de l'intimidation. Peu importe sa forme ; sa violence ou sa subtilité.

L'avis de Karine:), Suzanne, Prospéryne, Stellabloggeuse, Bouquineuse boulimique, Kay.

Les mots de l'auteur (Extraits)

"Persuader l'école de la laisser fouiner dans les couloirs n'allait pas être facile. Tout le monde était encore traumatisé par le décès de la jeune fille. Déjà, les parents accusaient l'école secondaire de leur fille, un collège privé, d'avoir fermé les yeux sur l'intimidation dont elle était victime. Aucune personne sensée ne voudrait d'une journaliste dans ce portrait." p. 16

"Leurs actes d'intimidation n'étaient jamais directs. Elle n'a jamais été frappée ou quelque chose du genre. Non, c'était plutôt de l'exclusion, des mauvaises blagues... -- Oui, répondit la directrice. Ils ont minimisé les actes. Ils ont prétendu que c'était fait simplement pour rire, qu'ils n'avaient rien contre la petite Michaud." p. 86

"-- Harceleurs, vous y allez un peu fort. Il ne s'agissait que de blagues, d'un goût douteux, je le reconnais, mais rien de violent. Cette histoire a été largement exagérée. En partie par votre faute, les journalistes.

Rien de violent. Marie, incrédule, souligna deux fois l'expression. Elle sortie de la classe, soufflée." p.97

Pour en savoir un peu plus

4 février 2015

La fille de l'hiver d'Eowyn Ivey - L'histoire

FH2La fille de l'hiver / Eowyn Ivey ; traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Chapman. -- [Paris] : Fleuve Noir, [2012]. -- 430 p. ; 23 cm. -- ISBN 978-2-265-09410-9

Quatrième de couverture

L'Alaska, ses forêts impénétrables, ses étendues enneigées. Son silence. Sa solitude.
Depuis la mort de leur bébé, le mariage de Mabel et Jack n'a plus jamais été le même. Partir vivre sur ces terres inhospitalières paraissait alors une bonne idée. Seulement, le chagrin et le désir d'enfant les ont suivis là-bas et la rudesse du climat, le travail éreintant aux champs les enferment chacun dans leur douleur.
Jusqu'à ce soir de début d'hiver où, dans un moment d'insouciance, le couple sculpte un bonhomme de neige à qui ils donnent les traits d'une petite fille. Le lendemain matin, celui-ci a fondu et de minuscules empreintes de pas partent en direction de la forêt… Peu de temps après, une petite fille apparaît près de leur cabane, parfois suivie d'un renard roux tout aussi farouche qu'elle. Qui est-elle ? D'où vient-elle ? Est-elle une hallucination ou un miracle ? Et si cette petite fille était la clé de ce bonheur qu'ils n'attendaient plus ?

Inspiré d'un conte traditionnel russe, La Fille de l'hiver est un roman à la fois moderne et intemporel où le réalisme des descriptions n'enlève rien à la poésie d'une histoire merveilleuse… dans tous les sens du terme.

L'auteur

Eowyn LeMay Ivey est né en Alaska. Elle étudie d'abord à la Western Washington University en journalisme et création littéraire. Puis elle étudie laFH1nonfiction romancé à la University of Alaska Anchorage. Elle travaille pendant près de 10 ans comme journaliste pour le journal Frontiersman et remporte plusieurs prix pour ses textes. Elle publie plusieurs nouvelles et essais dans différents journaux et magazines.

Elle écrit son premier roman, The Snow Child en 2012. En 2013, son roman est sélectionné pour le Pulitzer Prize pour la fiction.

Elle vit toujours en Alaska avec sa famille.

L'histoire...

La perte d'un enfant est une tragédie dont plusieurs couples ne se remettent jamais. Jack et Mabel désiraient beaucoup d'enfants, mais leur premier enfant est mort-né, et ils ne purent jamais en avoir d'autres. Pour essayer de surmonter leur peine, et pour donner une chance à leur couple, Jack et Mabel décident de laisser derrière eux leur vie confortable et de tout recommencer en Alaska.

Nous sommes dans les années 20. La vie est difficile partout. Mais ils ne s'attendaient pas à ce qu'elle soit si difficile en Alaska. Le couple n'est pas bien préparé. Ils sont pleins de bonne volonté, mais les saisons sont dures et coriaces. Le froid les enferment, les isolent. Ils s'aiment, mais sont remplis de silence et de tristesse. Changer d'environnement n'efface pas les blessures, les cicatrices. Ils se parlent peu. On sent dans le texte une solitude immense et une noirceur intolérable, malgré la blancheur de la neige.

Et puis, un jour, ils se laissent envahir par un moment de joie. Sous la neige, ils se retrouvent comme avant. Ils rient et dansent sous les flocons avec insouciance. Ils se lancent des boules de neige comme des enfants et ils commencent à faire un bonhomme de neige. Qui prend rapidement la forme d'une petite fille de neige. Ils façonnent son visage, ses cheveux, la vêtissent d'un manteau et de gants. Pour un moment, ils sont heureux. Puis, ils vont se coucher.

Le lendemain, la petite fille de neige semble avoir fondue. Il ne reste rien, même pas les vêtements et sur la neige, ils voient des traces de pas.

Une petite fille serait-elle née de la neige ? Petit à petit, ils commencent à y croire. Car une petite fille, souvent accompagnée d'un renard roux, rôde autour de leur maison. Tout d'abord insaisisable, elle s'approche de plus en plus de Mabel et Jack. Qui est-elle ? Que fait-elle seule dans la forêt ? Est-elle réelle ? Alors que Mabel ne cherche pas à le savoir,  Jack, lui, veut des réponses. Les deux, cependant, se laisseront envoûter par la petite fille, qui quant à elle se laisse peu à peu apprivoiser par le couple.

Mais la vie doit continuer. Une vie difficile remplie d'épreuves saisonnières. Cet hiver est particulièrement dur pour ce couple qui n'a pas encore pu emmagasiner assez de vivres et qui vit dans l'isolement. Mais petit à petit, ils vont s'ouvrir aux autres habitants de la région. Et l'histoire nous entraîne vers le récit du quotidien de ces gens qui peuplent l'Alaska : les printemps et étés trop brefs où il faut semer et travailler au champ, les automnes où il faut récolter, les hivers où il faut survivre. Mais l'histoire nous raconte aussi l'entraide entre les habitants et les amitiés qui naissent petit à petit.

Et donc la vie continue pour Mabel et Jack. Ils travaillent forts, se lient d'amitié avec les voisins. Et chaque hiver retrouvent la petite fille qui maintenant les a acceptés mais qui disparaît à tous les printemps.

Commentaires à suivre...

Extraits

"Mabel ne pouvait s'empêcher, chaque fois qu'elle pensait à l'enfant, de se rappeler le soir où il l'avaient modelée dans la neige. Jack avait sculpté ses lèvres et ses yeux. Mabel lui avait donné des moufles et coloré la bouche en rouge. Cette nuit-là, une enfant leur était née, d'une poignée de glace et de neige, et de beaucoup d'amour." p233

À consulter

 

28 octobre 2014

Nous avons tous peur de B.R Bruss

bruss2Nous avons tous peur / B.R. Bruss. – [Paris] : Baleine, c2007. – 252 p. ; 17 cm. – ISBN 978-2-84219-419-2. – (Collection Baleine Noire / dirigée par J.-F. Platet)

Quatrième de couverture

Les habitants d'une petite ville canadienne ont peur. Une peur pas ordinaire. Une peur qui leur fait quitter la ville, ou qui les rend fous. Un jeune journaliste du Winnipeg Standard est envoyé pour enquêter et comprendre. Il y découvrira l'horreur...

L’auteur

Auguste Isidore René Bonnefoy est né à Lempdes-sur-Allagnon en Haute-Loire en 1895. Après la Première Guerre Mondiale, il devient journaliste. Il publie son premier roman, Gilbert et l'Autorité, en 1928 sous le nom de René Bonnefoy. Il écrit plusieurs romans sous ce nom. Puis après la Deuxième Guerre Mondiale, dans laquelle son implication semble controversée, il recommence à écrire sous divers pseudonymes. Il s'intéresse également à l'art ; il est illustrateur, peintre et sculpteur. Il utilise divers pseudonymes pour signer ses oeuvres.

Il meurt à Paris en 1980.

Sa biographie est complexe et extensive. Elle est remplie de controverses également. Pour mieux connaître l'auteur, son oeuvre, etc., je vous conseille cet excellent site : brbruss.fr. Je vous conseille également les articles sur le site Fantastik Blog (Charles Moreau).

Bibliographie partielle

Plus de 80 romans et nouvelles, sous divers pseudonymes.

Sous le nom de René Bonnefoy - Plusieurs nouvelles et 6 romans dont :Bruss1

  • Gilberte et l'Autorité (1928)
  • Bacchus-Roi (1930)
  • Aspects de Royat (1932)

Sous le nom de B.R. Bruss - plus de 50 romans dont :

  • Et la planète sauta... (1946)
  • L'apparition des Surhommes (1953)
  • La guerre des soucoupes (1954)
  • Maléfices (1956)
  • Nous avons tous peur (1956)
  • Bihil (1961)
  • Le mur de lumière (1962)
  • Complot Vénus-Terre (1963)
  • Les translucides (1964)
  • Le soleil s'éteint (1965)
  • Parle, robot ! (1969)
  • Les Hamils (1971)
  • Les espaces enchevétrés (1979)

Sous le nom de Roger Blondel - une dizaine de romans dont :

  • Le mouton enragé (1956)
  • L'archange (1963)
  • Bradfer et l'éternel (1964)
  • Le boeuf (1966)
  • Les graffitis (1975)
  • Les fontaines pétrifiantes (1978)

Sous le nom de Georges Brass (romans érotiques) - 7 romans dont :

  • Faiblesses de femmes
  • L'amour ne se mange pas en salade
  • Hôtel du plaisir
  • Les corps en feu

Il publie sous d'autres pseudonymes dont Jacques Huriel, Marcel Castillan, Roger Fairelle. Il fait également plusieurs traductions sous le nom de Roger Bertin.

Vous pouvez lire une bibliographie très complète ici et sous forme de tableau ici.

Commentaires personnels (attention spoilers)

Je dois commencer par dire que je ne connaissais pas du tout René Bonnefoy sous aucun de ses pseudonymes. Ce qui semble étrange à lire sa biographie et à voir son extensive bibliographie. Jamais entendu parler ! Et pourtant j'ai étudié en Études françaises. Et même si nous ne lisions pas tout, évidemment, nous avions de nombreux cours d'histoire de la littérature... toutes les époques, tous les genres. Même le cours sur la science-fiction ne l'a jamais mentionné, alors qu'il semble y avoir consacré plusieurs romans. Enfin... passons.

Ensuite, disons également que j'ai lu Nous avons tous peur, uniquement pour valider mon intuition qu'il était mal classé. C'est une raison comme une autre. Lorsque je fais de l'élagage et qu'un livre a de très mauvaises statistiques de prêt, je me questionne. Ce livre était dans la section Science-Fiction de la bibliothèque, qui est très utilisée. Après quelques recherches complétées par une lecture du livre (oui oui, des fois, je me sacrifie pour prouver une théorie !) et bien, ce roman n'avait rien à faire en Science-Fiction ! Allez hop, reclassification dans la fiction générale - car nous n'avons pas de section Fantastique/horreur.

Nous avons tous peur fut publié en 1956 mais a été réédité de nombreuses fois. Le roman est considéré comme une des oeuvres classiques de la collection Angoisse de la maison d'édition Fleuve noir.

L'histoire se situe à Cockshill, une petite ville de la Saskatchewan au Canada, au milieu des années 50. (Je précise "de la" ou "en" Saskaschewan... et non pas "dans le" comme on retrouve en page 10... je ne sais pas pourquoi mais ce genre "d'erreur" m'achale au plus haut point. C'est sans importance, je le sais, et je ne suis pas à l'abri d'en faire moi-même, mais je n'ai pas de correcteur ou de maison d'édition derrière moi, enfin !) Un journaliste est envoyé sur place pour enquêter sur un mystère qui ne semble pas très important mais qui l'intrigue tout de même : les habitants semblent fuir la ville, pourtant agréable et prospère. Les gens quittent la ville, un à un, sans apparente raison.

Dès son arrivée, il commence son enquête. Et alors que les gens vivant à l'extérieur de la ville ne semblent pas comprendre eux-même ce qui affecte ses habitants, il se rend compte rapidement que ces derniers semblent, quant à eux, exténués et apeurés. Personne ne veut d'abord répondre à ses questions. Il parcours la ville qu'il trouve belle, paisible, florissante. Et pourtant, les gens la fuient ; ils déménagent, deviennent fous ou se suicident. Ceux qui restent sont terrifiés.

Mais dès sa première nuit, un début de réponse commence à se former. Un terrible cauchemar l'a profondément troublé. Il tente de l'oublier mais petit à petit il commence à comprendre ce qui terrorise tous les gens qui vivent à Cockhill.

Le livre commence doucement. L'intrigue est mise en place lentement. On nous présente le journaliste, on apprend à le connaître avant son arrivée dans la ville. Ce qui nous permet de mieux voir les changements qui s'opèrent petit à petit en lui. Le mystère s'installe tranquillement. Et on sent la peur qui s'intensifie au fil des jours - des pages. On en dit peu. Jamais nous ne saurons avec exactitude la teneur des cauchemars du journaliste, ou des autres résidents. On sait qu'ils sont horribles, qu'ils sont terriblement personnels et qu'ils mettent en scène la même créature, Blahom (nom un peu ridicule selon moi,  mais certains l'ont trouvé très intéressant).

L'auteur nous plonge au coeur d'une histoire suffoquante où les gens sombrent dans l'horreur à chaque fois qu'ils ferment les yeux. C'est un texte qui est terriblement efficace. Épuisés, les gens tentent par tous les moyens de ne pas dormir. Ils ne travaillent plus, les enfants ne vont plus à l'école. Ils errent dans la ville. Et on ne peut pas s'empêcher d'avoir un peu peur lorsque nous posons le livre pour aller soi-même se coucher !

Mais malheureusement, l'histoire s'éternise un peu. On ajoute un 2e journaliste et on soupoudre une histoire d'amour un peu ringarde. Et puis, cela se répète un peu. Puisque personne ne dit rien sur les raisons de leur peur, on ne peut que répéter les mêmes scènes. Certaines sont cependant très bien menées et très angoissantes, même si on ne nous présente rien de bien épeurant... Pas de bains de sang, pas de monstres cachés... mêmes les rêves cauchemardesques peuvent sembler bien anodins à la lecture puiqu'on les décrit à peine. La peur se construit petit à petit. Les images terrifiantes ne sont qu'évoquées. On doit tout s'imaginer.

Mais on attend tout de même des explications et nous n'en auront pas vraiment. Ou plutôt plusieurs toutes très décevantes et à la limite de la facilité. On ne répond jamais aux questions. Pourquoi les gens sont-ils tous victimes du même cauchemar ? Assiste-t-on ici à une hystérie collective, à un effet de contagion ? Sont-ils victimes d'un être irréel ou alors bien réel ? S'agit-il d'un envoûtement ? Et surtout pourquoi cela cesse-t-il lorsqu'ils quittent la ville ? Enfin, nous sommes au prise avec un nombre incalculable de questions qui ne seront jamais répondues. Probablement l'intention de l'auteur, mais cela m'a beaucoup déçue. Je trouve cette façon de ne rien dire pour laisser planer les doutes et les incertudes trop facile. Pendant des pages et des pages, on laisse l'angoisse monter et monter. Le suspence est insoutenable et puis, plus rien. C'est terminé. Dans un sens, je comprends pourquoi l'auteur voudrait laisser le mystère entier. La peur ne partira jamais puisqu'on ne sait pas ce qui l'a amenée. Mais je ne peux m'enlever ce sentiment que l'auteur n'avait tout simplement pas l'imagination nécessaire pour donner une explication plausible. Surnaturelle ou réelle, peu importe, mais une explication.

Enfin, cela n'enlève rien au roman que j'ai beaucoup aimé. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu un roman fantastique qui m'a tenu en haleine très longtemps et qui m'a fait me demander si je laissais les lumières ouvertes un peu plus longtemps avant de me coucher.

Extraits

« Partout ailleurs j’aurais trouvé cette promenade délicieuse. Un merveilleux silence, coupé çà et là par quelque cri d’oiseau ou quelque bruissement d’insecte, régnait dans le sous-bois. Des parfums vivifiants pénétraient dans ma poitrine. Parfois, je voyais fuir devant moi de gracieux animaux, des écureuils, des biches, de petits rongeurs rapides et furtifs. Le soleil, par endroits, jouait entre les branches.

Mais je ne tardai pas à être vaguement oppressé, bien que sachant que je ne craignais absolument rien. C’était ridicule. » p. 57

« Quelque part du côté du lac Buffalo, dans le [sic] Saskatchewan… » p.10

« Toute la nuit il me harcela. Une nuit qui me sembla durer des siècles. Tantôt cela se passait sur la lande, tantôt dans la forêt, tantôt dans un immense couloir, tantôt dans une sorte de grenier sordide, plein de toiles d’araignées, de rats et de chauve-souris. Et tantôt je fuyais, le cœur battant à rompre, tantôt j’étais immobilisé, paralysé, pétrifié, le cœur serré dans un étau. » p. 117

Sources à consulter

10 avril 2014

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka - Suite

certaines1Certaines n'avaient jamais vu la mer / Julie Otsuka ; traduit de l'anglais (américain) par Carine Chichereau. -- [Paris] : Phébus, c2012. -- 139 p. : 21 c. -- ISBN 978-2-7529-0670-0

Quatrième de couverture

L’écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l’auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu’elles n’ont pas choisi.

C’est après une éprouvante traversée de l’océan Pacifique qu’elles rencontrent pour la première fois celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.

À la façon d’un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leur misérable vie d’exilées… leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail, leur combat pour apprivoiser une langue inconnue, l’humiliation venue des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire… Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre. Et l’oubli.

Commentaires personnels (suite)

Mais revenons au roman de Julie Otsuka. Dans ses deux romans, l'auteur a choisi de parler de la vie des immigrés japonais du début du 20e siècle. Dans son premier roman, elle nous présentait les camps d'internement américains où plus de 120 000 Japonais durent vivre pendant et après la 2e Guerre Mondiale. Elle s'était en grande partie inspirée de l'histoire de sa propre famille ; sa mère, son oncle et ses grands-parents maternels ayant dû vivre dans un camp de l'Utah pendant plusieurs années. Dans son 2e roman, Otsuka reprend se sujet mais commence son histoire bien avant. Elle nous parle de ses jeunes Japonaises qui ont traversé l'océan Pacifique pour venir rejoindre en Amérique des maris qu'elles n'avaient jamais vus qu'en photographie. Ce sont les "picture brides", de jeunes femmes, souvent jeunes, vierges, naïves, venant de la campagne, pauvres (pas toutes, évidemment, mais la plupart). Elles cherchent une vie meilleure et se laissent séduire par ces hommes qui les courtisent par lettres et photographies leur promettant richesse et bonheur. Elles font donc des mariages par correspondance et embarquent dans des bateaux en direction des États-Unis et de leur mari qui les attendent.

Le roman nous raconte donc en 8 chapitres le parcours de ces femmes : la traversée en bateau, alors qu'elles sont remplies d'espoirs et de craintes ; l'arrivée et la rencontre avec ce mari inconnu, les mensonges, la première nuit trop souvent difficile et triste, la violence ou l'indifférence ; la rencontre avec les Américains, les incompréhensions et préjugés, le travail et la vie dure, le désenchantement et la résignation ; la naissance des enfants ; la vie de leurs enfants, les petites joies et le détachement des jeunes ; le début de la guerre, la méfiance, les peurs, la stigmatisation, la solitude, la suspicion qui pèse sur eux tous, les traitres ; l'annonce des départs pour les camps d'internement, le dernier jour, le déchirement, la peur, la souffrance, la séparation ; et puis la disparition, où sont les Japonais se demandent les Américains qui les côtoyaient souvent dans l'indifférence. Nous avons les voix des femmes, puis des Japonais en général pour terminer avec la voix des Américains. Est-ce un roman historique ? Sûrement... Julie Otsuka nous raconte l'histoire des premiers immigrés japonais. Une histoire peu connue. La vie de ses femmes - et de leurs maris et familles - est difficile, remplie de sacrifices, souvent triste. Elles travaillent durement, sans relâche. Elles ont perdus tous les rêves, illusions, espoirs qu'elles avaient sur le bateau qui les a amenées vers cette nouvelle vie. On pourrait avoir l'impression que le roman ne nous parle que des malheurs et des déceptions de ces femmes, mais on peut aussi trouver ici et là des traces de moments doux et joyeux. Toutes n'ont pas eu la même vie, certaines furent malheureuses, certaines furent heureuses.

Tant d'histoires à raconter. L'auteur aurait pu ne choisir que de parler d'une ou de quelques unes de ces histoires. Mais elle a choisi de nous les raconter toutes ! Je trouve cette décision absolument géniale. Car malgré les 139 pages, l'auteur arrive à nous raconter toutes les histoires, toutes les possibilités, tous les rêves, toutes les déceptions, toutes les blessures, toutes les petites joies. Elles nous présentent donc des bribes, des fragments, des portions de vies. Pour certains lecteurs, c'était trop peu, trop bref, trop rapide, trop sec, trop énumératif, trop répétitif, ... J'ai trouvé ce procédé imaginatif, inspirant... j'ai pris les bribes et j'ai imaginé le reste de leur vie. J'ai pu ainsi apprendre et comprendre ces différentes vies... Je ne lis pas uniquement sur la vie d'une ou deux ou trois de ces femmes, mais sur des milliers ! Qui se ressemblent et qui sont toutes différentes les unes des autres.

Je me suis perdue parmi toutes ces voix. J'ai tendu l'oreille et il m'a semblé les entendre chuchoter doucement juste pour moi, leurs rêves, leurs peurs, leurs tristesses, leurs déceptions et leurs espoirs. Elles parlaient toutes en même temps mais elles me parlaient une après l'autre, pour être certaines que je comprenne bien leur histoire. Elles parlaient ensemble, comme un chœur antique, et semblaient réciter un poème, une litanie, une incantation...

L'auteur a choisi un style narratif qui en a rebuté plusieurs et qui surprend au début. Je dois avouer qu'on aime ou on déteste. Certains ont aimé au début puis s'en sont lassé. J'ai ADORÉ ! Il n'y a pas de narrateur, car les femmes sont toutes les narratrices, toutes à la fois, une à une. Elles nous parlent directement, par un "nous" collectif qui semble parfois devenir inclusif. Nous faisons partie des histoires, de l'Histoire. Chaque fragment de ces vies peut nous rejoindre, peut être un fragment de notre vie. Et à la toute fin, ce nous appartient aux autres, aux Américains. Et nous sommes encore une fois inclus dans ce nous.

Pour moi, ce roman a été un long chant poétique. J'ai été envoûté, charmé et bercé par les mots de Julie Otsuka et surtout par les moments emprisonnés par ces mots... Peut-être que vous n'avez pas aimé, peut-être que vous n'aimerez pas... moi, j'ai encore un frisson qui me parcoure quand je pense à ce roman. Je ferme les yeux et la couverture me hante ; j'entends les chants de ces femmes - ces hommes, ces enfants,... tous ces gens - qui me rappellent qu'elles -ils- ont existé.

L'avis d'Hélène, Vermicélia, Les Écrits Vains, L'Oeil qui fume, Achille 49, George, Colette sur Mediapart, et les 287 avis sur Babelio !

Mon premier billet sur l'auteur et quelques premiers commentaires ici...

Extraits

"Au début nous nous posions sans cesse des questions. Pourquoi montaient-ils sur leurs chevaux par la gauche et non la droite ? Comment parvenaient-ils à se différencier les uns des autres ?[...] À quoi rêvaient-ils ? Qui priaient-ils ? Combien de dieux avaient-ils ? Était-ce vrai qu'ils voyaient un homme dans la lune au lieu d'un lapin ?" p. 35

"Nous avons accouché en silence, comme nos mères, qui n'avaient jamais émis ni cri, ni plainte. [...] Nous avons accouché en pleurant, comme Nogiku, qui a attrapé les fièvres et n'a pas pu se lever pendant trois mois. Nous avons accouché facilement, en deux heures et puis nous avons eu la migraine pendant cinq ans. [...] Nous avons accouché en secret, dans les bois, d'un enfant dont notre mari savait qu'il n'était pas de lui." p.67

Sources à consulter

9 avril 2014

Certaines n'avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

certaines1Certaines n'avaient jamais vu la mer / Julie Otsuka ; traduit de l'anglais (américain) par Carine Chichereau. -- [Paris] : Phébus, c2012. -- 139 p. : 21 c. -- ISBN 978-2-7529-0670-0

Quatrième de couverture

L’écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l’auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu’elles n’ont pas choisi.

C’est après une éprouvante traversée de l’océan Pacifique qu’elles rencontrent pour la première fois celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.

À la façon d’un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leur misérable vie d’exilées… leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail, leur combat pour apprivoiser une langue inconnue, l’humiliation venue des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire… Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre. Et l’oubli.

L'auteur

certaines2Julie Otsuka est né en Californie aux États-Unis en 1962 dans une famille d'origine japonaise. Elle étudie la peinture et la sculpture à l'Université Yale et obtient son diplôme en Arts en 1984. Elle poursuit ses études l'Université de Columbia où elle obtient une Maîtrise en Arts en 1999. Elle commence sa carrière en tant qu'artiste peintre mais commence à écrire vers ses 30 ans. Elle publie son premier roman When the Emperor Was Divine en 2002. Il remportera de nombreux prix. Son second roman, The Buddha in the Attic, est publié en 2011. Il remportera également de nombreux prix. La traduction française, Certaines n'avaient jamais vu la mer, a remporté le Prix Femina étranger en 2012.

Elle continue d'écrire et vit aujourd'hui à New York.

Bibliographie

  • When the Emperor Was Divine (2002) (Quand l'empereur était un dieu, 2004)
  • The Buddha in the Attic (2011) (Certaines n'avaient jamais vu la mer, 2012)

Site de l'auteur en anglais.

Commentaires personnels

Comment ce petit livre de 139 pages peut-il contenir autant d'émotions et de poésie ? Je suis littéralement tombée en amour avec le "roman" de Julie Otsuka. Ce fut un coup de coeur renversant.

Et je suis vraiment heureuse de l'avoir lu en français. Je suis certaine qu'il est aussi magnifique en anglais, après tout, il a été écrit en anglais. Mais je trouve le titre en français beaucoup plus joli que celui en anglais. "The Buddha in the Attic" me semble sec, impersonnel, froid, matériel. "Certaines n'avaient jamais vu la mer" me rappelle une chanson, un vers. Il m'enveloppe et m'intrigue : qui sont-elles ? pourquoi n'avaient-elles jamais vu la mer ? pourquoi la voyaient-elles maintenant ? Et la couverture de la traduction française est magnifique, les couleurs sont douces. Oh, la couverture du roman en anglais est bien aussi... mais un simple coup d'oeil à la couverture française et l'image et le titre m'avaient conquise. Je n'ai même pas lu le quatrième de couverture, c'est tout dire. Ce pourquoi, je ne savais pas que le roman était une traduction (le nom de l'auteur ne me donnant aucun indice). Et je suis bien heureuse de ne pas avoir lu ce quatrième de couverture, car j'aurais sûrement pris la version originale puisque je préfère habituellement lire, si possible, un roman dans sa langue d'origine. Encore une fois, j'aurais peut-être beaucoup aimé... mais je m'imagine mal, en anglais, la même poésie, la même musicalité du texte traduit.

Mais revenons au roman... commentaires à suivre !

Extraits

"Sur le bateau chaque nuit nous nous pressions dans le lit les unes des autres et passions des heures à discuter du continent inconnu où nous nous rendions. Les gens là-bas, disait-on, ne se nourrissaient que de viande et leur corps était couvert de poils [...]. Les arbres étaient énormes. Les plaines immenses. Les femmes, bruyantes et grandes - une bonne tête de plus, avions-nous appris, que les plus grands de nos hommes. Leur langue était dix fois plus compliquée que la nôtre et les coutumes incroyablement étranges. Les livres se lisaient de la fin vers le début et on utilisait du savon au bain. On se mouchait dans des morceaux de tissu crasseux que l'on repliait ensuite pour les ranger dans une poche, afin de les utiliser encore et encore. Le contraire du blanc n'était pas le rouge mais le noir. Qu'allions-nous devenir, nous demandions-nous, dans un pays aussi différent ?" p. 15

"Certains des nôtres sont partis en pleurant. Et certains en chantant. L'une avait la main plaquée sur la bouche parce qu'elle avait le fou rire. Certains étaient ivres. D'autres sont partis en silence, tête baissée, pleins de gêne et de honte." p.116

Sources à consulter

27 janvier 2014

Le poison des roses de Mirjam Pressler

Roses1Le poison des roses : roman / Mirjam Pressler ; traduit de l'allemand par François Mathieu et Dominique Taffin-Jouhaud. -- [Paris] : Calmann-Lévy, c2007. -- 262 p. ; 21 cm. -- ISBN 9782702138090. -- (Coll. Suspense (Calmann-Lévy (Firme)) [14].

Quatrième de couverture

Auteur de romans policiers à succès, Lisa Bratt mène seule une vie bien rangée après deux divorces, dans un univers douillet et volontairement isolé. Mais un soir, elle ramène chez elle Annabella, une jeune SDF victime d’une agression dont elle a été par hasard le témoin.

Leur trouble cohabitation dérègle totalement l’existence de Lisa. Elle continue cependant à travailler à son prochain roman – dont l’héroïne, une passionnée de roses, projette d’empoisonner son mari – et un jeu subtil s’installe bientôt entre la vie réelle et la fiction…

Mais la nuit où Lisa découvre Annabella totalement ivre, ce sont les souvenirs de sa propre enfance qui remontent à la surface. Après la mort de sa sœur jumelle, son père parti, Lisa n’a plus été pour une mère alcoolique que l’« enfant de reste »…

Tout en nuances, ce roman d’une grande justesse raconte, dans un style sobre et précis, le glissement inexorable d’une vie banale vers le cauchemar. Du grand art, qui n’est pas sans rappeler celui de Patricia Highsmith.

L'auteurRoses2

Mirjam Pressler est né en 1940 à Darmstadt en Allemagne. Elle étudie en art à Akademie für Bildende Künste à Francfort et les langues à Munich. Elle vivra un an en Israël. Puis elle retourne en Allemagne où elle a plusieurs différents emplois. Elle commence à écrire en 1979. L'année suivant, en 1980, son premier roman, Chocolat amer, reçoit le prix du livre de l'enfance et de la jeunesse d'Oldenbourg. Elle continue d'écrire, principalement pour la jeunesse, et est également traductrice. Elle reçoit de nombreux prix dont un prix spécial de la littérature jeunesse pour son travail de traductrice et des prix pour l'ensemble de son oeuvre. Elle vit aujourd,hui à Munich où elle continue à écrire et à traduire.

Site de l'auteur en allemand.

Bibliographie partielle

Bibliographie très extensive. Principalement des romans jeunesse et quelques romans pour adultes. Quelques titres ont été traduits en d'autres langues dont le français et l'anglais. Je n'ai cependant pas pu trouver de listes autres qu'en allemand. On peut trouver sa bibliographie complète en allemand sur Wikipedia.de.

Commentaires personnels

Encore une fois, je n'aurais jamais découvert ce roman, s'il n'avait été présent sur ma liste d'élagage. J'ai trouvé le quatrième de couverture alors j'ai décidé de le lire avant de l'envoyer dans la vente de livres... oui, car 5 prêts en 2007 et rien après, c'est la mort d'un livre en bibliothèque publique qui manque d'espace, à moins d'être un classique. Cruel mais c'est la vie.

Donc, nous avons ici une auteur de romans policiers, Lisa, un peu asociale et recluse. Elle a peu d'amis, sort rarement de chez elle. Elle consacre ses journées à l'écriture de son prochain roman dans lequelle elle raconte le futur assassinat d'un homme par son épouse qui cultive des roses. Un soir, elle assiste à une altercation entre une jeune fille et son copain. Elle intervient et finit par ramener cette jeune fille sans abri, Annabella, chez elle. Cette décision impulsive ne ressemble pas à Lisa, mais elle est d'abord heureuse de cette cohabitation. Mais rapidement, Annabella envahit la vie de Lisa. La jeune fille s'incruste chez Lisa et commence à envahir tous les aspects de sa vie. Elle profite de Lisa et la manipule. Elle finit même par influencer le roman que Lisa écrit.

Le roman oscille d'ailleurs entre les pages que Lisa écrit et sa relation avec Annabella. Les personnages du roman de Lisa prennent vie petit à petit et nous assistons à leur histoire. Les deux histoires s'entremêlent et se parlent. Ces deux histoires sont intéressantes mais comme d'autres lecteurs j'ai eu un faible pour l'histoire de la cultivatrice de roses. Et j'aurais presque voulu avoir un autre roman vraiment consacré à cette famille. Mais le roman dans son ensemble est vraiment bien construit.

La narratrice, Lisa, est un personnage beaucoup plus complexe qu'il n'apparaît au tout début. Et le personnage d'Annabella me semble décrit de façon superficiel. On n'arrive pas à vraiment connaître Annabella, mais cela m'apparait essentiel à l'histoire. L'essentiel du roman est la perception que Lisa a de son aventure avec Annabella. Et surtout ce sont ces sentiments qui sont mis au premier plan. Elle a besoin de sauver la jeune fille, elle s'essaie au rôle de sauveur, de mère, de mentor... Elle croit pouvoir sauver Annabella, elle est certaine qu'elle peut construire une relation avec elle. Mais Annabella n'est pas un ange. Elle manipule, profite de Lisa. Elle est même volontairement cruelle et perverse. Elle s'amuse et joue les victimes pour mieux profiter de l'auteur. Elle ne veut pas jouer le jeu de la relation mère-fille que Lisa veut tant vivre. Cette relation malsaine transforme tout de même Lisa. Elle l'oblige à confronter son passé, ses relations passées et actuelles, ses démons intérieurs. Mais Annabella finira par dépasser les limites de l'auteure.

Le roman de Pressler m'a envoûté. J'ai bien aimé ce jeu de manipulations qui va dans les deux sens. Car même si Annabella est le personnage qui est foncièrement et ouvertement manipulateur, Lisa exerce sa propre manipulation aussi. Le texte a bien quelques longueurs et j'ai eu quelques soupirs d'exaspérations face à la prétendue naïveté de la narratrice. Parfois, j'ai ragé devant l'obstination de Lisa a vouloir "sauver" la jeune fille. Et j'ai douté de la crédibilité de certaines actions des personnages. Et comme je l'ai dit, j'aurais bien aimé voir plus de finalité dans le roman que Lisa écrivait. Mais ces petites critiques ne changent pas le fait que j'ai beaucoup aimé le roman. Mirjam Pressler a une écriture efficace et joue avec les mots. Elle fait également parlé sa narratrice a une tierce personne. Lisa raconte son histoire a une personne, en lui disant "tu". Ce n'est pas un procédé facile et c'est souvent mal utilisé. Pressler le fait très bien.

Très bon roman. Alors pourquoi ne sort-il pas ? Je l'avoue, je ne l'ai pas élagué. Je l'ai mis dans la section "coup de coeur" (même si ce n'est pas nécessairement un coup de coeur, je l'ai suffisamment aimé pour l'y mettre) et évidemment quelqu'un l'a emprunté tout de suite. Tant de livres oubliés, trop de livres oubliés.

Extraits

"Il est étrange, n'est-ce pas, qu'il soit beaucoup plus difficile de raconter des épisodes gais et agréables que de narrer des événements dramatiques; C'est pareil en littérature, quand un auteur décrit trop de faits joyeux au quotidien, les lecteurs que nous sommes se mettent à penser, oui d'accord, j'ai pigé : il sourit, elle sourit, le soleil brille dans le ciel azuré, les pensées fleurissent dans les massifs du jardin public, mais qu'est-ce que ça signifie, qeul rapport avec moi; et nous nous ennuyons, alors que les déceptions, les humiliations, une haine subconsciente éveillent des souvenirs et nous incitent à comparer, apprécier classifier ce qui nous est personnel en fonction de ce qui vient d'ailleurs, et à recréer constamment notre passé jusqu'à en avoir limé toutes les aspérités." p. 45

Sources à consulter

16 janvier 2014

J'haïs le hockey de Barcelo - Commentaires personnels

Hockey1J'haïs le hockey : roman / François Barcelo. -- [Montréal] : Coups de tête, c2011. -- 111 p. ; 21 cm. -- ISBN 9782896710003. -- (Coups de tête ; 45)

Quatrième de couverture

Antoine Vachon haït le hockey. À la suite de l'assassinat de coach de l'équipe de hockey de son fils, Antoine se voit pourtant contraint de le remplacer à pied levé, sans savoir alors que sa vie va changer. Le flou persiste. Qui a assassiné le coach ? Et surtout, pourquoi ? Le fils d'Antoine aurait-il quelque chose  à voir dans tout cela ? L'entraineur était pourtant connu et apprécié dans sa communauté, il s'occupait bien de ses joueurs, trop bien peut-être...

François Barcelo signe ici un roman vif, nerveux, outrageux, sensible, noir, étonnant, skakespearien, tragique , sportif, amoureux, désillusionné, un roman sur l'amour, sur la trahison, sur l'incompréhension...

Commentaires personnels

Quel horroble quatrième de couverture. Il commence pourtant très bien et attire mon attention, ensuite il en dit un peu trop. On peut presque deviner. Et puis, ce dernier paragraphe... hum, il me semble qu'on a dû oublier un adjectif, non ? Non mais, c'est quoi l'idée de l'éditeur de décrire ainsi le roman de son auteur... peut-on avoir plus fourre-tout comme énumération. C'est dommage car si certains adjectifs collent très bien et d'autres moins bien, c'est le côté "je vous fais une analyse toute faite du roman de mon auteur... vous n'avez pas y réfléchir" qui m'achale vraiment beaucoup. Heureusement, cela ne m'a pas empêcher de lire le livre et de l'aimer.

Disons-le tout de suite, je ne déteste pas le hockey. Mais je ne suis pas non plus une fan finie. J'aime bien écouter une partie mais je trouve un peu fou, la passion de certains amateurs et je dois avouer que je me bidonne bien lors des commentaires de certaines émissions sportives. Des analyses dignes des plus sérieuses analyses politiques ou économiques transposées au moindre jeu ou joueurs. C'est fascinant. Mais il faut souligner que ce n'est pas particulier au hockey, c'était bien pire en Espagne avec le fùtbol ! Mais je m'éloigne... Et juste pour terminer cette disgression, il faut souligner qu'on n'a pas besoin d'aimer ou haïr le hockey ou même de connaître le jeu, pour lire et apprécier le roman. Juste être un peu familier avec la passion ou la haine qu'on peut entretenir avec un sport...

Et donc, le personnage principal, Antoine Groleau haït le hockey, de façon viscérale. Et disons qu'au Québec, quelqu'un qui haït le hockey à ce point, surtout un "gars", c'est rare (c'est évidemment beaucoup plus commun que la mythologie hockeyesque québécoise veut le laisser croire, mais bon.). Ce n'est pas le personnage le plus reluisant, c'est un peu un perdant, comme on dit... mais avec un "grand coeur", vous voyez le genre ? Il a perdu sa femme, son emploi... il est désespéré. Et donc malgré le fait qu'il déteste le hockey et qu'il n'y connait absolument rien, il se voit obligé de devenir le coach de l'équipe de son fils, après que l'entraîneur habituel ait été assassiné. Il ne veut pas "jouer au coach", mais c'est d'abord, pour lui, un moyen de se rapprocher de son fils. Puis cette mésaventure d'entraîneur suppléant et inadéquat se transforme en enquête - ou quête - pour savoir ce qui est vraiment arrivé au coach et surtout pourquoi... Les réponses qu'il imagine ou finit par découvrir sont loin d'être jolies.

Et donc le roman commence un peu sur note humoristique mais rapidement, l'humour devient noir et puis, on ne rit plus du tout, et on touche un peu le tragique. Des choses horribles ont eu lieu, les personnages morts et vivants, jeunes et vieux ne sont pas ce qu'ils semblaient être et le "gars" un peu looser redevient rapidement un père. Le roman est court et le rythme rapide. Et la fin est inattendue et troublante. Et oui, on tombe dans des sujets difficiles, mais le roman est si court qu'on n'arrive pas à réaliser sur le moment tout le tragique de l'histoire. C'est très efficace comme écriture.

Dernier point... le narrateur, comme vous pouvez le lire dans les deux extraits que j'ai mis plus bas, s'adresse continuellement au lecteur. Habituellement, dans un roman, je supporte difficilement. Cela passe mieux à l'écran je trouve, petit ou grand - mais pas toujours. Il est difficile de briser le 4e mur, surtout en littérature, sans tomber dans le surfait et le cliché. Mais ici, étrangement, cela ne m'a pas du tout incommodé, j'ai même été amusée et charmée par ces répliques.

La bibliographie de l'auteur est longue et bizarrement c'est le premier livre que je lis de Barcelo. Ce ne sera pas le dernier.

(Oh et pour la forme, il y a une grosse différence entre dire "je hais le hockey" et "j'haïs le hockey"... le deuxième est plus viscéral !)

L'avis de Richard , Fibula, La Bouquineuse

Voir aussi : J'haïs le hockey de Barcelo - L'auteur

Extraits

"Je vais vous avouer une chose : j'haïs le hockey. Oui, je sais que c'est pas français, qu'on doit dire "je hais le hockey". Ou encore "je déteste le hockey". Mais quand on haït le hockey comme j'haïs le hockey, on a le droit de dire "je l'haïs". Si je suis là avec vous ce soir, c'est parce qu'on a trouvé personne d'autre. J'ai le malheur d'être le père de l'un d'entre vous et le président Beauchemin avait mon numéro de téléphone." p.30

"Je parie que vous y avez pensé avant moi : Colombe ! Vous avez raison : ça pourrait être Colombe. Elle est en forme. Elle a fait un demi-marathon l'été dernier. Ce n'est pas pour rien qu'elle est si bien conservée. Et elle est forte. Je le sais, elle m'a giflé, deux ou trois fois avant de me mettre à la porte." p. 74

Sources à consulter

15 janvier 2014

J'haïs le hockey de Barcelo - L'auteur

Hockey1

J'haïs le hockey : roman / François Barcelo. -- [Montréal] : Coups de tête, c2011. -- 111 p. ; 21 cm. -- ISBN 9782896710003. -- (Coups de tête ; 45)

Quatrième de couverture

Antoine Vachon haït le hockey. À la suite de l'assassinat de coach de l'équipe de hockey de son fils, Antoine se voit pourtant contraint de le remplacer à pied levé, sans savoir alors que sa vie va changer. Le flou persiste. Qui a assassiné le coach ? Et surtout, pourquoi ? Le fils d'Antoine aurait-il quelque chose  à voir dans tout cela ? L'entraineur était pourtant connu et apprécié dans sa communauté, il s'occupait bien de ses joureurs, trop bien peut-être...

François Barcelo signe ici un roman vif, nerveux, outrageux, sensible, noir, étonnant skakespearien, tragique , sportif, amoureux, désillusionné, un roman sur l'amour, sur la trahison, sur l'incompréhension...

L'auteur

François Barcelo est né en 1941 à Montréal. Il commence à écrire très jeune, influencé par sa mère qui est elle-même écrivaine. Alors qu'il est dans son adolescence, il remporte un prix littéraire (Radio-Canada) pour jeunes auteurs. Ses oeuvres se retrouvent également finalistes dans le Prix du Cercle du livre de France. Hockey2

Il fait des études littéraires à l'Université de Montréal et obtient une maîtrise. Il continue à écrire et son oeuvre comprend des romans jeunesses, des essais et des romans pour adultes. Il est aussi, pendant un certain nombre d'années, publicitaire, travaille pour plusieurs agences et devient même le vice-président de J.Walter Thompson. Il publie son premier roman en 1981 et remporte le Prix du Gouverneur général en 2006 pour son roman jeunesse La Fatiguante et le Fainéant. Son roman pour adultes, Cadavres, publié en 1998, sera publié par Gallimard et est adapté au cinéma en 2008.

Il continue aujourd'hui à écrire autant pour la jeunesse que pour un public adulte et recevra de nombreux prix. Son oeuvre est traduite en nombreuses langues.

Site Web de l'auteur (avec une biographie complète)

Bibliographie partielle

  • Agénor, Agénor, Agénor et Agénor (1981)
  • La Tribu (1981)
  • Ville-Dieu (1982)
  • Aaa, Aâh, Ha ou les amours malaisées (1986)
  • Nulle Part au Texas (1989)
  • Les Plaines à l'envers (1989)
  • Je vous ai vue, Marie (1990)
  • Le Voyageur à six roues (1991)
  • Ailleurs en Arizona (1991)
  • Pas tout à fait en Californie (1992)
  • Longues histoire sourtes (nouvelles) (1992)
  • De Loulou à Rébecca (et vice versa, plus d'une fois) (sous le pseudonyme d'Antoine Z. Erty) (1993) 
  • Moi, les parapluies… (1994)
  • Vie de Rosa (1996)
  • Vie sans suite (1997)
  • Cadavres (1998)
  • Pince-nez le crabe en conserve (roman jeunesse) (1999)
  • Tant pis (2000)
  • Une histoire de pêche (2000)
  • Chiens sales (2000)
  • L'ennui est une femme à barbe (2001)
  • J'enterre mon lapin (2001)
  • Route barrée en Montérégie (2003)
  • Rire noir (Nouvelles) (2004)
  • Le Nul et la Chipie (roman jeunesse) (2004)
  • Bossalo (2005)
  • Les Pas de mon papa (roman jeunesse) (2005)
  • Bonheur Tatol (2006)
  • Dernier soir sur un pont (nouvelles) (2006)
  • La Fatigante et le Fainéant (roman jeunesse) (2006)
  • Les Mains de ma maman (roman jeunesse) (2006)
  • Chroniques de Saint-Placide-de-Ramsay (2007)
  • Petit Chien pas de pattes (2008)
  • Fantasia chez les Plouffe (2010)
  • Le Seul Défaut de la neige (2010)
  • Petit héros fait caca comme les grands (roman jeunesse) (2010)
  • Le menteur et la rouspéteuse (roman jeunesse) (2010)
  • J'haïs le hockey (2011)
  • J'haïs les bébés (2012)
  • J'haïs les vieux (2013)

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Sources à consulter

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